éducation aux médias, fausses informations

Education aux médias et fausses informations

Combien d’informations vérifiées, sérieuses, données par franceinfo sont mises en doute par certains auditeurs ? Comment expliquer cela ? Pour y répondre, Virginie Sassoon, docteur en sciences de l’information et spécialiste de l’éducation aux médias, est au micro du Médiateur.

 

Comment expliquer cette défiance à l’égard d’informations vérifiées et cette attirance de certains pour les informations fausses ou manipulées ?

« Le registre émotionnel a pris le pas aujourd’hui sur les informations vérifiées, amplifié par la circulation d’informations sur les réseaux sociaux; il s’agit de l’ère de la post-vérité. Depuis son élection, Donald Trump a largement contribué à cette situation qui remet en cause les informations vérifiées et diffusées par les médias.

Exemple autour de la défiance vis à vis des vaccins, défiance qui a toujours existé  (à laquelle a été confronté le Médiateur). En réalité en France, il n’y a que 5 % de la population opposée à la vaccination, mais les  « anti » ont une survisibilité sur internet . Les informations qui remontent dans les moteurs de recherches ne sont pas forcément les informations les plus fiables; c’est pour cela qu’il faut une réelle éducation aux algorithmes, à leur complexité et à leurs résultats ».

 

Le démenti moins percutant que la calomnie
Des spécialistes disent que les émissions qui démontent les fausses informations avec des preuves irréfutables – comme le Vrai du Fake sur franceinfo – ne parviennent pas vraiment à convaincre. Ceux qui, par exemple, ont vu sur Twitter qu’Anne Hidalgo avait été arrêtée à 120 km/h sur le périphérique parisien resteront persuadés qu’on leur cache la vérité, même quand on leur dit que c’était un poisson d’avril  du journal Le Parisien il y a deux ans.

« La déconstruction du mensonge prend plus de temps que la propagation de la rumeur. Il faut éduquer aux médias: vérifier la source, former les citoyens à la crédibilité d’une information, créer du lien entre les médias et l’école.  La Semaine de la presse et des médias dans l’école en est un bon exemple ».

 

L’attirance pour les fausses informations

« Selon le sociologue, Gérald Bronner, « le biais de confirmation », on a une tendance naturelle à vouloir confirmer les idées dans lesquelles on croit, on va chercher une information qui confirme nos convictions. Les réseaux sociaux ont tendance à nous enfermer dans une bulle de confort intellectuel où, dans notre flux d’actualité, les informations confirment nos idées. Les médias traditionnels vont au contraire donner une information, large, plurielle, vérifiée ».

 

 

 

 

Vaccins : pourquoi tant de méfiance ?

Depuis la rentrée, Le médiateur est assailli de messages à propos de deux sujets scientifiques : les vaccinations et les pseudo-sciences. Deux sujets abordés par Nicolas Martin dans son émission « La Méthode Scientifique »

 

 

Vaccins : pourquoi sont-ils si méfiants ?
L’émission de Nicolas Martin posait cette question dans son émission du 18 septembre dernier. En effet, ces deux sujets provoquent des quantités de réactions parfois liées à des peurs irrationnelles. Une émission qualifiée par des auditeurs, comme Jérôme, de « propagande ouverte aux pro-vaccins » et il ajoute : « On informe et on éclaire, ou on joue les porte-parole de la ministre de la Santé ? ».
« Lors de cette émission les deux journalistes invitées ont examiné les doutes et les remises en question de la politique vaccinale et les raisons pour lesquelles en France  plus qu’ailleurs on doute… Combien de vaccins obligatoires, la politique du gouvernement à ce sujet… »

Il y a aussi Vincent, par exemple, qui nous écrit : « Les grands médias, dont France Culture, soutiennent la politique vaccinale du gouvernement et appuient le lobby des grands groupes pharmaceutiques qui veulent simplement grossir leurs bénéfices ». Que peut-on répondre à de telles critiques ?
« France Culture n’est le porte-parole de personne…
Les vaccins ne sont pas ce qui permet de dégager le plus de bénéfices pour les laboratoires. Combien de vaccins obligatoires ou recommandés ? 3 ou 11 ; la plupart des vaccins sont déjà prescrits aux enfants« .

