Nous avons consacré beaucoup de temps, toute la semaine écoulée, sur la couverture de cette actualité en Grande-Bretagne et au Royaume-Uni, la mort d’Elisabeth II, la succession du roi Charles III. Nos équipes mobilisées sur le terrain, beaucoup d’éditions spéciales et on va parler de ce genre d’initiative sur FranceInfo, une de nos spécialités, avec celui qui est en charge de ces opérations extérieures à la rédaction, Samuel Aslanoff

Emmanuelle Daviet : Quand on écoute l’antenne en édition spéciale, tout semble aller de soi. C’est fluide, mais en coulisses, ce n’est pas si simple. Où étiez vous lorsque vous avez appris que l’état de santé de la reine s’était dégradé ?

Samuel Aslanoff : J’étais en voiture avec une équipe de Franceinfo en route vers l’Ukraine, car nous avions prévu, trois jours après, de faire une journée spéciale en direct de Kiev à l’occasion des deux cents jours de guerre pour évoquer le quotidien des Ukrainiens. Et là, on apprend donc que la reine Elisabeth va très mal. Et un coup de fil du directeur de Franceinfo qui m’explique que l’opération spéciale à Kiev est annulée et que nous devons dérouter l’équipe vers Londres.

Emmanuelle Daviet : Donc le choix se fait très rapidement ?

Samuel Aslanoff : Ça se fait très vite et surtout, ce qu’il faut faire très vite, c’est trouver les billets d’avion tout simplement pour faire Varsovie/Londres. Malheureusement, il n’y a pas de billets tout de suite. On ne peut partir que le lendemain, donc il faut trouver des chambres d’hôtel. Et à Varsovie, et puis à Londres. Tout ça, c’est un travail en coulisses qui est assuré par des gens extraordinaires ici à Franceinfo.

Emmanuelle Daviet : Et alors, comment on s’organise sur un plan logistique une fois qu’on est à Londres ?

Samuel Aslanoff : Alors une fois qu’on est à Londres, déjà, on arrive dans le taxi très vite, puisqu’on a une émission qui va durer 3 h et qui commence 4 h après. J’ai la chance et on a eu la chance d’avoir déjà un peu répété puisqu’il y a eu le jubilé de la reine quelques mois avant. Et j’étais à Londres pour faire une opération spéciale déjà, pour faire une émission donc je sais où je vais aller, on va aller proche de Buckingham. On sait qu’on peut émettre parce qu’évidemment, si on ne peut pas émettre la radio, ça ne sert à rien. On a avec nous des techniciens qui eux aussi sont des professionnels hors pair et on se met à un endroit. Et là, on commence à se dire qui on va interviewer. On a une programmatrice qui commence à appeler ses contacts à Londres pour faire venir un journaliste, une Française qui habite à Londres depuis 30 ans et dont la vie intime est liée à celle de Elizabeth II. Et puis également un ancien membre du service des affaires étrangères londonien, Lord Peter Ricketts, qui a connu, qui a rencontré la reine.

Emmanuelle Daviet : Pour autant, ce n’est pas une surprise. L’annonce du décès de la reine Elisabeth, vous aviez anticipé ?

Samuel Aslanoff : Evidemment, comme toutes les rédactions, on anticipe. J’avais moi même participé à un document pour dire ce qu’on pouvait faire dès que la reine allait mourir. J’avais aussi fait tout un travail de recherche d’archives, parce que la radio, c’est aussi du son et donc de retrouver du son d’Elizabeth II, ses grands discours, elle n’en fait pas beaucoup, mais elle en faisait quand même quelques uns. Et puis aussi quand elle parle français, pour faire entendre aux auditeurs son accent. Et puis, dès vendredi, on se dit que il y a déjà eu beaucoup de choses faites sur la reine, puisqu’elle est morte le jeudi soir. Il faut commencer à parler du roi Charles et la première chose, une question, on se dit mais en fait, on dit comment Charles ? : « Charles Three », « Charles The Third » et du coup la reporter va poser la question directement aux Londoniens, parce que ce qui est intéressant si on est à Londres, c’est qu’on est au cœur, on est à l’endroit où ça se passe. Et finalement, elle fait un son avec les Londoniens qui nous expliquent, qu’on dit « Charles The Third ».

Emmanuelle Daviet : Est-ce que vous diriez qu’une édition spéciale, c’est à la fois de l’artisanat, de la haute technologie et puis aussi, évidemment, un savoir faire ?

Samuel Aslanoff : C’est du savoir faire, c’est de la haute technologie, parce qu’il faut aussi des appareils qui émettent de la radio avec encore une fois des techniciens qui font un travail remarquable. Et puis c’est parfois de l’artisanat parce qu’en fait, il faut aussi se laisser prendre par ce qui se passe autour de nous. Moi, j’aime bien les opérations spéciales quand on est sur le terrain, parce que notre rôle de reporters, c’est aussi d’être sur le terrain, de voir des choses et ce qu’on voit sur le terrain à un moment donné, il faut aussi qu’on puisse le capter et le mettre dans la radio et le faire entendre aux autres. On est un média, on est entre les gens, entre ce qui se passe sur le terrain et puis les auditeurs. Et c’est là où il y a un peu d’artisanat. Une anecdote : On était à un moment donné à Edimbourg, on attend le passage du cercueil de la reine et là, j’entends un son de cornemuse. C’était la cornemuse qui était jouée à 300 mètres de là, par la garde qui accompagnait la reine. Ce son de cornemuse, il sortait d’où ? Il sortait d’un smartphone de ma voisine, une Écossaise qui regardait la télé. Et donc j’ai rapproché le micro pour prendre ce son de cornemuse. Et pour accompagner ce moment et pour encore une fois le faire entendre aux auditeurs. Là, on était vraiment dans l’artisanat.

Emmanuelle Daviet : Vous nous avez indiqué que lundi dernier, vous deviez faire une journée spéciale en direct de Kiev auprès des Ukrainiens. Quand aura lieu finalement cette journée ? Parce que ce que nous disent les auditeurs dans leur courrier, c’est « N’oubliez pas l’Ukraine ».

Samuel Aslanoff : On n’a pas encore la date, mais ce qui est sûr, c’est qu’on la fera. Je l’ai promis aussi aux interlocuteurs que nous avons en Ukraine. Ils ne veulent pas être oubliés. On ne les oublie pas non plus.

Emmanuelle Daviet : Merci Samuel Aslanoff