Je suis surpris et heurté de la présence du ministre de l’Éducation nationale dans ce débat sur l’assassinat de Samuel Paty et les interrogations sur la laïcité. Je ne crois pas que ce soit sa place dans une émission qui doit développer plus un esprit critique qu’un esprit courtisan. On ne peut pas être à la fois juge et partie. Je ne dénie pas à France Culture le droit d’inviter un ministre mais dans un autre cadre.

Auditeur assidu de l’Esprit public, généralement en podcast, quelle ne fût pas ma surprise ce dimanche d’apprendre la présence d’un invité. C’est peut-être un virage dans l’émission. Mais pour la préservation de l’espace de débat courtois que représente l’émission qui me plaît tant, je ne trouve pas intéressante cette nouveauté. De multiples espaces de ce genre existent déjà et l’Esprit public était assez unique par son absence d’invité. Est-ce l’importance de l’évènement débattu qui en est la cause ? Je l’espère.

Je veux vous faire part de ma vive préoccupation, de mon inquiétude après avoir entendu « L’Esprit Public » de ce dimanche 17 octobre 2021.
Je suis un fidèle de l’émission depuis l’origine. Je suis particulièrement attaché à y trouver quelque chose de rare (d’exceptionnel ?) dans le paysage médiatique. Ce qui en fait le prix, à mes yeux : le format long ; des interventions de plusieurs minutes si nécessaire ; des intervenants contestables peut-être, (qui ne l’est pas ?) mais qui ont pris le temps de la réflexion et qui sont résolus à se conformer à une certaine discipline de la conversation.
Il y a déjà un grand nombre d’émissions de plateau ou autres tables rondes ou autres grills qui consistent à relayer la communication, « servir la soupe » ou/et à « dézinguer » tel ou tel membre du gouvernement, leader politique en campagne ou pas, ou « invité spécial » en tournée de promo éditoriale. Elles sont (je trouve) de qualité variable, certaines me rendent mieux informé et moins bête, plus conscient de la complexité des choses et de la valeur de points de vue ou d’angles différents etc. Mais aucune que je sache qui soit comparable au principe et au format de « L’Esprit Public ». J’espère donc que la formule de ce dimanche 17/10/21, qui aura consisté à offrir une tribune à un ministre en exercice sera une parenthèse unique, sans lendemain. Même si je reconnais bien volontiers que les membres du panel sont des gens d’une qualité particulière et habitués de l’émission.

Je ne savais pas que l’Esprit Public était devenu une tribune pour ministre ; en l’occurrence Jean-Michel Blanquer ! Même si le ministre a des choses intéressantes à dire sur le sujet de la laïcité, vous changez les règles du jeu… et vous donnez cours, que vous le vouliez ou non, au discours communément admis sur la laïcité sans le multi-éclairage qui fait la valeur de l’émission. Merci donc de me faire savoir si cette formule sera reconduite afin « d’adapter mon écoute ».

Quel est l’intérêt de cette émission ? Si c’est une émission sur le thème de la laïcité, est-ce que le ministre de l’éducation en est un des meilleurs spécialistes ? Ou bien est-ce la volonté de donner une tribune à ce même ministre ?

Une heure entière consacrée à un ministre en exercice dans l’Esprit public ! L’indépendance inhérente à la liberté d’information n’est pas respectée, et ce n’est pas la complaisance des intervenants qui y contribuera.

Il me semble maintenant que l’émission se met sur de mauvais rails.
À l’heure où j’écris, la chaîne annonce, en effet, avec force messages que l’invité exceptionnel en sera le ministre de l’Éducation. Cet épisode du dimanche 17 octobre n’a pas encore eu lieu. Je l’écouterai avec attention. Mais le principe même d’un invité politique me paraît un dévoiement de ce que j’attends de l’Esprit public qui est une émission de commentaires. Il y a de nombreuses autres émissions qui soumettent les politiques à des questions. Avec la campagne présidentielle, nous allons en être encore plus abreuvés.
Il me semble donc que l’Esprit public devrait rester lui-même et continuer à prendre de la hauteur avec des commentateurs de qualité.

C’était la seule émission un peu libre. Et c’est fini avec l’invitation d’un ministre (qui ne peut s’empêcher de soutenir son parti). Je suis « désespéré » Et c’est pour ça que je suis obligé de payer une redevance.

Très surpris de votre invité aujourd’hui. Du coup, c’est le 1er dimanche où je refuse d’écouter volontairement votre excellente émission.

A propos de l’Esprit public du 17/10 : Patrick Cohen n’a jamais entendu parler de laïcité pendant sa scolarité parce qu’elle n’existait pas. On avait certes le droit d’être athée mais les prénoms étaient choisis dans le calendrier des saints, les fêtes étaient presque toutes chrétiennes (c’est toujours le cas) et il y avait des petites crèches partout. Et certaines de nos camarades de classe ne venaient pas le samedi. Et tout le monde s’en accommodait. Cacher cette réalité et faire comme si toutes les religions avaient ou étaient traitées à l’identique n’arrange rien.

Au sujet des émissions consacrées à Samuel Paty, un an après, et au sujet de la laïcité en général, je note la différence de traitement de ce sujet entre différents producteurs. J’ai trouvé que France Culture offrait une tribune au ministre Jean-Michel Blanquer (Etre et Savoir (en sept) et L’Esprit public -bien qu’au cours de cette émission, il n’y ait pas eu débat, ni vraiment de dialogue, chacun des intervenants dépliant sa définition de la laïcité ou de l’égalité républicaine, empiétant sur les propos du ministre peu disert et en cela on peut se demander le sens de son invitation dans l’émission…).
L’émission Signes des Temps se démarque des autres, par un traitement allant à l’encontre des orientations données aux enseignants pour gérer le temps de commémoration sans revenir sur l’histoire du drame. L’émission dissèque les circonstances de l’abandon de Samuel Paty par sa hiérarchie (ce que bon nombre d’enseignants avaient déjà subodoré après la tragédie) et donne aux propos du Ministre Blanquer faisant de ce professeur un emblème, la forme d’un déni de réalité. Certains invités étaient plutôt frileux devant la lecture très critique de l’administration, mais la force de la description méthodique de la chronologie des faits et des écrits l’a emporté.
Bravo à cette émission qui travaille toujours à traiter de l’actualité sous un angle différent du commun, en faisant un pas de côté. Une remarque au passage sur la toute dernière intervention de l’historienne -qui veut « réenchanter la laïcité », bien, mais comment et avec qui – affirmant que « l’école est un sanctuaire ». Quel paradoxe dans ce langage là aussi. à mettre en regard avec ce que disait au contraire une autre historienne, Valérie Hanin, dans Etre et Savoir, « c’est important de ne pas réintroduire du sacré dans l’enseignement ».
C’est là qu’on voit que penser l’école est le travail de toute une communauté, enseignants et non enseignants, citoyens et que la réflexion, le savoir partent d’abord du particulier et de l’étude précise des faits Loin des généralités, du discours politique, ou institutionnel, « l’école au centre, l’élève au centre, il faut de la critique, mais aussi une limite à la critique et blablabla. »..Ce que j’attends c’est une recherche documentée, une pluralité de savoirs et d’intervenants et pas toujours les mêmes. Il reste encore des pépites sur la grille, des émissions documentaires ou de réflexion en lien avec l’actualité ou pas, par le biais d’une loupe philosophique, historique, artistique ou sociologique, qui surprennent et qui réjouissent, pour combien de temps ?