1. L’absence de Nicolas Demorand
2. Florence Paracuellos dans la Grande matinale de France Inter
3. Francesca Albanese, invitée des Matins de France Culture
4. Le « maréchal » Pétain
5. La publicité pour TikTok
6. Cœurs sur Mosimann
7. Les rires sur France Inter
8. Langue française

L’absence de Nicolas Demorand  

Depuis plusieurs semaines nous recevons de nombreux messages au sujet de l’absence de Nicolas Demorand. Les auditeurs ne parlent pas seulement d’un journaliste qu’ils apprécient : ils évoquent une voix qui accompagne leur réveil depuis des années, un repère familier dont le silence crée un vide. L’absence prolongée est ressentie non seulement comme un manque radiophonique, mais comme une inquiétude depuis l’annonce publique de sa bipolarité qui joue un rôle déterminant dans ce lien affectif qui s’est tissé avec les auditeurs. La teneur de leurs messages dans lesquels la maladie est constamment évoquée traduit un attachement d’une intensité inhabituelle à l’égard d’un journaliste.  

Certains racontent que son témoignage les a aidés à accepter leur propre bipolarité, ou celle d’un membre de leur famille, avec moins de solitude et plus d’espoir. Il y a, dans leurs mots, une forme de reconnaissance pour ce geste de vérité.  
Beaucoup demandent de ses nouvelles comme on en demanderait pour un proche. De l’ensemble des messages, il ressort une bienveillance collective qui rappelle à quel point la radio, lorsqu’elle est incarnée, peut créer une proximité d’une rare intensité. Pour certains, le silence sur son absence leur pèse davantage que l’absence elle-même. Dès lors, le mot amical sur l’antenne, lundi, par Florence Paracuellos a apaisé l’inquiétude. Un mot d’Adèle Van Reeth, directrice de la chaîne, est également à lire ici.  

Philippe Corbé, directeur de l’information de France Inter répondait ce vendredi aux questions des auditeurs, dans « le rendez-vous de la médiatrice », proposé par le 13/14 de Jérôme Cadet. Interrogé sur l’absence de Nicolas Demorand, Philippe Corbé a tenu à remercier les auditeurs pour leurs nombreux messages de soutien qui sont tous transmis au journaliste, actuellement en repos. Philippe Corbé se dit confiant et impatient de son retour, espéré avant Noël, même si aucun calendrier n’est fixé. En attendant, Florence Paracuellos, accompagnée de Benjamin Duhamel, assure la continuité de la matinale, pour laquelle elle s’est rendue disponible sur toute la période. 

Des messages très chaleureux sont d’ailleurs adressés à propos de Florence Paracuellos. Des auditeurs mettent en avant son professionnalisme, déjà observé lorsqu’elle présentait les journaux, la tenue du direct, la justesse de ses interventions, sa mesure et sa manière de conduire l’antenne sans heurt ni agitation.  

Ceux qui écrivent distinguent l’attachement qu’ils ont pour Nicolas Demorand et l’appréciation sincère qu’ils portent au travail de sa consœur qu’ils trouvent très légitime à la tête de la matinale. Il n’y a ni concurrence, ni comparaison : plutôt l’expression d’une continuité de confiance à l’antenne, incarnée différemment mais portée avec conviction. 

Ces messages montrent qu’une voix, une manière, un rythme peuvent très vite recréer un lien avec l’auditeur dès lors qu’ils s’inscrivent dans une posture professionnelle solide. Ce satisfecit à l’égard de Florence Paracuellos traduit aussi un besoin : celui d’une matinale qui s’adresse à l’auditeur « sans bousculade », et qui repose sur une incarnation capable de tenir l’antenne avec calme, rigueur et chaleur. 

Au sujet de la Grande Matinale, Philippe Corbé, lors de ses réponses aux auditeurs, a indiqué, ce vendredi, qu’il comprend leurs remarques et reconnaît que certaines séquences manquent encore de repères suffisamment nets, et que parfois la cohérence d’ensemble peut se diluer. Il assure que ces critiques sont prises en compte. Des ajustements sont d’ores et déjà en préparation, avec la direction de France Inter, pour rendre la matinale plus lisible, plus resserrée afin de permettre aux auditeurs d’y retrouver plus facilement ce qui fait l’identité de France Inter. 

Il rappelle par ailleurs l’ambition éditoriale qui guide la chaîne : raconter l’époque en s’adressant à tous les Français, une exigence devenue plus ardue dans un contexte de méfiance croissante envers l’information et dans un pays traversé par des fractures. C’est précisément pour mieux répondre à ces enjeux que des ajustements sont envisagés. L’intégralité de l’interview de Philippe Corbé est à réécouter ici : il revient également sur l’émission « Questions politiques » du dimanche 9 novembre, qui recevait Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise et le traitement éditorial de la condamnation de Nicolas Sarkozy.   

