Voici les principales thématiques abordées par les auditeurs dans leurs courriels envoyés du 10 au 17 mars 2023 :

1. La réforme des retraites
2. Bruno Retailleau, invité du Grand entretien de France Inter 
3. Un féminicide trop détaillé ?

4. Avis d’auditeurs sur les Jeux olympiques Paris 2024
5. Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques, dans le Grand entretien de France Inter
6. Soutien des auditeurs à Sophia Aram
7. Ovidie, invitée de 9h10 sur France Inter

8. « Faut-il adapter les classiques à leur époque ? » dans Les Matins de France Culture
9. « Répliques » du 11 mars avec Edwy Plenel
10. Le décès de Patrick Pesnot
11. Langue française​​​​​​​

Un féminicide trop détaillé ? 

Sandra, 41 ans, est morte le 1er mai 2015 sous les coups de son compagnon, Hocine Hamoudi, 35 ans, jugé pour viol et meurtre par la cour d’assises du Nord à Douai depuis mardi. La journaliste Sophie Parmentier, du service police-justice de France Inter, couvre ce procès. Dans le journal de 19h mardi dernier, elle a relaté la séance du jour au tribunal où les photos de la scène de crime ont été projetées. Son papier a vivement fait réagir des auditeurs : 

« Mardi 14 mars, j’écoute le journal de 19h dans la voiture comme d’habitude. Je suis très choquée par la description crue de photos présentées lors d’une audience de féminicide. Et si ma fille était dans la voiture ? Les chiffes des violences faites aux femmes sont atroces, je suis ravie de que Radio France mette l’accent sur cela. Mais entendre la description de 5 heures de torture subies, viol avec le pied d’une chaise… cela ne me semble pas adapté à cette heure d’antenne. » 

« Je suis choquée d’entendre la description d’un féminicide ultra violent. Je m’interroge sur l’utilité de la description de détails macabres des souffrances de la victime. De plus, cela intervient à une heure de grande écoute pouvant être écoutée par des enfants. » 

« Quel intérêt y a-t-il à donner autant de détails sur un féminicide ? Doit-on exposer à tout le monde cette atrocité détaillée ? Ce n’est pas de l’information à mon sens. C’est écœurant. » 

Les courriels des auditeurs soulèvent deux questions : est-il choquant de diffuser à la radio un reportage où l’on entend les détails du crime commis ? La description d’un féminicide est-elle nécessaire pour faire prendre conscience de la violence de cet acte ? Questions a priori complexes et qui peuvent être sujettes à débat. 

Rappelons que le traitement d’un sujet à l’antenne, quel qu’il soit, fait toujours l’objet de réflexions et d’interrogations préalables. Les journalistes sont conscients de leur responsabilité envers le public. En l’espèce, les spécialistes police-justice savent faire preuve de discernement et évaluer les conséquences potentielles de la diffusion de détails spécifiques dans leur manière d’aborder la couverture des féminicides et autres crimes violents, les actes terroristes par exemple, eu égard aux victimes et au grand public. 
Il n’empêche. La diffusion des détails d’un féminicide peut être considérée comme choquante pour toute personne qui écoute le reportage, inappropriée pour les proches de la victime et traumatisante pour les survivantes de violences domestiques. 
Cependant, il est important de noter que les journalistes ont un rôle crucial à jouer dans la diffusion de l’information relative aux violences mortelles commises contre les femmes. En l’occurrence, la mention des détails de ce féminicide souligne les conséquences des failles du système de la justice et peut encourager les efforts de prévention de la violence au sein des couples. 

Rappelons les faits : 

Sandra, mère de quatre enfants, nés de précédentes unions, est décédée chez elle à Hazebrouck dans le Nord, à 41 ans, en 2015,  » démolie, fracassée, suppliciée« , selon l’avocate de la famille, Maitre Blandine Lejeune. L’autopsie a recensé 20 fractures et 143 lésions, dont certaines  » évocatrices de violences sexuelles« . Son agonie a duré cinq heures. Prévenus par un fils de la victime, les policiers ont découvert l’appartement de la mère de famille totalement dévasté par les violences. 

