L’affaire McKinsey suscite une polémique qui embarrasse certains candidats plus que d’autres, à moins de deux semaines des présidentielles. Analyse de cette affaire, ce 30 mars dans les Matins de France Culture, très appréciés par les auditeurs, avec Caroline Michel-Aguirre , journaliste à L’Obs et co-autrice de l’enquête “Les Infiltrés. Comment les cabinets de conseil ont pris le contrôle de l’État” avec Matthieu Aron (chez Allary Editions, 2022) avec Matthieu Courtecuisse, président de Syntec, un syndicat des professionnels du conseil, et fondateur du cabinet SIA Partner, spécialisé dans le conseil en transformation des organisations et sur les projets informatiques.
Juste pour apporter ma pierre à l’édifice… les collectivités commandent très souvent des études et conseils pour faire dire par d’autres des préconisations de changements qu’elles n’arrivent pas à assumer elles-mêmes. Il est rare que les conclusions des cabinets de conseil apportent de vraies solutions inattendues ; je ne peux bien sûr me baser que sur les études que j’ai pu voir moi-même dans le cadre de ma carrière dans plusieurs mairies. Le cabinet de conseil argumente les décisions qui sont déjà prises et donne le change face aux organisations syndicales. On paye bien cher des informations qu’on avait déjà gratuitement mais les élus légitiment ainsi leurs décisions et sont décomplexés des coupes régulièrement demandées dans les effectifs.
Les cabinets de conseil sont commandités par toutes les collectivités territoriales et d’Etat. La question est : pourquoi ? Premièrement, parce que les agents n’ont soit pas les compétences, soit, et c’est souvent le cas, pas le temps de traiter certains sujets. Deuxièmement : parce que les collectivités sont contraintes dans leurs dépenses de fonctionnement, qui plus est les salaires. On râle sur le nombre de fonctionnaires mais ils ne sont en réalité pas assez nombreux pour appliquer les politiques publiques. Les cabinets sont rémunérés sur les lignes budgétaires de fonctionnement ou d’investissement ce qui permet de détourner les contraintes imposées par l’Europe. Désolée c’est rapide et imprécis car je pars travailler mais cela me semble important à mentionner. Les cabinets coûtent cher en vendant du rêve, (marge sur le budget, références futures etc) c’est pour cela qu’il est important que des agents publics soient en charge de valider ou non leur proposition.
Quelques remarques : 1. Tous les consultants ne sont pas payés plus de 1000 euros /jour : en urbanisme et architecture le prix moyen est de 500-600 euros /jour, et permet de couvrir les frais de structure et pas seulement le salaire direct du consultant 2. La vraie question est la suivante : le recours à des consultants est une perte de compétence de la part des collectivités. Malheureusement beaucoup préfèrent lancer des appels d’offres que recruter des personnes. Cela permet de ne pas augmenter le budget de fonctionnement des collectivités, en baisse suite à la baisse structurelle des dotations globales de fonctionnement aux collectivités. Cela est parfois justifié, besoin exceptionnel de l’état ou d’une collectivité. En revanche c’est dommage quand les besoins sont récurrents de ne pas embaucher. Pour information, beaucoup de consultants souhaitent passer chez leurs clients collectivités mais le nombre de poste limite les possibilités. Attention aux raccourcis et ne pas rentrer dans le jeu des buzz médiatiques. Merci encore pour vos émissions
Vous auriez pu demander quels avantages avaient l’utilisation des consultants, ou bien quelles limites ont ce type de prestations, etc. Je peux vous dire pour ma part que les consultants, pour en avoir utilisé, ont une valeur ajoutée pour accompagner un projet de changement qui suscite des résistances (c’est toujours le cas), en particulier pour contrer ces résistances.
Merci infiniment pour cette émission ce jour. Ce qui arrive est extrêmement grave et ce que vient de dire l’un de vos invités côté cabinets de conseil quant à l’hôpital est scandaleux. Ce langage opère aussi dans le monde de la culture, que je connais, et vient même gangrener la vie littéraire dans son organisation, sa « vie » en somme. C’est terrible. Merci encore
Je réagis à chaud sur au propos entendu ce matin le 30/03 : comment soutenir que le conseil dans le domaine informatique (à savoir comment organiser les services autour des outils informatiques), n’est pas stratégique !!! je suis enseignante dans le supérieur nous le vivons de l’intérieur, les outils proposés sont en fait des outils au service de statistiques qui serviront à surveiller, intervenir sur les productivités etc…les champs à remplir sont autant au service du fond qu’au service d’une évaluation future du travail effectué. Bien sûr qu’ajouter un champ est stratégique, exemple quand on ajoute un champ pour entrer les heures de début et fin d’un entretien, quel est l’intérêt où est l’évaluation qualitative de l’entretien, on cherche bien à quantifier un temps passé au détriment de la qualité, c’est un choix stratégique…Sur ce thème je vous suggère de parler du documentaire (réalisateur breton) « CPAM 3.0 », on peut y constater les conséquences du déploiement informatique sur le travail des agents et à quel point c’est stratégique. Bien cordialement, Virginie auditrice fidèle.
Bravo pour votre émission de ce matin, du bon journalisme, équilibrée dans les intervenants, bien modérée par Guillaume Erner, donc aussi claire que possible pour les auditeurs, malgré l’opacité savamment organisée du domaine abordé : les cabinets de conseil.
Merci Mme Aguirre pour exprimer la réalité et la vérité de ce que nous vivons au quotidien !
Le fond du problème : comment ces entreprises participent de la transformation de l’état sur le modèle de l’entreprise et du management. Une communication bien rodée, un langage technocratique vide et une perte de sens pour les employés et usagers. Merci pour vos émissions.
J’ai bien apprécié ce débat sur le thème des cabinets de conseils. Je regrette de ne pas avoir eu la réponse à la question sur les pratiques managériales dans les hôpitaux car il semble que ces pratiques sont déterminantes sur l’engagement des soignants donc sur l’efficacité de l’hôpital.
Je vous remercie de cette émission sur le secteur publique. C‘était très intéressant (car travaillant dans une institution de recherche étatique allemande, je m’y connais un peu…) et l’exemple des hôpitaux montrait clairement les points cruciaux. Je vous remercie d’autant plus de votre culture de débat (!) que je considère toujours plus ouverte et permissive sans jamais dérailler. Merci à la rédaction et une bonne journée ! Meilleures salutations, une auditrice fidèle allemande