1. La situation politique de la France
2. Jean-Luc Mélenchon, invité dans le Grand entretien de France Inter
3. Marine Tondelier, invitée de Questions politiques
4. La libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens
5. La non-reconduction des « Informés » le samedi soir, avec les correspondants de la presse européenne
6. » Merci à Catherine Duthu de France Culture »
7. Langue française
– La « schizophrénie » n’est pas une métaphore
– « Jeune fille » à seulement 9 ans ?
« Otages israéliens » versus « prisonniers palestiniens »: le sens des mots
Lundi, au quatrième jour du cessez-le-feu dans une bande de Gaza dévastée par deux années de guerre, le Hamas a remis en liberté les vingt derniers otages vivants qu’il détenait, en échange de la libération par Israël de 1 968 prisonniers palestiniens.
Cette actualité a suscité de nombreuses réactions et certains auditeurs s’interrogent : pourquoi l’appellation « otages » n’est pas employée de manière symétrique pour les Palestiniens, estimant qu’eux aussi devraient être qualifiés d’« otages ».
La distinction entre les expressions « otages israéliens » et « prisonniers palestiniens » ne procède pas d’une préférence éditoriale, mais d’une différenciation juridique solidement ancrée dans le droit international humanitaire édicté par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et par les Conventions de Genève.
Le terme « otage » renvoie à une “situation d’enlèvement et de rétention d’une ou plusieurs personnes en vue d’exercer une contrainte sur une partie adverse”. La prise d’otages est expressément “prohibée”, tant par le droit international que par l’article 3 commun aux Conventions de Genève, en ce qu’elle transforme des personnes protégées, le plus souvent des civils, en instruments de pression. L’usage journalistique du mot « otage » découle donc de la nature même de l’acte : enlèvement, séquestration et instrumentalisation à des fins de négociation ou de chantage.
À l’inverse, le terme « prisonnier » décrit une privation de liberté décidée et exercée par une autorité étatique ou, plus largement, par une partie au conflit disposant d’un cadre juridique de détention. Dans le corpus du droit international humanitaire, la détention peut être légale si elle repose sur une base juridique et si elle respecte “les garanties procédurales et matérielles afférentes”, qu’il s’agisse d’une “incarcération pénale consécutive à une condamnation”, d’une “détention provisoire sous contrôle judiciaire” ou d’une “détention administrative fondée sur des motifs de sécurité”. Le CICR insiste sur la licéité de la privation de liberté en période de conflit, “sous réserve de l’interdiction de l’arbitraire, de l’obligation de contrôle effectif et du respect des conditions de traitement, y compris pour les personnes vulnérables comme les mineurs”.
La différence d’usage entre « otages » d’un côté, « prisonniers » de l’autre résulte donc d’abord de la qualification juridique des faits et non d’une orientation éditoriale. La pratique journalistique vise à coller au plus près des faits établis, en privilégiant la précision terminologique et la contextualisation. Lorsque les éléments factuels le permettent, les journalistes précisent le type de détention et le statut des personnes concernées. Cette rigueur lexicale n’a pas pour objet d’euphémiser la réalité, mais d’assurer l’intelligibilité du débat public en alignant les mots de l’information sur les catégories du droit international humanitaire, telles qu’elles sont rappelées par le CICR et par les Conventions de Genève.
Il est important d’ajouter, avec toute la prudence requise, que le sujet des otages israéliens et des prisonniers palestiniens est d’une sensibilité extrême, comme l’attestent les messages que nous recevons. J’ai pleinement conscience que la présente réponse, volontairement factuelle et strictement arrimée au droit applicable, ne satisfera pas celles et ceux qui contestent jusqu’à l’emploi même du terme « prisonniers » pour qualifier les Palestiniens incarcérés. Mon intention n’est pas de trancher des convictions mais de clarifier les catégories juridiques qui fondent le vocabulaire utilisé.
À cette demande, sur l’emploi de ces termes, s’ajoute, au regard de la situation à Gaza, une attente forte sur la présence des journalistes sur ce territoire. Plusieurs auditeurs s’interrogent sur la possibilité de s’y rendre prochainement, car il a longtemps été interdit à la presse. La question est légitime mais elle engage les conditions d’accès, de sécurité et d’indépendance indispensables à tout journaliste sur le terrain.