Un an avant les faits, en juin 2014, Sandra avait déjà porté plainte pour de multiples coups de poing et de tournevis. Puis, sous la pression avait retiré sa plainte. Elle avait ensuite déposé des mains courantes. Les policiers étaient intervenus à trois reprises en 2015 pour éloigner l’accusé de son domicile. Moins d’un mois avant d’être tuée, elle dépose une nouvelle plainte, blessée, lorsque Hocine Hamoudi avait tenté de rentrer de force chez elle. Il est convoqué pour plus tard, mais sans mesure d’éloignement. Sandra, elle, écope d’un rappel à la loi pour avoir brandi un couteau pour sa défense.  » C’est le monde à l’envers« , a fustigé à la barre l’avocate de sa famille, Maitre Blandine Lejeune.  » Sandra a peut-être aussi été victime de ces errements judiciaires« , insiste-t-elle, déplorant l’absence de toute mesure de protection. 

Dans son réquisitoire, hier, l’avocat général, a requis la réclusion criminelle à perpétuité contre Hocine Hamoudi, qualifié de  » prédateur conjugal« . L’avocat général, Sébastien Piève, a décrit  » un véritable tsunami pour tuer » avec « la volonté de faire souffrir la victime« ,  » cinq longues heures de calvaire« ,  » quelque-chose qui relève du supplice« . Il a également précisé qu’en vingt ans de carrière et cent procès, il n’avait jamais vu un tel massacre :  » Ce sont les faits les plus graves que j’ai eu à examiner« . Précisons encore que le magistrat qui représente la société et porte l’accusation, a mis en exergue « le barreau métallique de la chaise » utilisé comme une arme des crimes commis sur Sandra. Le verdict est attendu ce vendredi. 

Lorsque l’on couvre un tel procès, les faits, aussi violents soient-ils, doivent être rapportés. C’est tout l’enjeu du travail journalistique de Sophie Parmentier qu’elle détaille ici : « Rendre compte d’une audience, c’est raconter ce qu’on entend, ce qu’on voit, comme pour tout reportage. Aux assises, ce qui est jugé est souvent terrible et en tant que chroniqueuse judiciaire, je suis habituée à entendre des choses très dures que je ne retranscris pas telles quelles sans me soucier de l’auditeur. Il y a très souvent des détails horribles que nous ne relatons pas, quand ils ne sont pas indispensables, par pudeur et pour ne pas choquer au-delà du supportable. Néanmoins, je considère que notre métier de journaliste est avant tout de raconter le monde tel qu’il est pour mieux le comprendre. Dans ce procès d’assises à Douai, un homme de 35 ans est jugé pour le meurtre et le viol de sa compagne, qui était mère de quatre enfants. Il risque la perpétuité. Au premier jour de cette audience, la cour a projeté les images des crimes jugés. Les images étaient tellement choquantes, et montraient tellement l’ampleur du calvaire, du déchaînement de violence que cette femme avait subi pendant cinq heures, qu’il m’a semblé indispensable de décrire l’essentiel de ce qui a été montré. Rappelons que le procès est public. Je n’ai pas détaillé chaque blessure à l’antenne, ça aurait été trop. Le détail du pied de chaise en fer ayant sans doute servi au viol n’est pas juste un détail sordide que j’ai choisi de préciser au hasard. Ce détail a été souligné exprès par l’enquêteur à la barre. Et dans cette affaire, l’accusé nie le viol, dit que sa compagne était totalement consentante ce jour-là. La voyant à terre, nue, défigurée, couverte d’ecchymoses, une chaise en fer cassée à mains nues à côté d’elle et ayant donc probablement servi à la torture, chacun comprend que le consentement était impossible. Ces détails font partie intégrante de cette affaire. Affaire par ailleurs emblématique car c’est l’histoire tragique d’une femme qui porte plainte un an avant les faits et la justice qui classe sans suite. Dans mon papier de 19h, je n’ai pas raconté seulement la violence du crime, mais aussi les enfants de cette femme et leur chagrin, et le pardon de l’accusé sans émotion. Le papier était un tout. ». 

