Un mois après le verdict du procès de Mazan, Mathilde Lemaire, journaliste police-justice qui a couvert le procès pour franceinfo raconte dans un podcast cette affaire qui a marqué l’Histoire. Cinq épisodes pour revenir sur la dimension hors-norme d’un procès qui devait se tenir à huit-clos, la figure emblématique qu’est devenue Gisèle Pelicot, les stratégies de la défense. Un podcast produit par Mathilde Lemaire et réalisé par Marie Plaçais.
Pauline Pennanec’h responsable des podcasts à Franceinfo et David Di Giacomo chef du service police justice sont au micro d’Emmanuelle Daviet.
Emmanuelle Daviet: Pourquoi avoir jugé nécessaire de consacrer un podcast au procès de Mazan alors qu’il a été largement traité sur l’antenne Pauline Pennanec’h ?
Pauline Pennanec’h: Alors l’idée c’était d’entendre Mathilde Lemaire sur son ressenti en tant que journaliste. Comment est-ce qu’elle a vécu ces trois mois de procès, comment est-ce qu’elle a retranscrit les débats et comment en tant que journaliste, avec le recul, un mois après le verdict, elle a vécu les choses.
Emmanuelle Daviet: Alors l’histoire de Gisèle Pélicot a bouleversé la France et le monde. Dans ce podcast, Mathilde Lemaire rappelle qu’au premier jour du procès, 30 journalistes étaient accrédités. Puis, au fil des jours, 180 médias, dont 86 journalistes étrangers avec une forte présence d’Espagnols. David Di Giacomo, comment expliquer que ce procès ait suscité une telle mobilisation médiatique ?
David Di Giacomo: Alors, je dois le reconnaître, au service police justice de Franceinfo, nous pensions effectivement qu’un huis clos allait être probable, ce qui du coup, ne nous aurait pas permis de suivre l’audience. Et puis tout bascule ce 2 septembre, à l’ouverture du procès à Avignon. Quand Gisèle Pélicot demande à ce que l’audience soit publique, elle expliquera vouloir que « la honte change de camp ». Et à ce moment là, la force de cette toute première prise de parole attire l’attention d’autres journalistes français et d’autres journalistes étrangers. C’est donc, je dirais, vraiment la personnalité de cette femme forte et à la fois ordinaire aussi, qui va donner une envergure inédite à ce procès. Avec tout de même, je le rappelle, face à Gisèle Pélicot, 50 hommes accusés de l’avoir violée. Donc forcément, c’est une audience inédite dans tous les cas. Mais la personnalité aussi de Gisèle Pélicot va donner cette ampleur et va faire que ce procès deviendra, on le disait historique.
Emmanuelle Daviet: Alors il a eu un effet médiatique retentissant. En revanche, et le podcast le rappelle, la classe politique est restée plutôt discrète tout au long du procès, ce que déplore une auditrice qui nous écrit et demande « Comment peut-on comprendre ce quasi silence, y a t il des pistes d’explication ?«
David Di Giacomo: Alors j’apporterai tout de même une nuance. C’est vrai qu’au début du procès, on a quasiment pas entendu la classe politique. Cette auditrice a raison, mais quand même, au fil des semaines, il y a eu, je trouve, une prise de conscience, on va dire en tout cas de certains politiques avec par exemple, dès le mois d’octobre, le lancement d’une mission gouvernementale pour lutter contre la soumission chimique. Et puis ce procès, petit à petit, va relancer le débat de l’inscription du consentement dans la loi sur le viol. Cette semaine encore, le garde des sceaux, Gérald Darmanin, s’y est dit favorable. Nous verrons ensuite si ce procès permettra donc de faire évoluer la loi en ce sens. Et puis, tout de même, preuve de l’écho considérable de cette audience, je me souviens que le jour du verdict sur franceinfo, et bien absolument toute la classe politique s’est sentie obligée de réagir, notamment ceux qui s’étaient montrés très discrets jusque là. Eh bien les réactions iront jusqu’au chef de l’Etat qui va saluer le courage et la dignité de Gisèle Pélicot. Et il faut le souligner, c’est extrêmement rare que des procès suscitent autant de réactions dans le monde politique.
Emmanuelle Daviet: Pauline Pennanec’h, un auditeur, salue la réalisation de ce podcast, mais regrette que l’aspect concernant la soumission chimique n’ait pas été davantage approfondi. Que lui répondez vous ?
Pauline Pennanec’h: Alors, l’idée de ce podcast, c’était de revenir sur le procès, sur les débats dans la salle d’audience. La soumission chimique en faisait partie. D’ailleurs Mathilde Lemaire en parle. Mais Mathilde revient aussi sur un terme, celui de la « culture du viol » qui s’est plus que démocratisé depuis l’affaire des viols de Mazan. Je cite encore une fois Mathilde qui le dit très justement. « On s’aperçoit que dans le viol, la soumission chimique existe surtout dans le cercle proche des victimes, dans le cercle conjugal notamment. Et de ce point de vue, il y aura un avant et un après Mazan. Le niveau de connaissance de la société sur le sujet a clairement évolué ».