Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France est cette année la présidente du jury du 33e Grand Prix Cap’Com. A cette occasion, elle revient sur le rôle de médiatrice dans une interview publiée sur le site de Cap’Com.

Vous présiderez dans quelques jours le jury du 33e Grand Prix de la communication publique et territoriale. Qu’attendez-vous de ces travaux ?

Emmanuelle Daviet : Je suis ravie de présider le jury de ce Grand Prix de la communication publique et de succéder à Céline Pascual-Espuny, professeure des universités en sciences de l’information et de la communication. Je serai sensible aux projets originaux où se mêlent la créativité et la rigueur, aux travaux qui peuvent être inspirants pour tous. L’innovation me paraît indispensable pour maintenir l’intérêt du public, elle témoigne également de la vitalité d’une équipe. Tout en restant dans les modalités de l’information de proximité, les projets qui s’affranchissent des codes, les terrains d’expression où l’on s’aventure en s’autorisant le pas de côté, les nouvelles influences qui font bouger les lignes de la communication m’intéressent particulièrement.

Obtenir un prix n’est pas anodin. Un prix objective l’expertise et la créativité. Il traduit l’engagement de professionnels. Il peut réellement impulser une dynamique dans une collectivité et constitue une formidable émulation, je serai donc très attentive aux projets que je vais découvrir et à la sélection que nous ferons, car je sais le rejaillissement qui peut en résulter.

Vous êtes actuellement médiatrice des antennes de Radio France. Pouvez-vous nous expliquer votre rôle et vos missions ?

E. D. : C’est ma quatrième saison radiophonique à ce poste. Ma feuille de route est claire : renforcer la confiance avec les publics en favorisant le dialogue entre les chaînes et leurs auditeurs. Il est important de rappeler que Radio France accompagne près de 15 millions d’auditeurs quotidiens avec sept antennes ayant chacune une personnalité bien définie : France Inter, la chaîne généraliste du service public et première radio de France ; Franceinfo, le média global d’information du service public ; France Bleu et ses 44 locales alliant information, musique et programmes de proximité en région ; France Culture, la chaîne de référence de la connaissance, de la vie des idées, des savoirs et de la création ; France Musique, pour un public de mélomanes aimant la musique classique et le jazz ; Fip, qui panache l’éclectisme musical ; et Mouv’ pour les jeunes.

Les auditeurs qui m’écrivent sont essentiellement ceux de France Inter, France Culture et Franceinfo. Je reçois en moyenne 900 courriels par jour. Le service de la médiation est la seule instance qui offre aux auditeurs un accès aux journalistes, producteurs et directions des antennes. Ils nous adressent leurs remarques, leurs critiques, ils nous font part de leur incompréhension sur le choix d’un reportage ou la présence d’un invité en studio. Les auditeurs expriment aussi des attentes et sont exigeants. Ils ont une écoute attentive et clairvoyante, ils ne laissent rien passer.

Mon rôle n’est pas de juger si ces messages sont légitimes mais plutôt de faire entendre les arguments de chacun, en somme de me faire l’avocate des auditeurs auprès des rédactions et l’avocate des rédactions auprès des auditeurs : un rôle d’équilibriste en quelque sorte. Je relaie les messages auprès des rédactions afin que les auditeurs soient entendus. C’est une autre manière de faire du journalisme, par la pédagogie puisque nous leur répondons afin de leur expliquer les lignes éditoriales de nos antennes, le travail des journalistes, nos pratiques professionnelles.

Toutes les thématiques qui se dégagent des mails sont également synthétisées et transmises aux rédactions et aux responsables des chaînes. Le service de la médiation est donc une instance stratégique pour identifier des tendances, comprendre les fluctuations d’humeur des auditeurs qui nous écrivent, et ils sont très nombreux à le faire. Avec plus de 215 000 messages reçus entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2021, notre positionnement est tout à fait unique dans la presse en termes de volume de mails traités, de réponses apportées et de réactivité. Ce service centralise tous les mails adressés aux antennes, je sais donc précisément ce que les auditeurs pensent de chaque station, des journalistes et des producteurs, ce qui permet d’apporter des réponses personnalisées.

Il est capital de préciser que tout ce que nous recevons est lu. Chaque courriel est pris en compte, sans exception aucune. Pas question de passer à côté d’un mail sensible ou d’une alerte. Aucun média télé, radio ou presse écrite n’accomplit ce travail à une telle échelle. La médiation à Radio France a donc pris une dimension sans équivalent dans l’univers médiatique français, et même européen. Je m’appuie sur deux collaboratrices très investies pour accomplir cette mission.

Quel regard portez-vous sur la communication publique et territoriale aujourd’hui ?

E. D. : Il me semble qu’elle se porte bien et que son rôle dans la vie de la cité est plus que jamais décisif ! La communication publique et territoriale a pleinement montré son utilité, son agilité et sa force à l’occasion de la crise sanitaire en multipliant les supports pour transmettre l’information en temps réel. Les communicants territoriaux ont dû déployer d’impressionnantes ressources et faire preuve d’initiative et d’efficacité, notamment dans les contenus numériques, sur les pages officielles, sur les réseaux sociaux où nos concitoyens allaient chercher l’information concernant leur commune. D’ailleurs, les Français ont plébiscité les moyens mis en œuvre par leur mairie pour les informer de la situation très évolutive que traversait notre pays.

À l’échelon local, cette réactivité, cet accès immédiat à l’information ont largement contribué à renforcer le lien de confiance entre les citoyens et leur mairie, et il en découle naturellement qu’ils accordent une forte crédibilité aux messages qu’elle délivre. Les autres collectivités territoriales ont bien sûr joué un rôle majeur pour irriguer l’information en misant sur différents canaux très complémentaires, le numérique, le papier, les réseaux sociaux, ce qui a pu largement satisfaire l’appétit de nos concitoyens qui consultent en moyenne neuf supports différents pour s’informer.

Tout cet écosystème informationnel est très vivant, il est en évolution constante et invite donc à être créatif, à révolutionner les pratiques communicationnelles, à découvrir d’autres façons de transmettre une information utile et de qualité. La communication publique et territoriale n’est ni figée ni enfermée. C’est extrêmement stimulant !

Comment, selon vous, la communication publique peut-elle travailler à recréer ce lien de confiance entre les citoyens et les institutions ?

E. D. : Par la transparence, la proximité et la cohérence. Le service de la médiation de Radio France publie chaque semaine les remarques qui sont formulées sur le travail des rédactions et des antennes. Quelle autre institution de service public fait ce travail de transparence ? À ma connaissance, aucune. J’ajoute qu’aucun autre média français, public ou privé, ne donne à lire les critiques que lui adresse son public chaque semaine. Mettre en œuvre une telle politique de transparence nécessite du courage et renforce notre positionnement très assumé de média vivant en prise directe avec ses auditeurs. Nous ne sommes pas hors-sol, déconnectés de ce qu’ils ont à nous dire, nous ne sommes pas dans une tour d’ivoire. Bien au contraire !

En communication publique, la proximité est également essentielle pour créer ce lien de confiance. Le réel, le quotidien de nos concitoyens nous importent, que l’on travaille dans une collectivité locale ou une institution nationale. Il faut toujours se demander quelle plus-value une information apporte, en quoi elle éclaire sur notre société, notre ville ou notre commune, pourquoi elle peut s’avérer indispensable. Toujours avoir à l’esprit la notion de service public, donc s’adresser au collectif tout en prenant en considération les individualités.

E. D. : La cohérence est aussi, bien sûr, un vecteur de confiance. Un exemple très concret : des auditeurs ne comprennent pas que nous puissions d’un côté proposer davantage de programmes consacrés à la transition énergétique et de l’autre faire la promotion de véhicules émetteurs de CO2. Les auditeurs paient la redevance audiovisuelle. Ils se sentent un peu propriétaires de Radio France. Leur attente à l’égard du service public audiovisuel est immense, ils ont une exigence de qualité et de cohérence qu’on ne peut pas décevoir. Depuis le mois de janvier 2021, Radio France a donc décidé d’aligner ses pratiques publicitaires avec ses engagements éditoriaux pour l’environnement. Concrètement, la régie publicitaire du groupe valorise les initiatives agissant activement en faveur de la transition écologique avec la création d’une série de nouveaux espaces publicitaires responsables. On a là une traduction tangible de la cohérence qui s’inscrit dans « une démarche vertueuse », selon la volonté de Sibyle Veil, P-DG de Radio France.

Au-delà de toutes ces valeurs, nous vivons à une époque où la diversité pour s’exprimer et toucher les publics est foisonnante. Avec tous les outils à notre disposition – réseaux sociaux, sites internet, vidéo, webdesign, infographie –, à nous d’inventer de nouvelles formes d’interactions pour nouer le dialogue et créer ce lien de confiance.