Ajoutons que des auditeurs pourront regretter qu’aucune mise en garde n’ait été formulée avant la diffusion du sujet, car il va de soi, et c’est la règle, qu’un auditeur doit être averti que les propos d’un papier ou les sons d’un reportage « éprouvant » peuvent heurter sa sensibilité. 
Il faut savoir que lorsqu’un journaliste sur le terrain, en extérieur, s’exprime en direct dans un journal, le présentateur ou la présentatrice en studio, s’il connait bien sûr le thème de l’intervention du reporter, n’a pas toujours connaissance de son contenu dans les moindres détails. Ce fut le cas mardi dernier, d’où le lancement du sujet sans avertissement préalable. 

Nous remercions les auditeurs pour leurs courriels, ils nous invitent à réfléchir à nos pratiques, que nous tentons d’expliquer à travers cette Lettre, et nous permettent de rappeler, si tant est qu’il soit nécessaire de le faire, que les journalistes évaluent les conséquences potentielles de la diffusion de détails spécifiques d’un crime avant de prendre une décision quant à la pertinence de la diffusion de ces informations à la radio. 

Jeux olympiques 2024 : Jour J – 500  

Sécurité, transports, budget : Emmanuel Macron a fait le point mardi sur les défis des Jeux olympiques de Paris, à 500 jours du coup d’envoi du plus grand événement sportif mondial :  » On va essayer de recevoir la planète dans les meilleures conditions possibles de sécurité, d’organisation, de responsabilité sociale et écologique », a déclaré le chef de l’Etat dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. 

Le même jour, Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques, a déclaré dans la matinale de France Inter :  » On a tiré toutes les leçons des événements du Stade de France« , après le fiasco de la finale de la Ligue des champions de football en mai 2022 à Saint-Denis, aux portes de Paris.  

Dans la matinale de Franceinfo, Tony Estanguet, le Président du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, a estimé  que “ tous les ingrédients pour que la magie de Paris 2024 puisse opérer sont réunis”.  

Pour l’heure cette magie est pimentée de multiples questions. Un éventuel chaos des transports est l’une des craintes, après les dysfonctionnements ces derniers mois en région parisienne et un climat social et politique tendu autour de la gestion des bus.  
Les aéroports pourront-ils gérer les millions de visiteurs attendus ? Les adaptations nécessaires à la mobilité des personnes en situation de handicap seront-elles satisfaisantes ? Y aura-t-il des grèves, que nombre d’étrangers considèrent comme une spécialité française ? Une impression encore renforcée actuellement par les images de poubelles s’entassant dans les rues de Paris sur fond de conflit autour de la réforme des retraites.   

Les auditeurs qui nous écrivent soulèvent de nombreuses questions et pour eux les JO 2024 à Paris c’est non ! Ils se montrent résolument hostiles à la tenue de cet évènement, essentiellement pour des raisons environnementales : 

« Si le respect de la planète était vraiment une priorité du gouvernement, la France aurait dû renoncer à organiser les Jeux olympiques qui ne sont qu’une ode à la marchandisation du sport, en plus d’être une gabegie écologique sans utilité. » 

« Je suis profondément choqué par le discours soi-disant écologique des Jeux olympiques de Paris !! On nous enfume avec des propos totalement faux. Trop de monde qui se déplace en avion et une consommation effrénée. » 

« Est-ce que le bilan carbone des Jeux olympiques a été calculé ? Le bilan tant des constructions mais aussi des déplacements des spectateurs (de leur domicile jusqu’à leur retour à leur domicile) et celui des athlètes et de leur staff ? » 

« Derrière la belle vitrine des Jeux olympiques, l’envers du décor n’a rien d’enviable : gabegie d’énergie, de matières premières et de moyens humains et financiers, pollution liée aux travaux et au transport des athlètes, équipes et spectateurs, souffrance de tou.te.s les athlètes et échec de la plupart, dopage, malversations diverses, J’invite toutes et tous à lire ou relire « Halte aux jeux ! » d’Albert Jacquard (édité en 2004 chez Stock). » 

« Quelle est la stratégie de la ministre des Sports pour limiter le bilan carbone des jeux 2024 ? » 

« “On fait très attention à la maîtrise budgétaire, à la sobriété » dit votre invité Tony Estanguet, Président du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. La sobriété énergétique devra perdurer au-delà de la période actuelle affirmait récemment Emmanuel Macron. Pour des JO dits écologiques, quelles bonifications prévues pour les personnes venant en transports en commun ou en covoiturage ? Et attention aux pubs incohérentes sur l’antenne avec cette « ligne de conduite » d’avenir. Mutualiser nos trajets motorisés participerait à un air plus pur lorsque les sportifs respireront à pleins poumons… » 

Le soutien des auditeurs à Sophia Aram 

Lundi, dans sa chronique matinale sur France Inter, Sophia Aram est revenue sur une séquence de l’émission de Cyril Hanouna sur C8, où un invité a mis en avant une théorie complotiste sur une prétendue drogue prélevée sur des enfants. 

Jeudi 9 mars, l’émission « Touche pas à mon poste ! » (TPMP) a accueilli Gérard Fauré, présenté comme l' »ex-dealer du tout-Paris ». Il a été initialement interrogé sur la consommation de cocaïne de l’humoriste Pierre Palmade et, dans la foulée, Gérard Fauré a présenté comme un fait acquis l’existence de trafics d’enfants visant à prélever dans leur sang une substance nommée adrénochrome, pour la consommation de célébrités. Cette théorie conspirationniste, notamment promue par la mouvance complotiste américaine Qanon, a été démontée à plusieurs reprises ces dernières années.  
Les propos de M. Fauré n’ont pas été démentis sur le plateau.  
 » Il y a des gens qui disent que ça existe« , a commenté Cyril Hanouna, tout en affirmant à plusieurs reprises que les dires de son invité  » n’engageaient que lui« .  

Le régulateur des médias, l’Arcom, a été saisi au sujet de cette séquence qui a fait l’objet de la chronique de Sophia Aram intitulée « Le complot de trop ». Elle y dénonce le manque de modération des propos de Gérard Fauré par Cyril Hanouna : « quand on attend d’un décérébré qu’il régule un autre décérébré, c’est un peu comme nettoyer du vomi avec du vomi, ça marche moyen moins. Bien sûr je pourrais faire une énième chronique sur les dangers d’une bande d’abrutis congénitaux ricanant sur commande aux injonctions d’un beauf étalant son inculture sur l’autoroute de son autosatisfaction replète (…) » 

Cette chronique a été plébiscitée par de très nombreux auditeurs qui apportent leur plein soutien à Sophia Aram : 

« Je vous adresse toute mon estime pour votre action ce matin en faveur de notre salubrité mentale. Pour qui vous écoute depuis longtemps, on retrouve avec plaisir la signature acidulée de vos chroniques. Ce rôle de vigie nous est indispensable tandis que tant de chroniqueurs, animateurs et « pseudo-journalistes » n’osent pas dénoncer l’imposture, la médiocrité et le « tout à l’Ego » de cet animateur, vulgaire et prétentieux assisté d’une cour asservie à ses largesses ou soumise à son ire. 
A croire qu’il terrorise tout le Landerneau du milieu audiovisuel, des gens craintifs pour leurs avantages professionnels et inféodés à son pouvoir de nuisance. 
J’espère que ce modeste post se distingue parmi le tombereau nauséabond que va vous valoir votre courageux billet de la matinale. Je vous adresse tout mon soutien et ma considération, ne renoncez pas. » 

« Mille fois merci pour vos propos courageux et surtout lucides. Aujourd’hui encore, vous aurez excité des décérébrés irrécupérables mais que vos mots ont été justes ! Sophia, vous êtes merveilleuse ! » 