Pas de débat autour de la vaccination sur France Culture ? Pas d’opposants parmi les invités ?
Mais également des réactions inverses, comme celle assez forte de Sami : « J’ai peur de voir fleurir des émissions entre pro et anti-vaccins. Ce concept est pour moi aussi grave que d’opposer à égalité historiens et révisionnistes ».
« Il y a tout de même une forme d’opinion majoritaire qui ne remet pas en cause la vaccination. Les vaccins ont sauvé des millions de vies (notamment la disparition de pathologie grave comme la polio…)« .

Et cette crainte de l’aluminium contenu dans les vaccins ?
les vaccins seraient moins efficaces sans adjuvant. L’aluminium est utilisé dans les vaccins depuis presque un siècle… Il faut mener aussi des recherches pour trouver de nouveaux adjuvants

 

Vaccins : les lobbys et les peurs

Depuis la rentrée, un des sujets sur lesquels le médiateur est beaucoup interpellé concerne le domaine médical et, notamment, les vaccinations. Pour répondre aux auditeurs, Bruno Rougier, journaliste et spécialiste Santé-Sciences de franceinfo.

 

 

C’est incroyable comme ce sujet des vaccins peut susciter des réactions passionnées, souvent chargées de contrevérités et de peurs irrationnelles. Cela rappelle un peu – dans un autre domaine – l’épisode, l’année dernière, des compteurs Linky et le déferlement de peurs liées à de fausses informations propagées sur les réseaux sociaux.

« Les grands médias, dont franceinfo, soutiennent la politique vaccinale du gouvernement et appuient le lobby des grands groupes pharmaceutiques qui veulent simplement grossir leurs bénéfices ». selon cet auditeur, Vincent.  Que peut-on répondre à de telles critiques ?

« D’abord, je l’avoue simplement : je soutiens la politique vaccinale du gouvernement car les vaccins sauvent des vies. Si l’on regarde ce qui se passe en France : avant l’obligation vaccinale, la diphtérie tuait chaque année  3 000 personnes, la polio 200… La situation a totalement changé : on ne déplore aucun décès de la diphtérie dans notre pays depuis 1982, et pour la polio, le dernier décès qui remonte à 1995 était un cas importé de l’étranger… Alors oui, la vaccination sauve des vies. Il est anormal que l’on meurt encore de la  rougeole, et pourtant une jeune fille de 16 ans est décédée de cette maladie l’été dernier à Marseille, elle n’était pas vaccinée….
En revanche, je réfute totalement la seconde affirmation de Vincent selon laquelle France Info appuie le lobby des grands groupes pharmaceutiques. Je fais mon travail en conscience et les dossiers de presse des laboratoires, aussi beaux et illustrés soient-ils me laissent de marbre « 

Revient très souvent dans les messages cette incarnation du monstre moderne que sont, pour beaucoup d’auditeurs, les laboratoires pharmaceutiques. Avec cette question quelque peu provocante d’Odile : « Seriez-vous sponsorisés par les lobbies pharmaceutiques ? »

« La réponse est non : je ne suis pas invité par les laboratoires dans des iles paradisiaques, pas invité non plus dans des restaurants étoilés. Je reçois, comme tous mes confrères spécialistes santé des invitations à des conférences de presse. Et je décide en mon âme et conscience de m’y rendre ou non. Il m’arrive même d’assister à des conférences de presse et de décider ça ne mérite pas un sujet à l’antenne. Je suis donc totalement libre… »

Comment travaille un journaliste spécialiste médical ? A-t-il des rapports privilégiés avec les labos pharmaceutiques ?

« Non, quelques contacts épisodiques lors d’un rendez-vous presse. En cas de crise, c’est vrai que les laboratoires s’adressent à des agences de communication qui nous proposent des argumentaire… A nous d’être suffisamment malins pour trier… C’est d’ailleurs notre travail… En cas de doute, je m’adresse à des spécialistes travaillant dans les hôpitaux ou dans des organismes de recherche publics. Et si je flaire un possible conflit d’intérêt, je regarde dans la base de données publique « transparence santé » dans laquelle tout professionnel de santé est obligé de déclarer les relations qu’il a avec un industriel et les rémunérations qu’il touche d’un laboratoire »

Les récents scandales médicaux ont évidemment renforcé les peurs

« La peur ne date pas d’hier mais c’est vrai que la multiplication des scandales sanitaires n’est pas en faveur d’une confiance aveugle du public envers les industriels »

Comme tous médicaments, les vaccins peuvent présenter des dangers dans certains cas précis et rares

« C’est tout à fait exact, le nier serait stupide… Certaines personnes présentent de véritables contre-indications, d’où l’importance d’avoir une discussion avec un médecin avant toute vaccination. Et puis c’est vrai que peuvent apparaitre des troubles importants… des réactions allergiques graves, un syndrome de Guillain-Barré ou une sclérose en plaques… Des cas très rares mais qui existent. »

Et cette crainte de l’aluminium contenu dans les vaccins ?

« D’abord une précision : cet aluminium est mis dans les vaccins pour augmenter la réponse immunitaire. En clair les vaccins seraient moins efficaces sans adjuvant. L’aluminium est utilisé dans les vaccins depuis presque un siècle, des centaines de millions de doses ont été injectées sans révéler de problèmes majeurs. Mais c’est vrai que cette présence d’aluminium peut avoir des effets chez certaines personnes qui sont génétiquement prédisposées : de la fatigue, des douleurs, des troubles cognitifs. Des études sur des souris montrent des effets neurologiques, il faut donc poursuivre ces travaux…Et mener aussi des recherches pour trouver de nouveaux adjuvants…

La vaccination des bébés

« Je rassure Jérôme, on ne va pas vacciner les bébés d’un coup avec les onze vaccins. Ces 11 vaccins représentent 10 injections qui seront étalées sur 2 ans…
Alors, bien sûr on peut ne pas faire vacciner son enfant amis je rappellerai juste qu’aujourd’hui pour bloquer une maladie infectieuse, il faut une couverture vaccinale de 90 à 95 % de la population…. Si on est au-dessous, les épidémies continuent à circuler et à tuer…. Alors bien sur on peut compter sur les autres mais c’est prendre le risque de voir ressurgir certaines maladies comme c’est le cas en ce moment avec le retour de la rougeole faute d’une vaccination suffisante »

 

 

 

Isabelle Adjani : vaccination et contre-vérités

S’il est bien un sujet, qui, depuis la rentrée, suscite une quantité impressionnante de réactions, c’est le domaine de la santé. Et, notamment, les vaccinations. Le médiateur a reçu un très grand nombre de messages après la première du Grand Atelier de Vincent Josse qui recevait Isabelle Adjani. Vincent Josse et Danielle Messager, chef du service Santé-Sciences-Environnement de France Inter, sont au micro du médiateur.

 

 

Isabelle Adjani a proféré de belles contre-vérités qui ont choqué un grand nombre d’auditeurs, comme Pascale : « Une femme connue ne peut servir d’alibi à la propagation de fausses nouvelles qui met la population en danger ».
Pourquoi cette actrice connue et reconnue a-t-elle voulu aborder un tel sujet ?

« Elle pouvait s’exprimer sur tous les sujets, c’est le principe de cette nouvelle émission ».

 

D’autres auditeurs s’étonnent qu’aucune contradiction n’ait été apportée à ses propos. Pour Daniel : « Isabelle Adjani a pu développer un long plaidoyer anti-vaccin. L’opinion d’une actrice ne mérite pas de peser autant sur un tel sujet. Son prestige peut influencer fortement des auditeurs mal renseignés ».
Comment avez-vous imaginé parler de ce sujet des vaccinations ?

« Isabelle Adjani a pu inviter qui elle voulait ; elle a donc choisi le docteur Gherardi qu’a rencontré l’un des reporteurs de l’équipe du « Grand Atelier ». Mais je ne connaissais pas à l’avance les propos de la comédienne », explique Vincent Josse.

 

Comment peut-on parler de crime contre l’humanité à propos des vaccins comme l’a fait Isabelle Adjani ?

Danielle Messager :  » Malgré tout le respect que je porte à Isabelle Adjani en tant qu’actrice, elle a proféré des contres-vérités, car les vaccins ont sauvé des millions de vies. Concernant par exemple la polio, l’OMS pensait l’avoir éradiquée en 2000, 2005, mais le Nigéria a refusé la politique de vaccination obligatoire (pour des raisons religieuses) et on a pu constater le retour et la propagation de cette maladie,  non seulement au Nigéria, mais ailleurs en Afrique ».

 

L’aveu d’Isabelle Adjani à propos des faux certificats de vaccination de ses enfants a également choqué un grand nombre d’auditeurs. Quel en est l’impact ?

« Il y a effectivement des personnes qui ont recours à ce système, mais ils sont une minorité.
La vaccination est une idée humaine magnifique : la protection de l’humanité.
Exemple : le vaccin contre la grippe a une vertu collective, il stoppe le virus pour les personnes les plus vulnérables ».

 

Prochain Rendez-vous du médiateur sur France Inter le 27 octobre.