Je n’ai pas vu le texte de loi, je ne peux pas dire si certaines de ces craintes sont légitimes ou pas. Ce que je peux affirmer, c’est que la loi Léonetti ne suffit pas dans nombre de cas. Un des plus évidents est la maladie de Charcot (SLA) dont souffrait mon père. Il est mort à la maison, très entouré par les soignants et surtout par nous sa famille jour et nuit. Cela parait le scénario idéal et loin de la solitude que votre invitée, avocate, rapporte, et pourtant ça a été absolument épouvantable.
L’euthanasie permet pour ceux qui le souhaitent d’avoir le choix, c’est-à-dire, dans le cas d’une maladie incurable, mortelle, où la personne perd l’usage de tout son corps et de tout ce qui lui permet de communiquer sa volonté, continuer de maîtriser son destin en ayant la possibilité, non pas l’obligation, de partir avant de ne plus pouvoir rien contrôler.
A la fin, mon père ne pouvait même plus bouger ses paupières pour exprimer quoi que ce soit mais il était conscient. Mon père a eu une dernière réaction quand ma sœur est arrivée du train pour lui dire qu’elle l’aimait et puis il est parti le jour même. Il n’aurait pas supporté un centre de soins palliatifs et refusait l’hôpital.
D’autres maladies provoquent des douleurs intolérables, n’ont pas de traitements, conduisent à la mort et offrir une possibilité de suicide assisté moins chère et moins loin que la Suisse, ça ne serait pas du luxe. Encore une fois, pas un engagement à aller au bout de la démarche, juste une possibilité, qui peut apporter un soulagement psychologique. En Belgique, l’euthanasie est non pas légale mais dépénalisée.

Dans un récit, à la fois bouleversant et très détaillé, diffusé lundi matin sur Franceinfo, un homme raconte comment il a aidé son père à mourir.

Les messages reçus à la suite de ce témoignage révèlent une société profondément divisée sur la question de la fin de vie et du droit à mourir. Ils mettent en lumière la complexité éthique, émotionnelle et politique du sujet, mais aussi la nécessité, pour les journalistes, de l’aborder avec nuance et pluralité de points de vue.

Des auditeurs saluent un témoignage « courageux », « sincère » et « nécessaire », porteur d’une parole trop souvent tue en France. Pour eux, l’aide à mourir, dans des cas de maladies incurables et dégénératives, devrait faire partie des options accessibles, offrant aux patients une forme de liberté et de dignité dans l’ultime étape de leur vie. Ce droit, selon eux, soulagerait autant la personne concernée que ses proches, souvent impuissants face à des souffrances extrêmes.

À l’inverse, d’autres auditeurs expriment un profond malaise. Le traitement serait complaisant et trop descriptif. Ils dénoncent la diffusion de détails concrets sur les moyens de contourner la loi, estimant que cela peut servir de « mode d’emploi » dangereux. Ils s’inquiètent aussi de l’absence perçue de débat contradictoire et redoutent plus globalement une « banalisation de l’acte » et une dérive vers un modèle individualiste et marchand de la fin de vie.

Des auditeurs ont aussi abordé la question sous un angle plus philosophique ou politique : si le droit à mourir peut être envisagé comme un prolongement des valeurs républicaines de « liberté et de fraternité », il ne peut cependant être détaché du contexte social. Dans un monde où les plus fragiles ont déjà difficilement accès aux soins, la légalisation de l’aide à mourir, sans une réflexion de fond sur les conditions de vie et d’accompagnement, pourrait, selon eux, faire glisser le débat vers une pression implicite à « ne pas peser » sur les proches ou la société.


Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction de franceinfo répond aux auditeurs au micro d’Emmanuelle Daviet.

Le présupposé de votre invité dans Les Matins de France Culture mettant sur le même plan l’opposition à l’euthanasie et celle à l’IVG est absurde. Je suis totalement favorable à l’IVG, beaucoup plus réservé pour ne pas dire opposé à l’euthanasie. Habitant en Belgique, je constate un discours de plus en plus ultralibéral à ce sujet : chacun doit faire ce qu’il veut. Mais quand le soin se restreint, d’abord pour les plus pauvres, il n’y a plus choix. Il y a pression sociale à « être digne » et à quitter la scène avant de coûter trop cher à ses proches et à la société. Des personnes qui étaient favorables au suicide assisté alertent aujourd’hui sur les dérives. Les limites sont sans cesses repoussées et les chiffres explosent, au Québec, en Belgique, aux Pays-Bas…
Donnons des moyens à la santé, formons correctement les médecins et laissons-les faire ce qu’ils ont toujours fait : abréger les souffrances insupportables, selon leur conscience et la relation nouée avec son patient.

