Au micro de Guillaume Erner, chercheurs et journalistes donnent des repères pour mieux comprendre l’itinéraire de personnalités qui font l’actualité dans le podcast « Les Visages de L’actu ». Il raconte ce qui les a conduits à des positions de premier plan, et les enjeux qu’ils incarnent, pour mieux se projeter dans l’avenir. Ce podcast soulève des questions d’auditeurs. Guillaume Erner est au micro d’Emmanuelle Daviet pour y répondre.
Emmanuelle Daviet: Nous évoquons aujourd’hui avec vous votre podcast « Les visages de l’actu ». À votre micro, des chercheurs et des journalistes évoquent l’itinéraire de personnalités qui font l’actualité, les enjeux qu’ils incarnent. On y retrouve notamment Elon Musk, Al-Joulani le dirigeant syrien, Alice Weidel, J.D. Vance et pour chaque personnalité, quatre épisodes d’environ un quart d’heure chacun. Guillaume Erner, quelle est l’ambition éditoriale de ce podcast ? Que cherchez-vous à révéler à travers ces entretiens ?
Guillaume Erner : On cherche à donner des repères pour permettre à nos auditeurs, à nos auditrices, de mieux comprendre qui sont ces personnages qui font l’actualité. Parce que l’actualité a une caractéristique, elle est en flux continu. Ça veut dire que lorsqu’on l’apprend, et bien il n’y a pas de capacité de revenir au début. Et bien nous, on vous fournit les éléments pour que vous puissiez la reprendre depuis le début, c’est à dire savoir qui était Al-Joulani avant qu’il ne fasse tomber Bachar el-Assad. J.D. Vance avant qu’il ne devienne vice président des Etats-Unis. Même chose pour Elon Musk et c’est à mon avis particulièrement important de le faire avec ce format là parce que, voyez vous, on ne pourrait pas le faire dans Les Matins, Les Matins c’est l’analyse à chaud de l’actualité. Là, on peut faire du tiède qui aide à comprendre le chaud.
Emmanuelle Daviet : Et qui nous pousse aussi à aller plus loin puisque souvent ça donne envie d’en savoir plus. Alors, comment vous vous positionnez dans ces interviews ? En décodeur, ou plutôt en contradicteur ?
Guillaume Erner : Plutôt en décodeur, plutôt donc présenter une personnalité. Ensuite, nos auditeurs sont des gens intelligents et donc ils vont se faire une opinion. Je n’ai pas besoin de leur dire ce qu’il faut penser de J.D. Vance ou d’Elon Musk. Ils ont, j’imagine, leurs opinions ou s’ils n’ont pas leur opinion d’ailleurs, les faits qui sont portés à leur connaissance, vont leur permettre de se faire cette opinion. Moi je n’aime pas du tout le prêt à penser et encore moins les donneurs de leçons. Donc ce n’est pas à moi de dire aux auditeurs ce qu’ils doivent penser de tel ou tel. Ils sont suffisamment grands adultes pour avoir une doctrine et une représentation du monde. Je n’ai pas besoin d’interférer sur elle.
Emmanuelle Daviet: Le podcast consacré à Jordan Bardella est sorti il y a un mois et des auditeurs ont alors commencé à nous écrire pour exprimer leur malaise face à la promotion répétée de podcasts sur des figures aux idées radicales. Ils s’interrogent sur ces choix éditoriaux qui, selon eux, contribuent à normaliser des discours d’extrême droite sur France Culture. Ils y voient même une forme de légitimation. Comment recevez-vous ce type de remarques ?
Guillaume Erner : Écoutez, pour moi, les idées ne relèvent pas de virus ou de bacilles. C’est à dire que ce n’est pas quelque chose qui peut infecter les esprits à leur insu, et c’est la raison pour laquelle on peut très bien prononcer le nom de Jordan Bardella, sans « bardelliser » les être. Je crois que Jordan Bardella a plus de chance d’être président de la République que beaucoup d’autres personnages. Il y a peut être plus de risques pour certains. C’est à voir pour les uns et les autres, mais en tout cas, ce qui est certain, c’est que c’est une personnalité politique de tout premier plan et c’est un homme qu’on connaît mal. Donc de toute évidence, que vous vouliez voter pour Jordan Bardella ou au contraire que vous vous opposiez de toutes vos forces à sa venue au pouvoir, il est essentiel que vous le connaissiez. Et je trouve qu’il faut vraiment douter de ses propres idées, si on est hostile au Rassemblement national, et les considérer comme particulièrement faibles et peu efficaces, pour penser que le seul énoncé de Jordan Bardella et le seul exposé de sa vie, peut transformer n’importe quel auditeur de France Culture en électeur du Rassemblement national.
Emmanuelle Daviet: Les messages des auditeurs vous ont-ils fait évoluer dans votre réflexion sur vos choix d’invités ? Ou bien l’actualité oriente-t-elle de facto vos podcasts vers des figures radicales ?
Guillaume Erner: Chaque jour, je prends beaucoup de temps pour lire les messages d’auditeurs et évidemment, j’en tiens compte. Sur l’actualité, il n’a échappé à personne que, à minima, depuis l’élection de Donald Trump, les visages, les figures politiques se sont extraordinairement radicalisés. Par exemple, mercredi matin, j’ai consacré des Enjeux Internationaux à la décision de Donald Trump d’accueillir des Sud-Africains blancs victimes du racisme anti blancs. C’est une décision de suprématisme blanc. Il n’y a pas d’autres termes pour la qualifier. Si je vous avais dit il y a deux ans que le président des Etats-Unis allait joindre sa voix à celle des suprématistes blancs, vous ne l’auriez pas cru et moi non plus. Donc ce n’est pas nos choix de personnages qui sont radicalisés, c’est l’actualité. On peut le déplorer, on est obligé de le constater et moi je suis obligé de rendre compte, je veux dire des personnages qui incarnent la Suisse et la sociale démocratie aujourd’hui, à l’échelle internationale, hélas, je n’en vois pas. Sauf peut être le prochain que je vais traiter dans les visages de l’actualité, puisqu’il s’agit du pape. Et là, eh bien, il y aura une possibilité, peut être de sortir de ces personnages de méchants, puisque je crois que c’est cela que veulent dire ces auditeurs.
Emmanuelle Daviet: Ils parlent de figures radicales.
Guillaume Erner : Oui. Alors ensuite, il faut voir aussi si ce terme convient dans le contexte syrien, parce qu’il faut juger quelqu’un dans son contexte et dans le contexte syrien. Al-Joulani pourrait faire figure de modéré.