Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France, répond aux interrogations des auditeurs à propos l’annonce de la mort du professeur Luc Montagnier 

Luc Montagnier, prix Nobel de médecine pour la découverte du virus du sida, est mort mardi à l’hôpital américain à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), a appris jeudi l’AFP auprès du maire de la ville Jean-Christophe Fromantin, confirmant des informations de Libération.  

La mairie de Neuilly, qui a assuré disposer de son certificat de décès, a confirmé à l’AFP la mort du chercheur à l’âge de 89 ans.  

Sa mort avait été annoncée mercredi soir par le site France Soir et a finalement été confirmée jeudi par Libération.  

Le virologue, devenu une figure controversée pour diverses théories depuis plus de dix ans et mis au ban progressivement de la communauté scientifique, avait refait parler de lui pour des propos contre les vaccins anti-Covid.   

La mort du professeur Luc Montagnier a été annoncée mercredi par des médias et sur les réseaux sociaux. Ce même jour, peu après 13h, les auditeurs de France Inter, Franceinfo et France Culture ont commencé à faire part de leur étonnement de ne pas entendre cette information sur les antennes du groupe : 

« Si le professeur Montagnier est bien décédé et si je ne me trompe pas, aucune info sur votre radio aux heures de grande écoute concernant la  disparition de ce grand chercheur…. On peut se poser des questions sur votre mission  et sur votre silence ???? » 

« J’ai appris aujourd’hui par une source indépendante le décès du professeur Luc Montagnier le 8 février 2022. Je m’étonne de n’avoir rien entendu sur les antennes de France Inter et Culture, les deux radios que j’écoute.  Apparemment aucun média mainstream n’a relayé l’information du décès du découvreur du virus du sida pour lequel il a obtenu le prix Nobel.  

J’ai lu qu’il avait été à contre-courant de la pensée majoritaire ces dernières années. Je regrette que les journalistes ne dépassent pas ces divergences d’opinion en relayant cette information de son décès. La médecine actuelle lui doit beaucoup. » 

« J’écoute beaucoup France Inter mais je ne pense pas avoir entendu parler du décès du professeur Montagnier qui est pourtant un prix Nobel. On entend tellement de choses : fake news etc…mais là, si vous n’en parlez pas, je vais considérer ma radio préférée d’un autre œil. »

 

En préambule, il est important d’indiquer qu’il n’y a eu aucune volonté de la part des rédactions de « dissimuler »  ce décès au grand public. Il y a eu, en revanche, la préoccupation de délivrer une information exacte, certifiée et validée.  

Pourquoi l’information n’a-t-elle été donnée que jeudi alors qu’elle circulait largement sur les réseaux sociaux depuis la veille ?  

Comme le rappelle Estelle Cognacq, directrice de la rédaction de Franceinfo : « Face à la profusion d’informations, notre rédaction fait de la validation et de la vérification des informations la pierre angulaire de sa stratégie éditoriale. Cette démarche de rigueur peut ralentir la diffusion de l’information mais notre station est prête à l’assumer. » 

Franceinfo assume le choix d’attendre plutôt que de diffuser une information incertaine et « ce processus de validation se fait en transparence avec le public » comme le stipule sa Charte déontologique. C’est hier, à 17h17, qu’une dépêche de l’agence interne de Franceinfo a indiqué: « Le professeur Luc Montagnier est mort mardi, a appris ce jeudi franceinfo auprès de la mairie de Neuilly qui confirme avoir enregistré son certificat de décès. » 

Dans sa Charte déontologique,  Franceinfo suit un protocole de vérification particulièrement rigoureux lors de l’annonce de la mort d’une personnalité, quelle que soit son envergure : « L’information doit émaner d’une source directe : famille, avocat, agent, porte-parole officiel de l’institution pour qui il travaille. Si elle émane d’une source indirecte, celle-ci doit être contactée par la rédaction afin de savoir précisément si elle-même la tient d’une source directe (famille, avocat, agent, porte-parole officiel d’une institution). Si ce n’est pas le cas, l’information ne peut être donnée. » 

« Le problème rencontré, avec cette information c’est que nous n’avions pas de source fiable, explique Matthieu Mondoloni , directeur-adjoint de la rédaction de Franceinfo. Nous ne relayons pas une information donnée par un autre média si lui-même n’a pas une source officielle. Nous avons été confrontés à un vrai problème pour obtenir l’information : le professeur Montagnier s’est fâché avec bon nombre de ses anciens confrères scientifiques, médecins et chercheurs ces dernières années, donc personne n’avait plus de contact avec lui et ne pouvait nous confirmer sa disparition. De son côté, Didier Raoult a fait un tweet mais pour nous cela ne constitue pas une preuve. Dès mercredi, en passant par notre service Science, par notre service Politique, par tous nos systèmes de réseaux habituels nous avons essayé de nous faire confirmer officiellement cette information. Finalement, le maire de Neuilly-sur-Seine, Jean-Christophe Fromentin, a corroboré l’information jeudi après-midi en nous indiquant que le certificat de décès  avait bien été déposé à sa mairie. Cette preuve administrative nous a enfin permis de donner l’information. La simple parole d’un agent de la mairie nous indiquant par exemple que « Luc Montagnier était décédé » n’aurait pas suffi, il nous fallait vraiment la validation par l’enregistrement du certificat de décès.» 

A France inter, on juge cette situation réellement inédite. L’information a été difficile à confirmer comme l’explique également Philippe Lefébure, directeur de la rédaction: « dès mercredi, en milieu d’après-midi, nous avons cherché à vérifier l’information donnée par France Soir. C’est ce que nous faisons, systématiquement, en pareille situation. Mais son entourage professionnel (recherches sur le sida /milieu médical) n’a pas été en mesure de nous confirmer sa mort. Certains contacts parlaient d’une « rumeur », mais ne pouvaient pas en dire plus. Sa rupture avec le milieu scientifique explique, évidemment cette situation.
Sa famille, par ailleurs, n’ayant pas annoncé ou confirmé sa mort (par exemple, auprès de l’AFP, ce qui est traditionnellement le cas pour une personnalité) nous n’avons pas pu donner cette information à l’antenne, jusqu’au moment où la Mairie de Neuilly a confirmé l’enregistrement de son certificat de décès. C’est une situation unique