Je suis pharmacienne et je tiens à remercier l’équipe et bien sur la personne témoignant ce matin du 12 mai sur Franceinfo.
Quel courage de nous raconter cette histoire émouvante de la fin de vie de son papa et des décisions si difficiles à accepter. Leur parcours sincère et impossible en France pour cette démarche.
J’aurais tellement aimé faire et vivre cela avec mon père qui le souhaitait si fortement.
J’aime à espérer que ce formidable médecin qui le suivait, a pu et su l’aider dans ses dernières volontés.
Je suis croyante et pharmacienne et j’espère vivement que cela va évoluer et changer en France pour que chacun puisse choisir… Je vous remercie tous d’avoir osé raconter.

Ce lundi 12 mai 2025, j’ai entendu vers midi sur Franceinfo le « témoignage » d’un homme qui racontait avec de nombreux détails comment il avait assisté son père pour lui permettre de se donner la mort. J’ai pris le « témoignage » en cours de route. Cet homme a donné de multiples détails sur la façon de se procurer la substance mortelle, la façon de permettre à son père de se suicider, son subterfuge pour faire croire à une mort naturelle. La séquence s’est terminée par un commentaire de la journaliste rappelant la peine encourue dans le cas de non-assistance en danger, bien qu’il s’agisse plus d’un homicide volontaire.
Au-delà du cas personnel et avec beaucoup de respect pour les personnes citées, je dois dire ma stupeur à constater qu’une chaîne d’information diffuse un tel message. Il s’agit bien de la description d’un acte criminel et de la façon de procéder pour qu’il soit effectué en toute impunité.
Quelle information juste cela apporte-t-il aux auditeurs ?

J’écoute tous les jours votre antenne, Franceinfo, car habituellement j’apprécie votre traitement de l’info clair sobre et neutre. En ce lundi, je viens d’entendre le reportage de 12h25 sur un témoignage de suicide assisté.
J’ai été très choqué par les détails fournis par le fils de la personne. Je ne trouve que pas que ce type de reportage voyeuriste a sa place sur votre antenne à une heure ou des enfants peuvent écouter. J’ai trouvé le reportage très complaisant avec le sujet traité et fournissant beaucoup trop de détails sur le contournement de la loi pour se procurer le liquide mortel. J’espère que dans les prochains jours vous allez être plus mesurés dans le traitement de ce sujet si délicat.

Je vous remercie Monsieur Lafay d’avoir proposé “Droit à l’aide à mourir : un réel progrès” dans “Questions du soir“ le 12 mai dernier. L’échange qui a suivi témoigne que les confrontations de « valeurs », certes respectables, ne permettent pas d’aboutir à autre chose qu’à un rapport de forces. Vous vous doutez que je ne partage pas celles de l’invité qui ne peut concevoir qu’aider à mourir ne soit pas synonyme de donner la mort et encore moins du rétablissement de la peine de mort ! J’ai apprécié votre réaction à cette énormité significative de ce qui se cache derrière ses cinq distinctions. De ce point de vue, l’approche de l’autre interlocuteur est plus intéressante et pertinente (notamment son invocation de la fraternité), même si elle ne va pas jusqu’à poser la problématique du « principe » (antinomique de la « valeur »), critère essentiel de notre République laïque.
Le droit de disposer librement de sa vie et de l’aide à mourir est en effet un principe contenu dans le principe-triptyque Liberté Egalité Fraternité. Confrontés tous sans exception depuis l’âge de trois ou quatre ans à la double conscience (biologique et psychique) de notre mort (Egalité), nous disposons de la possibilité de choisir (Liberté) notre manière de vivre ce seul moment exclusif qui fait de nous des frères de solitude (Fraternité). Le « vrai » débat est là.