« Merci à Sophia Aram pour ses belles chroniques, particulièrement pour sa lutte contre la médiocrité et la bêtise de certains animateurs promoteurs de la laideur, de la vulgarité et du populisme le plus dévastateur. Je ne suis pas un inconditionnel de France Inter, je trouve certaines chroniques parfois un peu faciles, Sophie Aram a beaucoup de franchise et de courage pour affronter ainsi des émissions débiles. »  

Alain Finkielkraut et Edwy Plenel 

Ce samedi 11 mars, Alain Finkielkraut s’est entretenu avec Edwy Plenel dans l’émission Répliques sur France Culture, à propos de son dernier essai « L’Appel à la vigilance, face à l’extrême droite » publié aux éditions la Découverte. L’échange éclairé et stimulant de ces deux personnalités, bien connues pour leurs opinions divergentes, traduit tout l’intérêt des dialogues entre des intellectuels aux points de vue opposés, encouragés à s’exprimer dans un cadre respectueux, qui fait bien défaut dans le débat public actuellement.  

La haute tenue de l’entretien a d’ailleurs été unanimement saluée par les auditeurs :  

« M. Finkielkraut, je trouve que votre émission de ce jour, avec Edwy Plenel, fait honneur à vous deux. Malgré vos divergences – passablement polémiques – vous avez ouvert un espace de discussion (controverse ?) qui vous qualifient, tous deux, comme ce qu’au XVIIIe siècle on aurait qualifié d’honnêtes hommes.  
Quelles que soient mes réticences vis à vis de vos prises de position respectives, je viens de vivre une écoute qui me rend confiance en la radio de service public. » 

« L’émission « Répliques » de ce dernier samedi sur France Culture était intéressante et courtoise, ne serait-ce que parce l’invité en face d’Alain Finkielkraut était Edwy Plenel. Ce dernier, d’emblée, a reproché à l’animateur son obsession à propos de l’islam sur un sujet qui concernait la France. Remarque ironique vu qu’en prolongeant son argumentation Edwy Plenel, et à plusieurs reprises, a évoqué le drame des Palestiniens, ce qui donc semblait être son obsession à lui. » 

« Alain Finkielkraut, je voulais vous remercier pour la qualité de vos émissions que j’écoute maintenant depuis plusieurs décennies. Si je ne partage pas toutes vos opinions, il est rafraîchissant de pouvoir entendre différents points de vue sans que les intervenants ne se coupent la parole. Et vous respectez tous vos invités, même ceux qui expriment ailleurs des propos peu amènes à votre égard.  
Cette dernière émission avec Edwy Plenel était particulièrement réussie. Vous avez su le laisser nous exposer ses conceptions de la liberté d’expression (sans liberté) ou de la démocratie (où seule une élite décide). » 

« Roald Dahl, Ian Fleming, Godard… Faut-il adapter les classiques à leur époque ? » 

Autres points de vue en opposition radicale, toujours sur France Culture, avec un débat modéré par Guillaume Erner entre Tiphaine Samoyault, essayiste, traductrice et critique littéraire, directrice d’études à l’EHESS et Marc Weitzmann, journaliste, écrivain, producteur de “Signes des Temps” sur France Culture. Dans une nouvelle édition britannique, plusieurs mots de l’œuvre de Roald Dahl ont été modifiés pour, selon les éditeurs, moderniser les textes. S’agit-il d’une dénaturation de l’œuvre originale ou d’une adaptation pour la rendre plus accessible et pertinente pour un public contemporain ? Les auditeurs de France Culture ont unanimement tranché en faveur des arguments avancés par Marc Weitzmann:  

« Un immense merci à Marc Weitzmann pour ses interventions ce matin. On en a assez des discours actuels sur la culture soi-disant élitiste, assez de cette idéologie qui, sous prétexte d’être égalitaire, détruit la culture et dénie aux gens la capacité de penser par eux-mêmes. Merci aux véritables esprits critiques qui n’ont pas peur de se colleter avec la réalité. »  

« J’ai été sidérée, consternée, d’entendre Tiphaine Samoyault déclarer qu’elle se réjouissait de n’avoir pas à enseigner la littérature du 19ème siècle au motif que ces romans ne correspondent plus aux valeurs d’aujourd’hui ! Et c’est une prof d’université qui dit ça ! Puis-je faire remarquer à Madame Samoyault que c’est faire injure à l’intelligence des étudiant-e-s ou des simples lecteurs-lectrices : ils/elles ne sont pas capables de voir qu’ils/elles sont en train de lire une œuvre d’une époque passée ? Autant réécrire l’histoire à ce compte ! Autre remarque : effacer les mots “grosses” ou « crasseux » dans un roman destiné à la jeunesse efface-t-il la réalité ? » 

« J’écoute votre émission, je suis très surpris qu’il soit jugé légitime de réécrire des textes littéraires, ou autres.
Imagine-t-on réécrire les philosophes grecs sous prétexte qu’ils prétendaient que la terre était plate ? Réécrire Mein Kampf sous prétexte de l’Holocauste ? Sartre et Céline sous prétexte que… ? Etc… C’est effectivement une attitude de dictature, et que penseront nos enfants et petits-enfants de ces corrections, et de notre époque qui n’est pas capable de comprendre le contexte et les sensibilités d’une époque ? » 

Ce débat captivant a abordé les enjeux délicats de la réception de l’interprétation des œuvres dans un monde en constante évolution, marqué par une prise de conscience accrue des questions de représentation et d’inclusion. La réécriture des classiques et l’adaptation des textes peuvent être analysées comme des tentatives de répondre à cette prise de conscience en cherchant à actualiser les œuvres pour les rendre plus inclusives et traduire les changements sociétaux et culturels.  

Cependant, de telles entreprises peuvent être perçues comme une forme de révisionnisme ou de censure en conduisant à la suppression ou à la modification des œuvres originales. La littérature et toutes les créations artistiques, ont un contexte historique et social dans lequel elles ont été pensées et conceptualisées. Elles reflètent souvent les préjugées et les idées dominantes de leur époque. Il est donc essentiel de les appréhender dans leur contexte original en reconnaissant que certaines formules peuvent être incomprises ou offensantes pour des lecteurs contemporains. 

Les auditeurs nous questionnement régulièrement sur les programmes de France Culture. Florian Delorme, désigné pour exercer la fonction de directeur par intérim de la chaîne, viendra répondre à leurs questions dans le rendez-vous de la médiatrice, ce vendredi à 18h50, dans « Le Temps du débat » d’Emmanuel Laurentin.  

« Mais… n’allons pas trop vite. »  

Le journaliste Patrick Pesnot, ancien producteur de l’émission culte « Rendez-vous avec X » sur France Inter, est mort lundi à 79 ans. Pendant plus de 18 ans (de 1997 à 2015), il a été aux manettes de cette émission qui dévoilait aux auditeurs les coulisses d’affaires sensibles, secrètes ou d’espionnages. Pendant 40 minutes, le journaliste dialoguait avec un certain « Monsieur X », personnage anonyme, régulièrement présenté comme un ex-agent secret, sorte de source inépuisable d’informations. Lors de sa dernière émission, il a évoqué, à demi-mot, l’identité de ce personnage :  » Me faut-il reconnaître, pour reprendre la citation aussi célèbre qu’improbable du grand Flaubert, que ‘Monsieur X, c’est moi’ ? Je m’en garderai car la part de mystère de cet énigmatique Monsieur X a aussi fait le charme, sinon le succès, de cette si longue émission« , reconnaissait-il.  

Patrick Pesnot fut d’abord reporter de l’ORTF, puis journaliste indépendant pour la radio et la télévision. Il a alors notamment couvert les émeutes de mai 1968 pour RTL. Romancier et scénariste, il a collaboré avec Philippe Alfonsi à l’adaptation d’un de leurs romans policiers « L’œil du sorcier ». Patrick Pesnot a également adapté plusieurs œuvres littéraires pour la télévision et collaboré à plusieurs émissions et séries télévisées.  