Francesca Albanese dans les Matins de France Culture 

Les messages reçus après l’interview de Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés, traduisent une incompréhension chez des auditeurs qui, pour beaucoup, se disent fidèles et respectueux du travail de Guillaume Erner. Ce qui domine, c’est une impression de décalage entre l’image qu’ils ont d’un journaliste habituellement mesuré et attentif à la qualité du débat, et la posture qu’ils ont perçue ce matin-là à l’antenne. L’entretien est décrit comme tendu, orienté : non pas un échange d’idées, mais une mise en accusation qui aurait transformé l’invitée en objet de suspicion plus qu’en source d’analyse. 

Pour beaucoup, la ligne de fracture se situe dans la manière dont le thème de l’entretien a glissé du fond, à savoir le droit international, la situation dans les territoires palestiniens, les conclusions du rapport de l’ONU, vers une focalisation récurrente sur l’antisémitisme, présenté comme un prisme imposé à l’invitée. Les auditeurs disent avoir entendu un cadrage qui la renvoyait sans cesse à une étiquette (« pro-palestinienne », « de gauche ») dont elle devait se défendre, au lieu de pouvoir exposer son travail. Ce déplacement du cœur du sujet est vécu comme une forme de brouillage, donnant le sentiment que l’intervieweur cherchait à disqualifier l’interlocutrice davantage qu’à comprendre ou faire comprendre. 

Derrière ces réactions, on perçoit une déception proportionnelle à la confiance habituelle accordée au journaliste. Nombreux sont ceux qui rappellent combien ils l’apprécient, combien ils respectent son habituel sens de la nuance et son expertise.  

Ce que révèlent ces messages, au fond, c’est un besoin d’un « journalisme d’écoute », surtout sur des questions aussi inflammables. Les auditeurs réclament un espace où les faits puissent être exposés sans soupçon préalable, où l’on ne confonde pas contradictoire et mise en accusation, où l’on donne le temps à des invités très informés de dérouler une pensée. Ils rappellent à quel point la crédibilité d’une antenne repose sur sa capacité à maintenir un équilibre entre fermeté dans les questions mais ouverture dans l’écoute.

Ils expriment leur attachement à ce qui fait la singularité de France Culture : une parole exigeante, mais jamais méprisante ; un débat soutenu mais jamais clos avant d’avoir commencé. 

Toujours sur France Culture, ce vendredi, dans « Le rendez-vous de la médiatrice » Nathan Devers, producteur de l’émission « Sans préjuger », est revenu sur les principes qui fondent sa démarche : la volonté d’interroger le monde en s’affranchissant des évidences et des idées préconçues. Il a expliqué ce que signifie pour lui ce titre ambitieux « Sans préjuger » à la fois idéal intellectuel, méthode de travail et horizon difficile à atteindre mais nécessaire. 

Nathan Devers a détaillé les conditions nécessaires pour mener un entretien sans céder aux réflexes de simplification : créer un cadre où la nuance prime, où la parole circule librement, et où l’on opère une vigilance constante afin de ne pas laisser ses propres présupposés orienter la conversation.  

Nous avons évoqué son parcours et ce grand écart entre deux cultures médiatiques : ce passage d’une télévision privée, dominée par l’expression immédiate et l’opinion, à une émission de radio conçue comme un espace de réflexion et de profondeur. Deux façons très différentes de fabriquer du sens à propos desquelles il expose son point de vue. 

Pour découvrir l’intégralité de ses réponses et prolonger la réflexion, vous pouvez réécouter ce « rendez-vous de la médiatrice » en cliquant ici

Autre « rendez-vous de la médiatrice » : demain sur Franceinfo, nous reviendrons sur le sujet central dans l’actualité de la semaine : la criminalité liée aux trafics de drogue, qui a franchi un nouveau seuil la semaine dernière avec l’escalade de la violence à Marseille. Richard Place, directeur de l’information de Franceinfo, reviendra sur l’organisation éditoriale mise en place pour traiter un sujet complexe et multiforme. 

Nous évoquerons notamment les choix de la rédaction pour rendre compte d’un dossier qui ne se limite pas à son versant criminel. Des auditeurs s’interrogent sur les angles traités : la place accordée au rôle des consommateurs, mais aussi les propositions qui émergent dans le débat public, comme la dépénalisation des drogues, sujet sur lequel certains auditeurs attendent des reportages et des débats.

Pour éclairer les coulisses du traitement de l’information, Richard Place répondra également aux auditeurs sur les conditions de travail des journalistes qui traitent du narcotrafic : sécurité, pressions éventuelles, accès aux sources. Rendez-vous à 16h53 demain sur Franceinfo. 

Philippe Pétain 

Lundi, deux jours après une messe à Verdun en hommage à Philippe Pétain, une enquête a été ouverte pour contestation de crime contre l’humanité envers le président de l’association organisatrice, l’ADMP (Association pour Défendre la Mémoire du maréchal Pétain). Son président s’est exprimé à la sortie de l’église devant la presse, soutenant notamment que Philippe Pétain avait été « le premier résistant de France ».   

Lors des journaux relatant cette information, l’usage du titre de “maréchal”, pour désigner Philippe Pétain a fait vivement réagir des auditeurs. Leur « étonnement » tient au sentiment qu’une précision essentielle, celle de la destitution complète de Pétain en 1945, a été négligée. Pour eux, il ne s’agit pas d’une simple maladresse terminologique : c’est une erreur lourde de sens, d’autant plus dérangeante qu’elle surgit dans un contexte où l’exactitude est indispensable, au moment même où une messe hommage peut être interprétée comme une tentative de réhabilitation symbolique. 

Employer le titre “maréchal”, sans nuance, ni rappel du jugement de 1945, revient à maintenir une forme de dignité à un homme juridiquement déchu de tous ses titres, condamné pour haute trahison et frappé d’indignité nationale. Rappelons que Philippe Pétain, surnommé « le vainqueur de Verdun », devint général pendant la Première Guerre mondiale puis maréchal lors de l’armistice, avant de prendre en 1940 la tête du régime de Vichy qui collabora avec l’Allemagne nazie. Il a été frappé d’indignité nationale en 1945 et condamné à mort, une peine commuée en prison à vie.  

Dans un contexte contemporain où les discours négationnistes et la tentation de réécrire l’histoire demeurent des enjeux sensibles, cette imprécision apparaît comme un manque de conscience historique. Les messages expriment donc une exigence légitime : rapporter correctement les faits et comprendre la portée mémorielle et politique des termes employés. La rigueur historique n’est pas un détail, elle nourrit la confiance que les auditeurs accordent aux antennes.  

Campagne publicitaire TikTok 

La publicité TikTok diffusée avant les podcasts de France Inter et France Culture provoque une forte incompréhension chez des auditeurs. Ils ne réagissent pas seulement à une publicité « indésirable », ils perçoivent une contradiction entre la mission du service public et la promotion d’une plateforme qu’ils associent massivement à des risques pour les adolescents, à des contenus addictifs ou toxiques et à des pratiques de désinformation. 

Beaucoup expriment un sentiment de « trahison symbolique » : ils soulignent que les chaînes de Radio France alertent régulièrement sur les dangers des réseaux sociaux, notamment de TikTok, et qu’entendre ce même réseau se vanter de sa « sécurité » et de ses vertus pédagogiques crée une réelle dissonance. Cette incohérence perçue se résume en une question : comment Radio France qui incarne pour eux un rempart contre les dérives numériques, peut-elle diffuser un message en apparente contradiction avec ses propres analyses journalistiques ?  

Ceux qui nous écrivent sont enseignants ou parents et se disent très investis dans l’éducation des enfants. Ils voient dans TikTok un outil potentiellement néfaste qu’ils tentent de « déconstruire » ; or, entendre la plateforme se présenter comme sûre, encadrée et bénéfique, sur un média qu’ils considèrent fiable et protecteur, est vécu comme un renversement troublant : leurs efforts semblent contredits par la radio à laquelle ils font confiance pour informer et non pour relayer des messages qu’ils jugent trompeurs ou dangereux. 

Le directeur de la régie publicitaire Charles Cournet a tenu à leur répondre :  

“Une campagne TikTok est actuellement diffusée sur les podcasts. Le spot de 30 secondes est conforme à notre cahier des charges. 
Nos espaces publicitaires sont ouverts à tous les annonceurs, à l’exception de ceux soumis à des restrictions légales (comme l’alcool, les médicaments ou le tabac). Les messages qui y sont diffusés doivent être conformes à la réglementation en vigueur ainsi qu’à notre cahier des charges, ce qui est le cas de cette campagne. 
Les espaces publicitaires sont des emplacements dédiés à la publicité. Ils sont distincts des contenus éditoriaux des antennes et ne constituent pas une prise de position de leur part. Ils permettent uniquement la diffusion de messages autorisés et conformes aux règles en vigueur.” 

Cœurs sur Mosimann 

Les chroniques de Mosimann sont un rendez-vous qui dépasse largement la simple pastille musicale. Pour beaucoup, ces quelques minutes sont un moment suspendu, une parenthèse émotionnelle. Ses billets touchent et réconfortent : ils sont perçus comme une source de chaleur et de poésie au milieu du tumulte de l’actualité. 

Les auditeurs parlent d’un “ton singulier”, d’une écriture qui mêle profondeur et fragments intimes, une voix qui semble partager l’essentiel, sans ostentation. Chaque billet est une expérience sensible. Un thème du quotidien transformé en réflexion universelle, un regard personnel qui fait écho à la vie. Les réactions montrent à quel point la parole de Mosimann, à la fois modeste et lumineuse, touche juste. 

Les auditeurs témoignent au musicien d’une gratitude très simple, très directe. Pour certains, l’écouter est devenu un rendez-vous attendu, une manière d’ouvrir la journée avec humanité. Le « dream track » final, comme une signature musicale délicate, prolonge la beauté de ses mots ciselés, et les auditeurs n’en ont pas assez pour le remercier.  

Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes