Bien sûr, ce qui arrive au journaliste emprisonné en Biélorussie est déplorable, mais nous aimerions également entendre la presse et l’UE sur Julian Assange, et Raif Badawi, ainsi que sur les journalistes et lanceurs d’alerte emprisonnés en Turquie, en Chine ou ailleurs, y compris dans les dictatures/régimes autoritaires d’économie libérale (Chili, Colombie…). Les chancelleries occidentales sont bien silencieuses quand il s’agit du fondateur de WikiLeaks torturé en prison au Royaume-Uni ou lorsque la Turquie est concernée ! Un peu de distance critique et d’impartialité ferait le plus grand bien à la rédaction.

Depuis deux jours j’entends des reportages sur cet avion de Ryanair contraint par l’armée Biélorusse d’atterrir à Minsk sans que vos journalistes nous rappellent (mais au fait qu’en savent-ils les pauvres ?) que cette violation des normes internationales n’est pas l’exclusivité des méchantes « dictatures ». Souvenez-vous 2013, l’avion du Président Bolivien Evo Morales, reliant Moscou à La Paz contraint d’atterrir à Vienne (à la demande des USA à la recherche vaine de Snowden dans ses bagages!), – 2016, l’avion civil Biélorusse (tiens, tiens!) contraint de revenir à Kiev (Ukraine) sous la menace de la chasse ukrainienne (les gentils!), pour y extraire l’opposant ukrainien anti-Maïdan, le « méchant » Armen Martirossian! Pour remonter plus loin dans le passé de la France, je vous rappellerais qu’en octobre 1956 l’avion civil assurant le vol Rabat-Tunis a été détourné par l’armée française pour y arrêter cinq dirigeants du FLN Algérien (Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed, Mostefa Lacheraf, Mohamed Khider et Mohamed Boudiaf) qui resteront en prison jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en… 1962 ! Déontologiquement vôtre. Un auditeur à la mémoire longue et… non sélective.

Voici 2 jours qu’on nous parle du détournement d’un avion par la Biélorussie. Ce matin vers 9h15 encore (11h15 Réunion), sur France Inter. L’affaire est grave, j’en conviens. Mais pourquoi alors aucun commentateur ne rappelle qu’en 2013, L’Espagne, l’Italie, le Portugal et la France ont obligé l’avion présidentiel bolivien à atterrir à Vienne, au prétexte que Snowden aurait été à l’intérieur (ce qui n’était même pas vrai) ? Peu de gens s’en sont offusqués alors et ce fut un silence radio pratiquement total. C’est la tête du président Evo Morales qui ne plaisait pas aux rédactions ? Peu importe : il reste qu’il était tout aussi scandaleux d’arraisonner un avion dans lequel voyageait un président d’un pays démocratique, démocratiquement élu, comme s’il s’agissait d’un vulgaire voyou. J’eusse aimé qu’on le rappelât afin de donner la mesure de ce genre d’intervention. Cela dit, le journaliste Bélarus a tout mon soutien, faute de pouvoir faire mieux de ma part.

Peut-on faire un parallèle avec l’arrêt de l’avion de Morales pour y chercher Snowden, l’Europe à indignation sélective ?

Affaire Snowden : une rumeur fait détourner l’avion du président bolivien. Le Parisien
Atterrissage forcé de l’avion présidentiel bolivien en 2013, Wikipédia
Affaire Snowden: Evo Morales empêché de survoler la France et le Portugal. RFI
L’avion du Président bolivien Evo Moralès détourné : le gouvernement français à la botte des États-Unis dans l’affaire Snowden ? Commun commune
Affaire Snowden : les tribulations de l’avion d’Evo Morales, Le Point
Personne n’a crié à la dictature, au totalitarisme !!!!

La France a donné l’exemple en la matière en détournant l’avion dans lequel se trouvait Ben Bella (futur dirigeant de l’Algérie libérée). Oubli ?

Il y a eu des précédents comme un vol d’Amérique avec un supposé « Snowden » à bord forcé de se poser en France.

Serait-ce vraiment le premier détournement d’état ? Souvenez-vous 1956… L’avion d’Air Atlas transportant 5 dirigeants du FLN de Rabat à Tunis et détourné sur Alger par l’armée française pour emprisonner ces opposants… La communauté internationale s’était alors également offusquée contre l’État français !

Un avion de ligne survolant la Biélorussie est intercepté par le gouvernement local. La France proteste mais elle a la mémoire courte. Le 22 octobre 1956, à Alger, la chasse aérienne française oblige l’avion du sultan du Maroc, Air Atlas, à atterrir et fait prisonniers les occupants : Ben Bella, Aït Ahmed, Mohamed Khider, Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf, soit les chefs historiques du FLN, révoltés contre la France. Ben Bella sera le premier président de la République algérienne. Avant de donner des leçons aux autres, il faudrait mieux connaitre sa propre histoire. Les politiques comme journalistes n’ont pas le droit de dire qu’un tel rapt soit sans précédent !

En 1956, la France a intercepté un avion de ligne pour arrêter 5 leaders du FLN…