Les rendez-vous de la médiatrice sur Franceinfo, France Inter et France Culture
Anne Soetemondt, directrice de l’information internationale de Radio France, répondra aux questions précedemment évoquées demain, à 16h 53, 18h50 et 21h13, dans « Le rendez-vous de la médiatrice » sur Franceinfo. Nous solliciterons également Richard Place, directeur de la rédaction de Franceinfo, sur la non-reconduction cette saison des « Informés » du samedi soir avec des correspondants européens. Des auditeurs regrettent en effet la fin d’un rendez-vous où « la hauteur de vue » et « l’excellent vocabulaire employé » donnaient « de la tenue et de la profondeur » aux débats, au point de susciter un sentiment d’appartenance européenne.
Cette semaine, pendant que l’Histoire, avec un grand H, s’écrit au Moyen-Orient, l’histoire avec un petit h, se poursuit en France…
La situation politique nationale, jugée affligeante par de nombreux auditeurs, nourrit un climat d’écœurement et de sévérité vis-à-vis des élus et de nos gouvernants. Depuis une semaine, nous publions leurs analyses et certains réagissent à ces messages sur le site où l’on peut lire, par exemple, cette interpellation : « Quel réconfort de lire la réaction des auditeurs : ils portent notre voix qui crie dans le désert. Messieurs et Mesdames les députés, écoutez ces voix non pas haineuses, mais critiques et sévères ! ».
France Inter consacre beaucoup de temps à cette actualité, comment la rédaction ménage la diversité des sujets afin de ne pas lasser les auditeurs ? Hier, dans « Le rendez-vous de la médiatrice » Philippe Corbé, directeur de l’information a répondu à cette question ainsi qu’aux nombreuses autres interrogations des auditeurs. Celles-ci portent sur la fréquence des invitations de représentants du Rassemblement national dans la matinale : plusieurs messages jugent leur présence « répétitive » et « disproportionnée » par rapport aux autres formations, donnant le sentiment d’une « surreprésentation » et, pour certains, d’une normalisation. Les auditeurs demandent comment l’équilibre des temps de parole est vérifié et, plus largement, si l’invitation récurrente d’un parti, fût-ce au nom du pluralisme, n’entraîne pas un effet de légitimation.
D’autres s’étonnent qu’un média de service public offre une tribune à des interlocuteurs favorables à la privatisation de l’audiovisuel public.
L’interview de Jean-Luc Mélenchon, lundi dans le Grand entretien sur France Inter, a suscité un flot de réactions : 70 % des messages reçus apportent un soutien total à Benjamin Duhamel en dénonçant une attitude « odieuse » et « insupportable » de la part du fondateur de la France insoumise. Une question revient dans les courriers : « Pourquoi l’invitez-vous ? », le directeur de l’information de France Inter y répond. Rappelons que la mission d’un média de service public est d’entendre les acteurs politiques, en rappelant que le pluralisme n’exonère pas des exigences de civilité dues aux journalistes et aux auditeurs
Des auditrices fidèles de la matinale attirent également l’attention sur la place des femmes à l’antenne, non seulement parmi les journalistes et chroniqueurs, mais aussi du côté des invités. Bien que des voix féminines occupent des cases importantes, certains estiment que les éditos politiques et les entretiens stratégiques demeurent trop souvent confiés à des hommes, et que la parité des invités n’est pas au rendez-vous depuis la rentrée.
Après lecture de ces messages, le service de la médiation a fait les comptes : depuis la rentrée, 28 hommes et 12 femmes ont été invités dans le 7h50 et 29 hommes et 16 femmes dans le Grand entretien. Philippe Corbé a répondu à cette question ainsi qu’aux messages qui décrivent une tendance au “sensationnalisme” dans les tranches d’informations, avec une place accrue accordée aux “faits divers” et aux “micros-trottoirs”.
Également invité, Laurent Goumarre directeur des programmes de France Inter, a détaillé l’intention éditoriale des nouveaux formats. Il est revenu sur l’évolution de « Grand bien vous fasse », devenu « Le Mag de la vie quotidienne », puisque des auditeurs jugent la durée insuffisante pour l’approfondissement des thèmes, il a également évoqué « La Terre au carré » dans laquelle la disparition de certaines rubriques, comme le répondeur, suscite des crispations.
Les programmes sont également au menu du « rendez-vous de la médiatrice » ce vendredi sur France Culture à 14h. En cette semaine où le prix Nobel d’économie a notamment été décerné au Français Philippe Aghion, nous évoquerons l’émission « Entendez-vous l’éco » produite par Aliette Hovine. Des auditeurs regrettent qu’elle ne soit plus programmée qu’une fois par semaine, le lundi à 14 h, y voyant un appauvrissement de l’offre alors qu’il serait nécessaire de renforcer les ambitions pédagogiques dans le domaine de l’économie. Florian Delorme, directeur des programmes détaillera les nouveaux « magazines de société » qui rythment désormais le début d’après-midi avec différentes thématiques et expliquera en quoi ce choix, qui engendre une part de frustration chez les auditeurs qui nous écrivent, vise aussi une diversité d’approches et de formats.
La question des rediffusions sera également évoquée. Des auditeurs déplorent en effet qu’à partir de 21 h, la soirée soit dominée par la reprise d’émissions diffusées dans la journée : « Le Cours de l’histoire » à 21 h, « Le Book Club » à 22 h, « LSD, La série documentaire » à 23 h, au point de ne plus offrir, selon eux, de nouveauté en soirée. Là encore, l’enjeu est de clarifier les arbitrages entre production inédite et valorisation des émissions, de façon à rendre lisibles les raisons qui président à la grille.
Nouveauté dans la grille de rentrée, « Sans préjuger » de Nathan Devers, chaque samedi à 12 h 45, récolte des avis très positifs : les auditeurs qualifient l’émission de « pertinente », « objective », « pédagogique » et « passionnante », saluant la « qualité des questions » comme la « précision des analyses ». Ils se disent séduits par la richesse des échanges entre philosophes, mathématiciens, économistes, sociologues, écrivains ou cinéastes. Nous interrogerons Florian Delorme sur cette option éditoriale : s’agit-il, au-delà de la curiosité intellectuelle, d’une méthode assumée pour lutter contre le cloisonnement des savoirs et produire une compréhension plus fine du réel ?
La journaliste Catherine Duthu sur France Culture
Ce jeudi matin, la revue de presse internationale de Catherine Duthu, sur France Culture, a profondément touché les auditeurs. L’émotion dans sa voix, alors qu’elle évoquait la guerre au Soudan et les enfants victimes, témoigne que, derrière la rigueur et l’exigence journalistiques, il y a des professionnels de l’information affectés par ce qu’ils rapportent. Loin d’affaiblir son propos, cette émotion a renforcé la force et la portée de ses mots. Les auditeurs y ont vu une grande dimension humaine qui rappelle que l’actualité concerne des vies bien réelles.
Bannir l’emploi métaphorique de « schizophrène »
Cette semaine, plusieurs auditeurs réagissent à l’usage du terme « schizophrène » employé par un journaliste, invité sur France Info, déclarant « tout le monde est schizophrène » à propos de responsables politiques, et par un invité du Grand entretien sur France Inter revendiquant sa « schizophrénie » pour parler d’une contradiction personnelle, sans remarques particulières des intervieweurs en retour. Les auditeurs rappellent que la schizophrénie est un trouble psychique très lourd, et que l’employer comme métaphore de l’instabilité, de l’opportunisme ou de la versatilité alimente des représentations fausses et blessantes. L’un, père d’une jeune femme concernée, décrit l’effet de “coup de poignard dans le dos” que provoque cette banalisation à l’écoute de la radio, d’autant plus choquante en semaine de sensibilisation à la santé mentale. Les auditeurs demandent qu’on rappelle explicitement à l’antenne que ce mot ne doit pas servir de figure de style, que la langue française offre de nombreux équivalents non stigmatisants, et que les rédactions fassent preuve de vigilance pour ne pas cautionner, même par silence, une « paresse » de langage aux effets délétères sur l’inconscient collectif.
Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes