Le pronom « iel » 

Existe-t-il un autre pays à travers le monde où le nom d’un dictionnaire ferait l’ouverture des journaux et occuperait l’espace médiatique plusieurs jours d’affilée ? La semaine dernière, le Robert a défrayé la chronique en annonçant avoir ajouté le pronom non genré « iel » à son édition en ligne. Le Robert définit le pronom « iel », contraction des pronoms « il » et « elle », comme un « pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre ».  
Cette décision a suscité un vif débat dans la presse française et sur les réseaux sociaux. Plusieurs responsables politiques sont montés au créneau pour s’opposer à ce terme et le gouvernement français n’a pas été en reste, s’opposant catégoriquement à cette idée.  

Dans un communiqué publié sur le site internet du Robert, son directeur général, Charles Bimbenet, s’est défendu de tout militantisme, rappelant que « la mission du Robert est d’observer l’évolution d’une langue française en mouvement, diverse, et d’en rendre compte ». Définir les mots qui disent le monde, c’est aider à mieux le comprendre. » 

Le sujet a été abordé en début de semaine sur les antennes lors de chroniques ou d’interviews, à retrouver ici. Chez les auditeurs de Radio France, l’entrée de ce mot suscite un véritable tollé : 

« Je trouve scandaleuse l’introduction du mot « iel » dans le dictionnaire Robert. Se faire l’instrument d’une minorité refusant l’identité biologique, dont l’objectif est de déconstruire notre humanisme est abject. Quel mépris pour la langue française, et quelle insulte au sens commun ! Il faut refuser cette novlangue en même temps qu’il faut refuser l’activisme envahissant de certaines minorités. » 

« Le n’importe quoi est bien en marche, et vers de l’irréversible » 

« Faudrait qu’on m’explique comment on utilise iel, on en parle beaucoup mais on l’emploie peu… » 

« Blanquer ne fait pas rêver mais pour une fois, je suis d’accord avec lui. Cette invention du iel est avant tout un acte militant et non une évolution de notre langue. Ça frise le débile, tout comme l’écriture inclusive. » 

« La journaliste a invité une adepte du « iel » et seuls des auditeurs favorables à son utilisation ont été entendus. C’est déloyal car la très grande majorité des Français désapprouvent son usage, minuscule d’ailleurs, ce n’est pas une poignée d’hurluberlus qui font ce qu’ils veulent entre eux qui va imposer sa volonté à la population. La rédaction de France Inter ne devrait pas être partisane en soutenant une cause « bouffonne ». » 

« Docteur en sciences du langage et spécialiste des langues scandinaves, je suis scandalisé d’entendre une militante incompétente raconter n’importe quoi. (…) Le pronom « iel » n’est utilisé par personne, sinon une toute petite clique qui veut l’imposer par l’intimidation. (…) ce pronom (pour le moment) n’appartient pas au français. De même, l’écriture inclusive reste minoritaire et illisible pour ceux qui ne la pratiquent pas (et ceux qui la pratiquent aussi). » 

Relevons, parmi l’ensemble du courriel reçu, un unique positif qui tient en quelques mots : « Il, elle… iel est une trouvaille GÉNIALE » 

Invité sur Franceinfo Mathieu Avanzi, maître de conférence et chercheur linguistique à la Sorbonne, a fait part de sa perplexité : « Disons que c’est assez surprenant de la part du Robert, qui fait office de guide, de référence, d’avoir pris la décision aussi rapidement. D’habitude, les lexicographes et les lexicologues qui travaillent pour Le Robert sont beaucoup plus prudents aux effets de mode, et attendent que les mots entrent vraiment dans l’usage. On ne sait pas encore si iel va vraiment rentrer dans l’usage. On l’a signalé, notamment en raison des problèmes qu’il pose d’un point de vue grammatical : comment va-t-on fléchir certains adjectifs ou certains participes passés ? A l’écrit, c’est très simple, il suffit d’utiliser des points médians ou des doublets. A l’oral, c’est beaucoup plus compliqué, il y a des solutions proposées, mais cela va demander une révision totale du système des flexions adjectivales du français. C’est très difficile à appliquer et à mettre en place.” 

Le linguiste estime que « les locuteurs, de toute façon, vont finir par faire ce qu’ils ont envie de faire » de ce pronom dont les occurrences sont apparues « au début des années 2020 (…) surtout sur les réseaux sociaux, sur le Web, mais également tous les écrits électroniques, les communications par téléphone, par Whatsapp, par SMS » a constaté le chercheur.  

L’Académie française est très conservatrice, donc il n’y a aucune chance qu’elle valide ce genre de pronoms. (…) Cette question se pose dans toutes les langues qui ont des genres féminins et masculins. En Amérique Latine, les locuteurs sont beaucoup plus en avance et beaucoup moins normatifs qu’en Europe. Cette question de l’opposition binaire se pose et les locuteurs créent enfin des solutions. Ce qu’il va en rester est une autre question, et les linguistes veillent. » a conclu Mathieu Avanzi dans cette interview nuancée et éclairante. 

FRANCEINFO 

Clément Viktorovitch : le pronom « iel », débat linguistique… ou polémique politique ? 

« Iel », c’est la contraction de « il » et « elle ». Un pronom non genré, donc, qui vient de faire son entrée dans un dictionnaire : le Petit Robert en ligne. Une initiative qui n’est pas du goût de tout le monde au gouvernement… Dans « Entre les lignes », nouveau rendez-vous quotidien de franceinfo, Clément Viktorovitch décrypte les discours, analyse les paroles des politiques qui font l’actualité. 

FRANCE INTER 

  • Edito de Thomas Legrand du 23 nov 
    Eiel est un con.ne ? L’obsession gramscienne des nouveaux conservateurs https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-politique/l-edito-politique-du-mardi-23-novembre-2021 
  • Le gouvernement divisé sur l’ajout du pronom « iel » au dictionnaire Le Robert par la rédaction numérique  
    https://www.franceinter.fr/politique/le-gouvernement-divise-sur-l-ajout-du-pronom-iel-au-dictionnaire-le-robert 
  • Ni féminin, ni masculin, le pronom « iel » est entré au dictionnaire Le Robert par Alice  Kachaner https://www.franceinter.fr/societe/ni-feminin-ni-masculin-le-pronom-iel-est-entre-au-dictionnaire-le-robert 
  • Le « iel » a-t-il de l’avenir ? Par Julie Neveux, linguiste https://www.franceinter.fr/emissions/le-13-14/le-13-14-du-vendredi-19-novembre-2021 

FRANCE CULTURE 

  • La question du jour par Guillaume Erner 19 novembre “Quel avenir pour le genre neutre” https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/le-pronom-iel-dans-le-robert-le-genre-neutre-est-il-en-train-de-devenir-une-norme 
     
  • L’Humeur du matin de Guillaume Erner  “iel” va bien aujourd’hui ? https://www.franceculture.fr/emissions/l-humeur-du-matin-par-guillaume-erner/l-humeur-du-jour-par-guillaume-erner-du-jeudi-18-novembre-2021 
     
  • “Affaires en cours” par Marie Sorbier  
    Le pronom « iel » fait son entrée dans le dictionnaire; d’où vient-il ? Comment doit-on le conjuguer ? Petit point de grammaire avec Julie Neveux, linguiste et maîtresse de conférences à la Sorbonne   https://www.franceculture.fr/emissions/affaire-en-cours/l-entree-dans-le-dictionnaire-du-pronom-iel 
  • FRANCE BLEU 
     
    Pourquoi l’ajout du mot « iel » dans Le Robert fait-il polémique ? Mercredi 17 novembre 2021 à 17:58 – Par Victor Tribot LaspièreFrance Bleu https://www.francebleu.fr/infos/societe/pourquoi-l-ajout-du-mot-iel-dans-le-robert-fait-il-polemique-1637168283