Trois mois après le décès de son fils, atteint de troubles du spectre autistique, Eglantine Eméyé revient sur ses années de combat de mère. Elle était l’invitée de 9h10 sur France Inter ce mercredi 24 mai.
Merci sincèrement pour votre émission de ce matin, votre empathie devant Églantine Eméyé… Certains épisodes de sa vie font écho chez moi et me rappellent mes batailles avec l’éducation Nationale et le psychologue scolaire, un service d’un grand hôpital parisien…. Pour l’orientation de notre fille et mon refus qu’elle soit orientée trop vite vers un IME. Elle est devenue une jeune femme avec toujours son âme d’enfant, un rayon de soleil qui travaille dans un ESAT. J’espère que votre émission d’aujourd’hui, ainsi que le film d’Eglantine Eméyé, seront diffusés dans les centres de formations des enseignants, des soignants, des travailleurs sociaux, etc. Tout simplement, merci.
Mon enfant est autiste haut potentiel. La scolarisation est chaotique, avec une déscolarisation partielle. Nous n’avons plus de vie professionnelle (refus de temps partiel, et convocation par l’école chaque semaine, comment garder un emploi ?!). L’autisme n’est absolument pas intégré dans la société, nous sommes complètement isolés, chaque jour à son lot d’insupportable.
Je tenais à témoigner ma sympathie pour votre invitée, Eglantine Eméyé, et à vous remercier pour cette émission.
Cela fait 30 ans que je travaille dans une institution qui accueille des enfants en souffrance, dont des autistes.
J’y suis psychologue, dans une version que l’on pourrait qualifier « de terrain », c’est à dire que pour une part importante de mon travail j’accompagne ces enfants dans leur quotidien. L’accompagnement des familles occupe également une grande part de mon temps.
Notre institution, située en Belgique, dans la zone frontalière à proximité de l’agglomération de Lille, accueille, pour des raisons historiques liées à sa fondation dans les années 60, mais aussi parce la pénurie de lieux d’accueil en France est de plus en plus criante, accueille 98% d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes français.
Au fil des ans je constate la dégradation des moyens accordés aux institutions comme la nôtre. Je parle bien entendu des financements accordés par l’Etat français pour la « prise en charge » (ce mot est détestable) de ces jeunes français qui ne trouvent pas à se faire accompagner dignement en France.
Ces restrictions budgétaires (réduction franche, modifications des modes de financement, non augmentation des moyens en fonction de l’augmentation du coût de la vie) ont bien entendu un impact considérable sur les moyens, humains avant tout, pouvant être mis en œuvre pour accompagner dans les meilleurs conditions ces enfants en grande difficulté et leurs familles. Les problèmes d’incompétence (relative) de la MDPH a été évoquée dans l’entretien. Mais il faut souligner l’essentiel du problème qui est la politique menée (ou plutôt appliquée puisque les décisions sont prise par le pouvoir exécutif) par les ARS. La situation, bien connue, de l’hôpital Public français, est la même pour les institutions spécialisées qui dépendent des mêmes budgets, ceci concerne, c’est moins connu et moins débattu, les institutions étrangères (belges souvent, la Belgique ayant une tradition d’accueil institutionnel bien ancrée, 8000 résidents français sont accueillis en Belgique). Les effets, redoublés par la situation économique catastrophique que nous connaissons depuis quelques mois, se font déjà sentir, au point que certaines petites institutions ferment leur porte ou sont absorbées par des structures plus importantes (qui bien souvent vont chercher leurs moyens supplémentaires dans le secteur privé, au sens marchand du terme, ce qui augure une ère du soin privatisé et du recul, toujours plus patent, des pouvoir publics dans le secteur des soins en général). Très concrètement l’institution dans laquelle je travaille voit son budget annuel amputé de 25% (ce qui est considérable) à cause de la conjoncture des facteurs économiques actuels (inflation, explosion des coûts de l’énergie, indexation des salaires de 10% en Belgique…). La position prise par l’ARS est de considérer que tout ceci, cette conjoncture, est « un problème propre à la Belgique » et n’envisage donc pas une quelconque modification des financements accordés. Que la qualité de l’accompagnement et des soins accordés s’en voient fortement affectés n’entre, littéralement, « pas en ligne de compte ». Nous tentons néanmoins de poursuivre notre mission d’accompagnement avec le plus « d’efficacité » (terme emprunté au langage d’entreprise qui a, depuis bien longtemps, contaminé le champ des soins) et, surtout, en conservant notre dignité, et donc en préservant celle des sujets que nous accueillons.
Mon message arrive après la fin de l’émission mais je tenais à vous faire parvenir ce témoignage.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir le transmettre à votre invitée dont je partage les réflexions. Je pense que nous œuvrons dans le même but, à des places différentes, elle comme maman, moi comme professionnel investit dans ce travail singulier depuis de nombreuses années.
Espérons que cette discussion fasse avancer les choses !!!
Même avec des handicapes moins sévères, la scolarité de ces enfants est très compliquée…
Je suis en train d’écouter votre émission et le témoignage d’Eglantine Eméyé. Je suis moi-même parent d’un enfant (adulte maintenant) polyhandicapée. Je voulais souligner par mon témoignage l’absence cruelle de places en établissements spécialisés pour les enfants et adultes polyhandicapés : Dans mon département d’Ille et Vilaine plus de 50 enfants polyhandicapés attendent une place et plus de 110 adultes polyhandicapés ! Le ministère de la santé ne réagit pas à cette situation depuis plus de 15 ans
Je vous propose de partager deux ressources très utiles :
l’action et les informations du Groupe Polyhandicap France qui se mobilise avec beaucoup d’énergie
le film de Marc Dubois « Des ados pas comme il faut »
Sensibilisée au handicap, car moi-même concernée, je voulais faire connaître l’action remarquable de l’association Marie Hélène qui gère dans l’Eure plusieurs établissements accueillant des enfants et adultes polyhandicapés et autistes, la ville d’Évreux accueille plusieurs de ces établissements dont une classe dans une école primaire.
Cet échange avec Églantine Eméyé était fort sympathique mais il faut évoquer une des difficultés principales : le manque criant de personnel dans les établissements. Il ne faudrait pas laisser croire qu’il suffit d’un peu d’argent et de bons principes éducatifs. Beaucoup d’équipes savent déjà faire et très bien mais n’ont plus de personnel suffisant… Mieux les payer est certainement une des solutions… Merci quand même d’aborder ces questions.