Réponse de Marc Weitzmann aux auditeurs :
Chers auditeurs,
La critique est la rançon du succès. Si elle a donné lieu aux réactions enthousiastes habituelles, la première de Signes des Temps, dans laquelle je recevais Fatima Daas pour son livre « La Petite dernière », a aussi suscité un certain nombre de courriels de la part d’auditeurs choqués voire franchement outragés.
Les arguments et surtout le vocabulaire employé sont si révélateurs de la confusion actuelle qu’ils ne peuvent rester sans réponse.
Les critiques se concentrent sur deux points.
— L’un concerne le principe même de l’interview.
Fatima Daas est jeune, d’origine algérienne, elle a grandi en banlieue elle est homosexuelle et musulmane pratiquante. Tout ceci aurait dû me conduire –moi qui suis blanc, français et plus âgé qu’elle– à limiter mon rôle d’interviewer à celui d’accompagnateur de son récit, plutôt que de la questionner sur la structure de son livre, quand je ne comprenais pas ce qu’elle disait ou quand il me semblait que quelque chose manquait dans ses arguments. Autrement dit, j’aurais dû abandonner toute dimension critique. En m’y accrochant, j’aurais fait preuve d’arrogance « patriarcale », « machiste », évidemment raciste, voire carrément coloniale –en fait de nuance, un auditeur va jusqu’à invoquer à mon sujet « la question », le livre de Henri Aleg dénonçant la torture pendant la guerre d’Algérie. A l’en croire, mon attitude durant cette émission ne serait rien moins que l’équivalent psychologique des tortionnaires de l’armée française…
Tout d’abord, depuis quand interroger un écrivain sur ses « choix narratifs » est-il scandaleux ? La première partie de l’émission consiste à demander à Fatima Daas d’expliquer ces choix, de les commenter, ce qu’elle a d’ailleurs pris un certain plaisir à faire. J’aurais fait la même chose avec n’importe qui, indépendamment de son sexe ou de ses origines et j’ai un peu de mal à saisir ce qu’il y a si gênant à voir une romancière de 24 ans, venue de la banlieue et d’origine algérienne prise au sérieux et traitée en adulte. Que cache au juste ce paternalisme moralisateur, et qui fait réellement preuve d’arrogance ici : moi, ou les âmes si bien intentionnées qui ne tolèrent la parole des « racisées » que lorsqu’on les cantonne à leur rôle de victime ?
— Chaque fois que j’ai interrompu Fatima Daas par une question, c’était pour lui demander de préciser ce que, pour elle, signifiait le vocabulaire généralisant qu’elle emploie. Un terme tel que « double culture », par exemple, est une formule généralisante, que l’on trouve partout aujourd’hui dans la presse, mais qui ne veut pas nécessairement dire la même chose pour tout le monde. Je n’ai pas cherché à étouffer l’histoire de Fatima Daas mais au contraire à lui faire préciser des choses.
–En réalité, l’essentiel des critiques concerne le dernier tiers de l’émission consacré à la question algérienne, et dans lequel je marque mon désaccord. C’est le second point. Puisque Fatima Daas n’aborde ni le souvenir de la guerre civile algérienne des années 90, ni celle du voile, ce n’était pas à moi de le faire. Or, non seulement je l’ai fait, mais, en plus, j’aurais « forcé » Fatima Daas à admettre que « vivre en France c’est mieux que vivre en Algérie ». J’aurais mis mes mots dans sa bouche.
Sur le voile : si Fatima Daas n’en parle pas dans son livre, elle aborde en revanche la question de façon très dogmatique dans l’entretien qu’elle a donné aux Inrockuptibles, et auquel je me réfère dans l’émission. Dès lors qu’elle prend position, pourquoi s’interdire de l’interroger ? Cela m’est apparu d’autant plus nécessaire que tout son livre est hanté par l’appartenance à l’Islam et par une forme de nostalgie vis-à-vis de l’Algérie qu’elle n’a pas connu. Si l’on veut vraiment parler de victime, la simple décence vis-à-vis de toutes celle qui se sont fait égorger au nom de la religion que Daas revendique, dans ce pays dont elle a la nostalgie, imposait de l’interroger sur ce non-dit. Cela ne signifie évidemment pas qu’elle aurait du écrire son livre là-dessus. Mais c’est une question. A laquelle elle a répondu ce qu’elle voulait ou pouvait.
Lui ai-je fait dire que « la France c’est le Pérou » ? Ce n’est « le Pérou » nulle part. Mais il y a des lieux et des époques ou être Fatima Daas a pour conséquence de se faire tuer, et d’autres où les conflits intérieurs et les impasses sociales aboutissent à des livres. Ça ne résout rien, mais c’est plus vivable.
« Vous avez insisté sur le fait qu’en France, c’est mieux qu’en Algérie car en France une femme musulmane et lesbienne peut s’exprimer dans la presse », me reproche une auditrice, qui ajoute : « et quand on a dit ça on a dit quoi ? » Je suggère à cette dame d’aller poser la question à toutes celles qui ne peuvent pas parler, justement.
M. Weitzmann, J’ai apprécié votre entretien avec Fatima DAAS. Je suis algérienne et musulmane non pratiquante. Oui, j’ai aimé votre façon intelligente et intelligible d’échanger sur son livre et de souligner aussi les »manques » de celui-ci. J’ai bien saisi les nuances que vous avez apportées sur son oeuvre et je suis sûre que vous l’avez éclairée sur sa propre « multi culture » . Cela dit, Fatima DAAS, a bien sûr le temps d’apprendre et de comprendre … Merci de votre émission et de la richesse que toute l’équipe de France-culture nous apporte tous les jours.
Auditeur de cette émission j’ai été surpris, mal à l’aise par le ton inquisiteur de Marc Weitzmann envers Fatima Daas. je partage l’idée que l’animateur d’une émission est dans un attitude légitime de questionner l’invitée, de relever des points qui méritent être explicités etc etc.. (enfin je ne vais pas me substituer aux professionnels de la radio. Vous voyez bien de quoi je parle..) mais là j’étais mal à l’aise pour cette jeune femme, l’impression qu’elle passait un examen devant un jury revêche…la charge vers le fin de l’mission était constante, l’invitée avait à peine le temps de reprendre son souffle; d’autant que Marc Weitzmann lui dit carrément « je vous reproche … » ah non! dans toutes les bonnes émissions que j’écoute sur France Culture, ces mots n’existent pas…me semble t’il… alors pourquoi?
Marc Weitzmann, j’ai trouvé qu’elle portait vraiment bien son nom cette émission avec Fatima Daas. Ce n’est pas parce qu’un sujet est ostensiblement évité dans un bouquin qu’il ne doit pas être abordé durant la promo, sinon tout cela est trop facile. Son refus de reconnaître que l’on est plus libre en France ou que ce qu’elle écrit, elle n’aurait pas le droit de le publier en Algérie, montre clairement dans quelle direction va une partie du féminisme aujourd’hui et il n’y a pas grand monde pour oser le relever. Alors bravo. J’adore écouter Signes des temps, mais cette fois-ci encore plus.
Tout le talent d’un vrai interviewer, qui n’est pas là pour servir la soupe promotionnelle, mais sait débusquer les contradictions et indiquer avec brio les impasses à ses auditeurs. Chapeau!
J’ai été assez dérangée par la manière de recevoir Mme Fatima Daas par l’interviewer. Il m’a semblé entendre un mépris assez manifeste dans la manière de lui dire ce qu’aurait dû comporter son roman (la guerre civile), sans vouloir entendre son choix de ne pas l’avoir abordé. De même, nous avons passé 10 min douloureuse à l’entendre essayer de lui faire dire ce qu’elle ne voulait pas dire, à savoir « la France, c’est mieux ». Un chauvinisme assez mal placé et surtout très insistant quand le sujet du livre est la souffrance ressentie en France.
Un moment de radio pendant lequel Marc Weitzmann mène avec Fatima Daas un entretien très loin des poncifs habituellement réservés aux « auteurs des quartiers » (ce qui je sais, ne devrait rien vouloir dire)
Votre interview de F. Daas était très désagréable, à charge dès le début avec une chute déplacée qui n’avait rien avoir avec le sujet dont elle traite. Dans son « roman » même en partie biographique elle a le droit de ne pas aborder certains sujets et de mettre l’accent sur ceux de son éducation qui ont le plus compté. Ce n’est pas un ouvrage de sociologie ou d’histoire ou de politique. On ressert toujours les mêmes poncifs aux algériens… »et alors vous oubliez les barbus… ». Il faut peut-être faire davantage confiance aux algériens pour régler leurs propres problèmes…
C’est la première fois que j’entendais cette émission que j’ai prise en court et j’ai cru pendant un moment à une émission religieuse du dimanche matin avec un intervieweur dogmatique qui tançait un peu une croyante insuffisamment orthodoxe. J’ai trouvé assez désagréable ,le ton et la lourde l’insistance de Marc Weitzmann qui aurait pu intituler son émission du jour « la question »(certes sans les « arguments » évoqués par Henri Alleg). Plus précisément il me semble qu’il aurait pu laisser à une jeune femme -certes de simple* origine algérienne(*cf le surplomb affecté par M.Weitzmann le faisait sentir) – la possibilité des choix de son récit, les respecter et la respecter.(son parcours son originalité) On aura compris la « question » du jour :faire avouer que la France de 2020 pour une simple jeune femme d’origine « islamique » est « le Pérou » vis vis de l’Algérie des années tristes années . Tout est beau dans le meilleur des mondes possibles.(Quelle chance Fatima avez vous et de quoi vous plaignez vous!) Mauvaise attitude je trouve et manque de respect,cette émission en forme d’interrogatoire,faite par quelqu’un qui « détient la vérité »et n’envisage pas l’univers d’autrui ,ce qui est triste puisqu’il est question de littérature . Cerise sur le gâteau l’émission se termine par un extrait qu’il a « décidé » d’imposer à son invitée. Ce type d’émission semble être comme une charge attribuée par une radio publique à une personnalité bien choisie qui y fait ce que bon lui semble.Entre soit bien connu d’un milieu parisien qui a toujours raison et explique la vie aux gens:le bon bourgeois a la vraie appréciation des choses. Fatima Daas est restée parfaitement calme, fidèle à son sujet,à son livre et à son histoire qui est bien la sienne,bien loin du monde de monsieur Weitzmann. Bravo.
Monsieur Weitzmann, J’ai été très choquée par l’agressivité que vous avez manifestée pendant votre interview de Fatima Daas. Elle venait pour un roman et vous lui avez parlé comme si son livre était un livre universitaire dont on peut contester le contenu (sous réserve d en avoir les compétences). Je donnerai deux exemples : -vous avez insisté notamment lourdement sur le fait qu’ en France, c’était mieux qu’en Algérie car une femme musulmane et lesbienne pouvait s’exprimer dans la presse. Et quand on a dit ça, ça sert à quoi ?? Ça rend la vie des musulmans plus facile en France ?? Il faudrait être naïf ou ignorant pour le croire ; -Vous avez remis en cause la double culture que revendiquait la jeune autrice. Que cherchiez vous avec cette contestation ? Vous n êtes pas dans la peau de cette jeune femme. J’ai failli éteindre la radio avant le terme de l’émission mais c’est la jeune autrice qui l’a fait. Je ne vous félicite pas, Monsieur.
Je ne sais pas si son livre a un intérêt littéraire, mais quant au contenu que vous avez essayé avec beaucoup de courage d’explorer avec elle et aux contradictions qu’elle revendique, tout cela fait froid dans le dos.
Bonjour Monsieur Weitzmann, j’ai écouté l’émission, et j’ai un drôle de sentiment. Que s’est-il passé? Vouliez-vous obtenir une confession, un « aveu »? Pourquoi ce sujet des violences de cette fameuse décennie en Algérie? Soupçonnez-vous votre invitée? Pourquoi tant de « politique »? Décidément une drôle de rentrée… encore un effet de la crise covid, crise généralisée?
Bravo et merci pour votre émission de ce jour, 30 août 2020 : entretien très serré, vous gagnez votre pain à la sueur de votre front !
J’avoue avoir été troublée par la manière dont l’autrice a été ‘interrogée’ sur son travail, et particulièrement sur ses choix narratifs, comme si elle devait se justifier à travers eux de ses choix de vie. Cela donne le sentiment que la nuance et la contradiction – et éventuellement la liberté – ne sont pas des voies ouvertes aux femmes racisées, du moins lorsqu’elles n’ont pas reçu l’assentiment de l’élite normative.
J’ai trouvé que le producteur poursuivait F Daas lui reprochant de ne pas prendre en charge la décennie noire en Algérie, de ne pas dire clairement que l’on était mieux « ici » que « là_bas » , qu’elle ne parlait pas du problème du voile etc…c’était à la limite du harcèlement sans rapport avec ce premier livre d’une jeune auteur dont l’objet m’a paru limité aux contradictions religion/sexe,abordée certes d’une façon inhabituelle (ce qui en fait peut être l’intérêt) je n’ai pas lu le livre mais je vois mal ce qui a justifié de pousser ainsi cette romancière (et pas essayiste) pour la mettre en défaut!