« Rares sont les Ministres de l’Education nationale à ce point sous le feu des projecteurs. Devant Jean-Michel Blanquer, deux immenses dossiers : après l’assassinat de Samuel Paty, enseigner la laïcité à l’école ; en pleine crise du Covid-19, assurer la continuité éducative. Entretien » auquel les auditeurs ont beaucoup réagi. Voici une sélection de leurs messages :

Je suis découragée d’entendre votre journaliste contribuer au prof bashing en déclarant que nous faisons grève quand il s’agit de passer du 1er au 2eme étage. Depuis des années nos salaires sont gelés, les effectifs d’élèves saturent des salles trop étroites, nous subissons une réforme à chaque ministre, nous nous adaptons à des situations du jour au lendemain, sur des annonces faites dans les médias, sans temps ni moyens supplémentaires, et avec notre propre matériel, nous tenons à bout de bras les lambeaux de la devise républicaine qui s’effrite lamentablement dans la misère sociale et les fake news des réseaux sociaux. En plein confinement nous sommes encore les seuls à être jetés au milieu de la cohue d’adolescents qui transmettent eux aussi le virus comme si nous étions quantité négligeable. Nous ne demandons pas l’arrêt du présentiel, nous demandons à diviser par deux les classes pour que la situation sanitaire des établissements soit juste moins catastrophique à défaut d’être correcte, pour les élèves, leur famille et pour nous (car il paraît que l’Etat est censé nous protéger dans l’exercice de notre métier). Merci de ne pas, en plus de tout ce que nous supportons, nous cracher en plus dessus. Venant de quelqu’un qui travaille à France Culture, c’est incompréhensible et révoltant. En espérant que vous n’êtes pas trop bousculés dans les couloirs et que les conditions sonores, sanitaires, matérielles et sociales ne vous sont pas trop pénibles. Sans quoi de nombreux postes sont à prendre dans l’Education nationale.

Frédéric Martel répond aux auditeurs :

Merci pour votre message qui a retenu toute notre attention. Une interview, en particulier longue, avec un ministre, surtout M. Blanquer qui est sous le feu des critiques actuellement, fait forcément réagir. Telle ou telle phrase peut avoir été maladroite de sa part, de notre part, mais il faut écouter une émission entière, laquelle a été courtoise avec le ministre mais toujours critique, et parfois très sévère. Nous avons également posé plus d’une dizaine de questions d’auditeurs et donné la parole tant à l’opposition qu’à des témoins forts critiques (sur le numérique par exemple, ou la laïcité). La formule sur les « étages », par exemple, aurait dû être citée comme étant d’un proviseur, interrogé pour préparer l’émission, lequel a constaté « en réunion syndicale que des professeurs menaçaient d’un droit de retrait car ils devaient se déplacer d’un étage à l’autre, avec leurs affaires, alors qu’auparavant les élèves se déplaçaient ». C’est un exemple bien sûr, pas forcément représentatif, et qui aurait pu être cité comme tel, entre guillemets, comme étant celui d’un proviseur, mais il n’est pas représentatif non plus de l’émission dans son ensemble. Je crois avoir pris le parti, presque à chaque question, des enseignants dans ce programme. Certains m’ont reproché d’avoir été trop dur avec M. Blanquer – que je n’avais jusqu’à ce jour jamais rencontré de ma vie –, d’autres trop gentils. C’est ainsi. Espérons en tout cas que sur la laïcité, le Covid et le numérique les réponses du ministre, rares et détaillées, aient pu aider à avancer, ou à comprendre les enjeux de débat, qui dépassent d’ailleurs, et de beaucoup, le seul cas de M. Blanquer, ou même de l’école.
Merci d’être fidèle à France Culture.
Bien à vous,
Frédéric Martel, pour l’émission Soft Power/France Culture.

Les propos tenus par Frédéric Martel dans son émission Soft Power du dimanche 8 novembre 2020 m’ont particulièrement choqué et sont vraiment malvenus en cette période où le corps enseignant a été meurtri par les tragiques événements récents.
En effet, cet animateur a notamment déclaré :  » Vous faites monter un prof du 1er au 2eme étage, ils se mettent presque en grève. »
Il me semble quele service publicdevrait être aux premières loges pour défendre la fonction publique, et non verser dans le prof-bashing primaire.
Quel journaliste aura le courage et la déontologie d’étudier les enjeux relatifs à l’éducation nationale pour être en capacité de reprendre monsieur Blanquer lorsqu’il assène des contre-vérités sans qu’elles ne soient jamais corrigées à l’antenne ?
Merci de faire en sorte que les esprits s’élèvent et que la fraternité ne soit pas qu’un vain mot.

« Vous savez bien que les profs, vous leur demandez de changer d’étage et ils se mettent déjà en grève », jolie sortie de Frédéric Martel, sans aucun doute documentée par une étude sociologique rigoureuse. Pourquoi ce profs-bashing gratuit alors que ceux-ci ont travaillé pendant le premier confinement, contrairement à d’autres professions ? Alors que les enseignants font partie des rares professions (la seule?) à passer plusieurs heures par jour dans des lieux fermés avec des élèves ou des étudiants dont on sait qu’ils prennent tous les risques en dehors de l’établissement (pas de port du masque, téléphone passant de main en main, cigarette ou paquet de chips partagés…)? Ou comment éviter la réflexion en ayant recours au sarcasme…

« Vous le savez bien, on fait monter un prof du 1er au 2ème étage et il fait grève ». Je suis enseignante depuis vingt ans et je suis outrée ! Quel mépris ! Mais surtout quelle méconnaissance de nos conditions de travail ! Chargée de cahiers, d’un ordinateur portable, je cours d’une salle à l’autre, d’un bout à l’autre, d’un étage à l’autre de mon établissement; vite, se connecter, vite faire l’appel, vite lancer le cours, vite, vite, le temps passe, cinquante minutes de cours pour faire progresser les savoir-faire et les connaissances des élèves, vite tout fermer, vite ranger, vite le cours suivant; gérer les problèmes numériques, sociaux, psychologiques, familiaux, matériels; répondre aux messages de mes élèves, vacances et week-end compris; je n’ai d’ailleurs pas de week-end ni de vacances etc. J’invite ce monsieur à venir passer une semaine avec moi.