Les diffusions de l’enquête sur les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon et la société Mediascop dirigée par Sophia Chikirou ont provoqué de vives critiques : des contestations sur le sujet même de l’enquête et des suspicions d’entente entre le pouvoir et Radio France. Vous avez été très nombreux à m’interpeller, à m’écrire. Toutes vos interrogations sont légitimes et obtenir des explications votre droit le plus strict. L’une de mes missions consiste d’ailleurs à vous apporter des réponses.

À cette fin, j’ai sollicité, dans différents rendez-vous sur franceinfo, France Inter et France Culture, Sylvain Tronchet, auteur de l’enquête et Benoit Collombat de la cellule investigation de Radio France. Ils ont répondu de manière factuelle aux questions relevant de l’enquête et je vous invite à écouter ou réécouter leurs interventions, à retrouver ci-dessous.

Les points fréquemment soulevés dans vos courriers sont la concomitance des perquisitions visant la France Insoumise et la publication de l’enquête la même semaine, les comptes de campagne d’Emmanuel Macron peu contrariés par la cellule investigation, l’absence de Sophia Chikirou au micro de Sylvain Tronchet, le défaut de chiffres comparatifs entre les campagnes des différents candidats et enfin la complicité supposée entre le pouvoir et Radio France. Je souhaite ici revenir sur ce dernier point.

Ces soupçons de collusion entre le gouvernement en place et les rédactions des antennes étonnent de la part de citoyens éclairés, éduqués et soucieux de notre démocratie. Cette enquête serait une commande…Comment peut-on croire que les nécessités du politique se glissent dans les choix rédactionnels et que des journalistes se transforment en simples agents communicationels du gouvernement ? Comment concevoir que cette tentation du soupçon permanent soit sans conséquence ?

Confondre le métier de journaliste avec celui de propagandiste ou de suppôt du pouvoir installe une petite musique aux notes discordantes, déjà connues et de mauvaise augure. Interrogeons le climat de l’époque, évaluons l’état de cette régression et gardons-nous de croire que la démocratie est un acquis. Il n’y a jamais d’acquis démocratiques. Il y a en revanche un combat à mener contre le soupçon, la marée montante de l’insulte, l’incitation à la haine, le culte de la violence verbale.

À ces dérives nous opposons la liberté. La liberté d’informer en conscience et avec humilité. Et cette liberté nous la défendons pleinement et avec obstination pour les quinze millions d’auditeurs quotidiens des antennes de Radio France. « Notre métier, disait Albert Londres, n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort« , c’est là toute la spécificité de la liberté d’informer, pilier vital de la démocratie.

En tant que citoyen, en tant qu’auditeur, que souhaite-t-on ? Etre informé de réalités qui ne vont pas toujours dans le sens de ce que l’on voudrait entendre ou être bercé d’informations confirmant ce que l’on pense déjà ? Les faits parfois ébranlent nos convictions. Mais les faits doivent être portés à la connaissance du plus grand nombre car le droit à l’information est une des libertés fondamentales de tout être humain. Comme le droit à la libre expression et à la critique. Doit-on pour autant censurer, discréditer ceux qui sont porteurs d’une vérité qui contredit nos points de vue ? Une enquête de journalistes d’investigation n’est pas la chambre d’écho confortable de nos certitudes. Elle est l’antichambre des confrontations voire des bouleversements.

 

Emmanuelle Daviet

Médiatrice des antennes

 

Les journalistes de la cellule investigation répondent aux questions des auditeurs avec la médiatrice :