De nombreux auditeurs lui ont rendu un vibrant hommage et saluent son talent si singulier et inspirant : 

« Je ne sais pas où exprimer ma profonde tristesse pour le décès de M. Patrick Pesnot. Il m’était impossible de faire autre chose quand son émission passait. J’avais l’impression d’être dans l’anti-chambre du pouvoir, on se sentait beaucoup plus intelligent. Je présente donc à tous, et surtout à ses proches, mes sincères condoléances. »  

« C’est avec tristesse que je viens d’apprendre le décès de Patrick Pesnot. J’ai beaucoup écouté ses émissions et j’étais toujours ravie de tomber par hasard sur une rediffusion. Quel sens du détail, de l’intrigue sur des sujets passionnants que je n’entendais pas ailleurs. Cette émission a contribué à forger mon esprit critique et à rechercher la vérité cachée par les gouvernements ou les industriels. J’adresse toutes mes condoléances à sa famille et à vos équipes. »  

« Ce matin tombe la nouvelle du décès de Patrick Pesnot. C’est vraiment trop tôt ! Ça fait plus de 10 ans que je devais lui écrire pour le remercier, lui et son équipe. J’imagine que beaucoup sont dans le même cas et en tout état de cause affectés par cette disparition.  
Je voulais lui écrire comment étudiant à la fin des années 90 j’enregistrais sur cassette audio ses émissions pour les réécouter méthodiquement. 40 minutes d’émission ça tombe parfaitement bien pour une face de cassette de 90 minutes ! A l’époque, il n’y avait pas encore de podcast et toutes les personnes souhaitant me joindre en urgence attendaient une des pauses musicales pour le faire. Les MP3 ont rapidement permis de s’affranchir de la bande magnétique et de continuer à bénéficier dans des conditions plus confortables du regard sur l’Histoire et sur le Monde que prodiguaient semaine après semaine Patrick Pesnot et Monsieur X (…). Cette émission n’a, me semble-t-il, jamais poussé au complotisme ou au cynisme mais justement plutôt à la distanciation et à la complexité : rétrospectivement, c’est un tour de force ! Que chaque parti-prenante de cette émission en soit remercié pour cela. » 


Yann Chouquet, directeur des programmes de France Inter, remercie les auditeurs pour tous leurs messages et considère qu’: « avec ses « rendez-vous avec X » Patrick Pesnot a créé une émission culte, un programme qui ne vieillira jamais et qui a su séduire toutes les générations. Quand on écoutait son émission, le spectacle était à la radio et aussi dans la salle : « Mais il existe vraiment Monsieur X ? » « Mais c’est vraiment un ancien des services secrets ? » 
« Mais … n’allons pas trop vite. » comme il le répliquait à Patrick à chaque épisode de 1997 à 2015. Passionné par les dossiers internationaux, les affaires politiques et les événements historiques. Patrick Pesnot a été un des pionniers des « cold case » radiophoniques, des récits d’affaires sensibles. Il était aussi un romancier curieux de tout, nous discutions encore il y a quelques semaines de la possibilité de produire une nouvelle série sur l’histoire de la médecine. 
De nombreux auditeurs nous ont écrit pour exprimer leur tristesse quand ils ont appris sa disparition, nous nous associons à eux pour exprimer nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches. 
Sachez que vous continuerez à l’entendre sur l’antenne de France Inter et qu’une « Nuit avec X » aura lieu samedi soir, de 22h à 6h du matin. » 

Demain, le rendez-vous de la médiatrice sur Franceinfo, nous évoquerons le traitement éditorial de la réforme des retraites. Sur une chaine d’info continue comment renouveler les angles pour traiter ce sujet sans lasser les auditeurs ? Comment se répartit la parole entre les différents points de vue alors que des auditeurs estiment que l’on entend davantage les opposants à la réforme. D’autres regrettent un traitement trop parisien de cette actualité. Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction répond aux questions des auditeurs à 13h20 et 16h20.  

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Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes