Pour en parler au micro d’Emmanuelle Daviet, Matthieu Mondoloni, le directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo et Olivier Emond, le chef du service sciences, santé, environnement et technologies.
Emmanuelle Daviet : Depuis une année des centaines d’invités du monde médical et de la science ont été invités à s’exprimer sur Franceinfo, il a fallu enrichir dans l’urgence votre carnet de contacts. Des auditeurs régulièrement nous demandent comment s’opère ce travail de sélection. Selon quels critères évaluez-vous la pertinence d’inviter un médecin ou un chercheur ?
Matthieu Mondoloni : On a travaillé effectivement avec le service Science santé, environnement technologies, dirigé par Olivier Emond depuis le début de cette crise sanitaire pour identifier les personnes dans leur domaine de compétence, c’est à dire pour parler du virus, on va prendre un virologue pour parler du vaccin, on va prendre un vaccinologue. On a identifié un certain nombre de médecins. Un certain nombre d’épidémiologistes, de modélisateurs, à qui on peut faire appel. On actualise très régulièrement cette liste aussi pour s’assurer que les personnes sont toujours compétentes dans leur domaine. Et c’est comme ça qu’on leur donne la parole sur Franceinfo.
Olivier Emond : Oui, c’est ça. Et c’est vrai que pour sélectionner entre guillemets les personnes parce que ce n’est pas une sélection arbitraire. Si les personnes nous plaisent ou pas, on regarde aussi quelles sont leurs publications. Par exemple, si elles font de la recherche. Si c’est juste, on va dire quelqu’un qui s’exprime en son nom propre ou au nom d’un organisme. Dans ce cas-là, on peut aller voir du côté de son organisme. Quelle position il a dans cet organisme, là aussi, si l’organisme publie dans ce domaine, s’il est dans le labo ou dans autre labo ? Bref, il y a tout un travail qui se fait de coulisses, j’allais dire, et qui fait que cette liste, comme le disait Matthieu, qui n’est pas une liste au sens où on a mis 20 noms et c’est fermé. Et c’est juste les personnes qui nous semblent intéressantes à avoir pour expliquer les choses. Et Dieu sait qu’il y a beaucoup de choses à expliquer depuis un an sur cette crise. On essaie d’être au plus proche de leurs compétences et de leur existence scientifique.
Emmanuelle Daviet : La notoriété est-elle un critère pour venir à l’antenne?
Matthieu Mondoloni : Absolument pas. D’ailleurs, vous aurez remarqué que sur Franceinfo, il y a certains grands noms médiatiques du domaine médical qui ont pu faire la une de journaux, été invités sur d’autres émissions qui n’ont jamais été invités chez nous.
Emmanuelle Daviet : Une question revient très fréquemment dans les courriels des auditeurs depuis le début de la pandémie. Ils souhaitent une certification des invités, c’est-à-dire de la transparence sur leurs profils, savoir notamment s’ils ont des conflits d’intérêts ou non avec des laboratoires. Cette demande des auditeurs vous parait légitime ? Que leur répondez vous ?
Olivier Emond : C’est une question qui existe depuis des années et des années. C’est une question compliquée. Il y a normalement, pour tout professionnel de santé, l’obligation de déclarer ses liens d’intérêts. Quand il s’exprime dans les médias, il a obligation de le dire. Tous ne le font pas, loin de là. En même temps, leurs déclarations d’intérêts sont publiques. On peut les trouver. Il y a des bases de données qui les publient. Et puis après, je dirais juste pour tempérer ça, il faut se demander qu’est-ce que le lien d’intérêt ? Qu’est-ce que le conflit d’intérêts sur un sujet particulier pour lequel on invite la personne ? Je m’explique. Si quelqu’un a travaillé, a été à un congrès sur le sida, les congrès sont sponsorisés parce qu’il y a besoin d’argent. (Ce n’est pas les hôpitaux qui ont les moyens de payer ça) qui a été sponsorisé par un labo. Donc, la personne est venue dans ce congrès. Il doit déclarer, par exemple, qu’on lui a payé le repas le soir. Est-ce que c’est un conflit d’intérêts ? Est-ce que c’est un lien d’intérêt ou est-ce que c’est juste, malheureusement, le fonctionnement de la science, c’est surtout est-ce que ça empêche cette personne de venir s’exprimer sur peut-être même un autre sujet. Vous avez fait un congrès sur le sida. On vient vous poser des questions sur la Covid. Je ne suis pas sûr qu’il y a un conflit d’intérêts direct. Mais c’est une règle compliquée à appliquer et encore plus dans un média radio où les temps sont courts. Et je parle déjà trop précisément.
Emmanuelle Daviet : Le format de Franceinfo est très spécifique et déterminant dans le traitement de l’information, des formats courts où l’on doit très vite être au cœur du sujet et accessible au grand public, comment maîtrisez-vous cette difficulté ?
Matthieu Mondoloni : Déjà, par la multiplicité des formats. Parce qu’on a effectivement des formats très courts. Mais on a aussi des formats beaucoup plus longs. Je parle notamment du 8h30 le matin, où de nombreux chercheurs scientifiques ont été invité. Ils ont plus de 20 minutes. On a des formats aussi de 8 minutes de 5 minutes où ils peuvent s’exprimer pour les formats courts. C’est parfois plus compliqué.
Olivier Emond : Pour compléter ce que dit Matthieu. En fonction des sujets, des formats qui ne sont plus adaptés. Ça veut dire qu’en fonction des sujets, on peut, en conférence de rédaction, par exemple le matin, se dire ça en une minute, je ne vois pas comment on peut l’expliquer parce qu’on a besoin de mettre du contexte, parce que on a besoin de temps pour le vulgariser, parce que le concept, même scientifique, si on reste sur ces questions n’est déjà pas maîtrisé par le public. Donc, il faut déjà expliquer ça avant de pouvoir dire quelle est l’avancée, quelle est la recherche qui vient d’aboutir ?