Je vous envoie ce message au nom de mes collègues de la salle des professeurs. Nous avons été étonnés et même choqués du traitement médiatique qui a été fait sur plusieurs de vos antennes au sujet de la grève des enseignants (du 1er février notamment). Nous sommes sortis dans la rue pour lutter en priorité contre le projet des classes de niveau en français et en mathématiques en 6e et 5e. Cette réforme va amener au tri des élèves dès la 6e, ce qui est contraire à l’égalité des chances. De plus, cette réforme entraînerait dans de nombreux établissements l’arrêt de dispositifs et enseignements qui nous paraissent essentiels pour tous les élèves. Vous n’avez évoqué que les conditions de travail et les salaires qui sont certes problématiques mais qui sont presque passés au second plan. Nous aurions aimé un traitement plus approfondi et plus juste car cette réforme ne concerne pas que les enseignants. Il est important que les citoyens parents de ces élèves soient informés de cette situation.
Au-delà des salaires et des conditions de travail, seule information donnée sur votre antenne, c’est une inquiétude beaucoup plus forte qui nous préoccupe : la mise en place de ces groupes de niveau qu’on nous impose ! Ces groupes de niveau dans lesquels nous allons devoir trier les élèves dès la 6ème ! Ces groupes de niveaux au sujet desquels la recherche en pédagogie et en sciences de l’éducation a montré qu’ils étaient non seulement inefficaces mais qu’ils renforçaient les inégalités et décourageaient les enfants les plus fragiles !
Nous sommes une équipe stable, qui a choisi d’enseigner en REP, par conviction. Ces groupes de niveau, à mettre en place, à moyens constants, nous obligent à abandonner des dispositifs existants, mis en place depuis longtemps, en équipe et en lien avec les besoins de nos élèves, dispositifs qui ont fait leurs preuves. L’an prochain, il n’y aura plus d’aide personnalisée en co-animation, ni d’aide à la lecture, ni de projets interdisciplinaires, et plus tard plus d’option latin, ni d’option langue et culture européennes ?
C’est l’école qui crée la société de demain : nous ne voulons pas contribuer à cette école élitiste du chacun pour soi, dans laquelle le destin des enfants se jouerait dès la 6ème. Il faut être naïf pour penser qu’un enfant en difficulté pourra dans le même temps imparti rattraper le niveau du groupe supérieur, qui lui aussi aura avancé ! Les enfants en difficulté ont besoin de l’émulation des autres pour progresser. Nous espérons pouvoir compter sur vous pour nous faire entendre, pour nous aider à expliquer aux parents les vrais enjeux de cette réforme.
Je suis surprise de la faible couverture par votre radio de la grève des enseignants.
La mise en place de groupes de niveaux est problématique à plusieurs niveaux :
- La création de ces groupes va fragiliser psychologiquement les élèves mis dans des groupes faibles, les élèves qui vont être rétrogradés en cours d’année, les élèves qui se sentiront seuls dans leur groupe, les élèves qui seront associés de par leur niveau à des élèves avec lesquels ils auront été en conflit voire même victimes de harcèlement
- La création d’un groupe faible va tirer les élèves de ce groupe vers le bas, l’ambiance risque d’y être explosive, le nombre d’élèves présentant des troubles des apprentissages ou du comportement risque d’être important
- La mise en place des groupes est compliquée, si il y a par exemple 3 enseignants de mathématiques, on peut faire 3 groupes en parallèle et si on a 75 élèves, au lieu de faire trois classes hétérogènes de 25 élèves on a trois groupes de niveau avec 15 puis 30 et 30 élèves, je ne suis pas certaine que ce soit une organisation satisfaisante…
- Dans une classe hétérogène, il y a des élèves autonomes et des élèves qui ont davantage besoin d’être accompagnés, l’enseignant peut être davantage disponible pour ceux qui ont besoin d’aide
- La collaboration entre élèves, la mixité permet d’éviter l’entre-soi et permet aux élèves de s’entraider, de développer des qualités humaines.
- La mise en place de ces groupes de niveaux réduira le nombre de projets interdisciplinaires, culturels.
Tout le monde, parents d’élèves, enfants, doivent être au courant des changements qui s’annoncent.
Nous avons été déçus par le traitement de la grève des enseignants du jeudi 1er février. Cette journée n’était pas seulement pour de meilleures conditions de travail comme cela a été dit sur votre antenne. Oui, nos conditions de travail se dégradent et vont très certainement se dégrader, mais ce n’est pas la principale raison qui a poussé beaucoup de mes collègues et moi-même dans la rue. Nombre d’entre eux ne faisaient pas grève d’habitude et je fais partie de ceux qui ne croient plus beaucoup à ces « coups d’épée dans l’eau ». Mais cette réforme, avec notamment les groupes de niveaux, me révolte particulièrement parce qu’elle touche à l’égalité des chances et au vivre ensemble, au cœur même de mes valeurs et de ma façon d’envisager mon métier, dans un service public. Ce sont nos élèves, les plus fragiles, les moins favorisés socialement et culturellement, leur avenir, qui me préoccupent bien plus encore que mes conditions de travail. Et je ne suis pas la seule à penser cela. J’espère un traitement plus « juste » dans tous les sens du terme de notre lutte dans les jours qui viennent, car nous aurons beau nous démener dans mon collège REP, avec les parents, dans notre quartier déjà malmené, cela n’aura que très peu d’effet si vous, média sérieux de référence et avec lequel je travaille avec mes élèves, vous ne transmettez pas la réelle motivation des enseignants. Il ne s’agit pas d’une énième grève pour la revalorisation des salaires, il s’agit d’un mouvement d’indignation face à un modèle de société encore plus élitiste et cruel que l’on cherche à nous imposer. Enfin, que l’on nous demande d’imposer à des élèves dès l’an prochain.
Il se passe des événements graves dans l’éducation : les dotations horaires globales arrivent : dans le 92 (Nanterre, Puteaux, Suresnes, entre autres) perte de 43 à 70 heures d’enseignement ! Suppressions de classes et de postes : est-ce cela le choc des savoirs ???? Les faits contredisent le gouvernement. Informez-vous pour nous informer ! Les parents d’élèves sont aussi mobilisés à nos côtés.