Sandrine Treiner, directrice de France Culture, s’adresse aux auditeurs

Chères auditrices et auditeurs, et internautes,

Je crois parler pour tout France Culture en vous témoignant tout d’abord notre préoccupation à l’égard de vous toutes et tous.

Je crois également parler pour toutes les équipes de France Culture en vous disant que depuis le 17 mars, c’est grâce à la pensée de vous que nous avons surmonté toutes les difficultés, importantes comme pour vous-mêmes ou vos activités professionnelles, pour être là à vos côtés, présents dans votre vie quotidienne, accompagnant cette période de crise si désarçonnante (a minima) pour chacun d’entre nous tous … la radio comme source d’intérêt, de divertissement, de plaisir … de réconfort, nous l’espérons aussi.

Je crois encore parler pour nous tous à France Culture en partageant avec vous cette conviction qui nous anime (et je sais que vous le pensez aussi) que nous sommes dans un moment qui a besoin, autant que toujours mais peut-être un peu plus que jamais, d’échange d’idées, de connaissances, d’évasion, d’imaginaire. C’est avec cette conviction que nous oeuvrons depuis un mois pour vous proposer une grille de programmes constituée de propositions d’émissions qui puissent vous aider à réfléchir à ce qui nous arrive, ou au contraire, à prendre du temps pour ne pas y réfléchir du tout – et vous reposer aussi. Ce qui s’appelle de la programmation, et qui est aussi un de nos savoir-faire.

Nous avons dès que possible rétabli une matinale – qui ne réintègre pas encore nos propres journaux parce que nous devons mutualiser nos moyens journalistiques pour tenir sur la durée nos missions prioritaire d’informations sur France Inter, France Info et France Bleu (mais que vous retrouverez dès que possible, c’est l’évidence). Une matinale atypique, Guillaume Erner, seul chez lui relié à la régie où œuvre notre formidable équipe technique, et qui réserve une place très importante à de grands entretiens et aux chroniques toujours affutées de nos journalistes et producteurs. Nous vous y proposons de l’économie, de la politique, de l’international, de la culture, de la pensée, de la science.

Nous avons créé en quelques jours une nouvelle émission – éphémère – consacrée à la lecture et à la compréhension des grands textes du patrimoine français à partir des programmes du bac de français et avec l’aide précieuse de l’Education nationale. C’est Ecoutez Révisez, tous les jours à 12h, en lieu et place de La Grande table mais toujours avec Olivia Gesbert, c’est pour les lycéens comme pour nous tous. On y entend de grands comédiens lire, avec talent accompagnés par notre réalisatrice Sophie-Aude Picon, des extraits des œuvres et c’est un régal de plaisir comme d’intelligence.

Nous avons rétabli depuis une semaine L’Esprit public, conscients qu’il était urgent de retrouver ce temps rituel du débat sur France Culture.
Nous avons recentré notre grille de radio sur de belles programmations issues du meilleur de notre catalogue d’émissions. Nous sommes guidés notamment pour les émissions de savoirs -, par les besoins des collégiens lycéens ou étudiants confinés chez eux. Nous proposant aussi beaucoup de découvertes et de divertissements culturels. Nous avons aussi pu vous proposer de grandes productions, notamment documentaires, que nos producteurs et réalisateurs ont pu finaliser de chez eux.

L’agilité et la puissance de notre offre numérique a été un élément clef de notre politique de programmes. Il nous semblait essentiel de vous accompagner ainsi et de vous proposer une belle richesse d’interviews, de chroniques, d’articles, de vidéos, tout comme il nous paraissait déterminant de documenter les divers aspects de la crise en temps réel, à l’aide des approches et des regards spécifiques qui sont les nôtres à France Culture. Dès le premier jour, nous avons créé un podcast : Radiographies du coronavirus. Il concentre le travail remarquable de Nicolas Martin et de son équipe pour vous informer, avec méthode et rigueur, sur la pandémie, et il s’accompagne désormais de quantités de perspectives : philosophiques, économiques, historiques, en sciences de l’éducation, en matière d’alimentation, culturelles, etc … Offre numérique encore : il y est aussi question de l’expérience du quotidien dans Confinement vôtre coordonné par Eric Chaverou, rédacteur en chef numérique de la rédaction tandis que sous l’appellation Culture Maison, Arnaud Laporte, son équipe avec l’ensemble de la chaine a initié une collection de préconisations pour s’occuper, s’instruire, se divertir, chez soi par des œuvres culturelles accessibles de chez soi.

Nous avons aussi répondu à un appel de médecins de l’AP-HP et créé en quelques jours une webradio intégralement constitués de programmes de France Culture, pensée sur-mesure pour accompagner les patients isolés, et les personnes souffrant de la maladie et/ou de la solitude. Culture et compagnie est accessible en un clic sur la page d’accueil de franceculture.fr. La webradio propose plus de trente heures de programmes, régulièrement renouvelés, constituée de programmes apaisants : de l’histoire, des histoires, de la science, des bonnes choses, de la relaxation, de la méditation, des grands portraits documentaires …

Je sais parler au nom de tous les journalistes, productrices et producteurs de France Culture, réalisatrices et réalisateurs de nos émissions, techniciennes et techniciens, au nom de toutes celles et ceux qui travaillent pour la chaîne et quel que soit leur métier, en vous faisant cette simple déclaration : vous nous manquez !

Vous nous manquerez cet été quand le festival d’Avignon, les Rencontres de Pétrarque, les masterclasses à la BNF et ailleurs sont de si belles occasions de vous voir. Nous avons donc décidé de ne pas être punis deux fois. Nous allons organiser de grands temps consacrés au cinéma en mai, au spectacle vivant en juillet, au débat d’idées, sur l’antenne, aux dates initialement prévues et à défaut de pouvoir être sur les lieux des festivals amis et partenaires.

Vous manquez à bien des équipes à France Culture qui aiment tant partager leur immense curiosité avec vous, en direct, jour après jour. A partir du lundi 27 avril, intégralement à distance, nous allons produire, toujours à distance, de nouvelles émissions quotidiennes et hebdomadaires. En ce moment même, nous travaillons sur le projet de reprise de notre antenne telle qu’il nous sera possible de la conduire d’ici cet été. Il faudra que ce soit progressif mais, petit à petit, chaque auditeur retrouvera les voix qui rythment son quotidien, les temps d’antenne pour lesquels vous avez choisi de vivre (un peu, beaucoup ..) avec nous.

Nous déploierons, comme nous le faisons depuis plus d’un mois, toutes nos ressources imaginatives pour nous organiser en toute sécurité et respect des règles sanitaires tout en étant auprès de vous, le mieux possible pour vous proposer idées, savoirs, créations. Ce que vous aimez et que nous aimons avec vous. Nous préparons aussi notre grille d’été et les grandes traversées qui sont une de nos marques de fabrique. Ce sera un bel été, malgré tout, que nous partagerons sur France Culture.

Cette lettre est évidemment trop longue. C’est aussi que je parle pour tout un collectif qui ne pense qu’à être présent au rendez-vous qu’ils ont avec vous, comme au rendez-vous singulier auquel l’époque nous convoque : comment, avec quels outils, rendre compte du monde que nous habitons et tracer des perspectives ? Ce sera l’enjeu, pour ouvrir ce nouveau long chapitre, d’une journée spéciale sur France Culture vendredi 24 avril : Imagine le monde de demain. Tout un programme …

Une lettre trop longue donc, mais je voudrais la terminer en évoquant auprès de vous cette part de l’offre de France Culture qui nous est propre et que vous aimez autant que nous : la fiction, les lectures, la création. Beaucoup de choses à écouter sur notre grille comme sur notre site en ce moment – des feuilletons, des expériences, des fictions pour la jeunesse, les aventures de Tintin, etc … Et puis désormais, un podcast, Lectures à propos. La littérature n’est pas le récit de ce qui se passe, mais à son meilleur, elle éclaire d’un autre jour l’expérience de la vie et des événements qui la bouscule . Créer en écho, par de grands textes choisis très à propos, un lieu d’émotions collectives : telle est la proposition que nous a faite André Dussollier, que nous avons accueillie avec joie et que nous avons diffusé mercredi à 19h (désormais sur notre site, en réécoute et en podcast). Il s’agit de la lecture du livre qui est aussi la thèse de médecine de Louis-Ferdinand Céline, Semmelweis. L’histoire tragique du médecin hongrois qui compris trop tôt pour son temps que le lavage des mains permettait de sauver des vies. Un texte ciselé, lu avec un talent exceptionnel, par André Dussollier.

Je sais que j’ai oublié des choses, forcément, mes camarades me le feront sans doute remarquer, et je vous écrirai à nouveau.

D’ici là, portez-vous bien et à tout de suite sur l’antenne, sur notre site et nos réseaux sociaux.

Sandrine Treiner
Directrice de France Culture