1. La pédocriminalité dans l’église catholique
2. La mort de Bernard Tapie
3. Éric Zemmour
4​​​. Solenn de Royer, invitée du 7h50 sur France Inter
5. François-Xavier Bellamy dans Questions politiques
6. Valérie Pécresse, invitée du Grand entretien de France Inter
7. Marylin Maeso, invitée du Grand entretien de France Inter
​​​​​​​8. « Avec les Afghanes », journée spéciale sur France Inter
9. Coup de cœur des auditeurs : Chékéba Hachemi dans Boomerang
11. La langue française
12. Pêle-Mêle de messages d’auditeurs de France Culture et France Inter

La place des hommes 

Au menu de cet édito : Éric Zemmour, Bernard Tapie, la pédocriminalité au sein de l’Eglise catholique 

Présence d’Éric Zemmour 

Poids lourds de la politique ou « simples citoyens”, une trentaine de candidats se sont déclarés à la présidentielle de 2022. La liste définitive ne sera connue qu’au printemps car, pour se présenter au premier tour, ces candidats doivent obtenir l’investiture de leur parti – pour ceux qui s’inscrivent dans ce schéma- et le soutien de 500 élus issus de 30 départements et collectivités différents. Ces parrainages d’élus doivent ensuite être validés par le Conseil constitutionnel. 

Dans cette course à l’Elysée, celui qui fait le plus parler de lui n’est pas encore déclaré mais occupe largement le terrain médiatique depuis la rentrée, au grand dam des auditeurs qui nous écrivent : 

« J’aimerais faire savoir que je trouve particulièrement choquantes les « informations » diffusées ou relayées quasi quotidiennement sur toutes les chaînes de Radio France à propos de la moindre intervention, déclaration, gesticulation d’Éric Zemmour, ou sur les intentions de vote qu’il recueille (c’est le meilleur moyen de les faire grimper encore). Je trouve cette accumulation d’autant plus scandaleuse que la plupart des journalistes de Radio France affichent une vertu civique et républicaine inoxydable si j’ose dire. Il faudrait être cohérent et cesser la valorisation de personnages suspects. » 

« Je ne peux m’empêcher de constater que ces dernières semaines vous avez attrapé la malheureuse Zemourrite aiguë qui n’a déjà que trop atteint le reste des médias. Je vous pensais au-dessus de cela. Moi non plus je ne porte pas cet individu dans mon cœur, mais le citer chaque jour sur tous les sujets, même si c’est pour démonter son discours, cela devient contreproductif. Nous ne devrions même pas parler de cet homme, il ne doit être qu’insignifiant et ne pas avoir voix au chapitre. » 

« Je ne comprends pas du tout ce qui se passe sur France Inter et Franceinfo, on peut y ajouter les chaînes publiques de télévision. Il ne se passe pas 3 minutes (lors de la diffusion de sujets politiques) sans que l’on parle de M. Zemmour. Personne que j’évite personnellement le plus possible. Au secours ! M. Zemmour doit se taper les mains sur les cuisses ! Sans candidature officielle et donc sans frais de campagne, on lui déroule le tapis rouge. Qu’on en parle, soit, mais pas en continu ! Cela me paraît complètement disproportionné. On fait son jeu. Ce n’est pas ce que j’attends du journalisme. Je ne suis pas un râleur, pas un commentateur sur Facebook, mais merci de m’entendre. Nos journalistes ont perdu la boussole. Je suis choqué. Parlons des autres candidats. »  

« Vous êtes sérieux là ? Quasiment la moitié de l’émission sur Zemmour et à aucun moment vous êtes capables de vous interroger sur la bulle médiatique qui le pousse sur le devant de la scène ? Réveillez-vous ! » 

Le polémiste tutoie désormais le second tour dans un sondage et les rencontres autour de la promotion de son livre s’apparentent à des meetings où il est accueilli aux cris de « Zemmour président ! ». Ce sont les faits. Sondages en progression constante, débats avec différentes personnalités, soutien de Jean-Marie Le Pen, cette dynamique est alimentée par la parfaite connaissance des rouages journalistiques par le principal intéressé. Qui mieux qu’un polémiste aguerri est capable de fixer l’agenda du propos qui fera débat ? Avec une régularité de métronome, Éric Zemmour distille, au fil de ses interventions « la phrase » qui sera commentée, analysée, disséquée : choix des prénoms, rôle de Pétain qui aurait sauvé des juifs, fascisme italien et nazisme qui seraient des mouvements issus de la gauche, méthodes du ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer comparables à celles du médecin nazi Josef Mengele… les choix thématiques pour investir l’espace médiatique relèvent d’un calendrier narratif clairement établi. Peut-être sait-il déjà quelle formule fera polémique la semaine prochaine, dans quinze jours et à la fin du mois… Dans son cheminement, rien n’est gratuit, tout est cohérent. Cela s’appelle une stratégie. Cela s’appelle un calendrier. Sa rigoureuse maîtrise des dates autorise même un goût pour la confusion quant à l’intention électorale, Éric Zemmour reconnaissant lui-même : « C’est mon intérêt de faire durer l’ambiguïté ».  

Quel traitement éditorial accorder à ce personnage qui déplie des thèmes pour la campagne présidentielle sans être officiellement candidat ? Un personnage clivant, qui nourrit la curiosité, l’adhésion ou choque par ses propos. Un personnage qui, au-delà de ce que l’on en pense, alimente le champ du « nouveau », principe fondamental de l’exercice journalistique qui peut se révéler être un piège. 

Pour les auditeurs -qui nous écrivent- la réponse est simple : il faudrait ne pas en parler. Ce choix, qui écarte la nuance, ne peut être retenu. La raison même du métier de journaliste consiste à dire le réel et à décrypter l’actualité. On ne peut pas faire comme si Éric Zemmour n’existait pas. Lorsqu’un invité est présent en studio la question peut lui être posée sur la manière dont il analyse ce phénomène ; ainsi ce vendredi matin, dans le Grand entretien de France Inter, Jérôme Cadet qui animait le 7/9 a demandé à Marylin Maeso, professeure de philosophie : « Faut-il débattre avec Éric Zemmour pour contrer ses idées au risque de le légitimer ou bien l’ignorer et assister à l’épanouissement de ses idées dans l’espace public ? ».  

C’est le plus souvent à l’occasion des entretiens dans les émissions politiques que l’évocation d’Éric Zemmour est reprochée par les auditeurs. Ces derniers auront noté qu’il n’y a guère sur les antennes de reportages consacrés au polémiste. Éric Zemmour n’a pas été invité à Radio France mais s’il se déclare candidat, il le sera dans le cadre réglementé du temps de parole mis en place lors de toute campagne présidentielle. 

Parallèlement, les sondages accentuent un processus de légitimation. A ce sujet, l’interview de Brice Teinturier, samedi 2 octobre sur Franceinfo, est éclairante. Interrogé après la publication d’un sondage montrant une envolée des intentions de vote pour le polémiste, le directeur général délégué d’Ipsos, a expliqué pourquoi son institut sondait les Français sur Éric Zemmour, alors qu’il n’est pas candidat : « Dans un premier temps, nous ne l’avons pas inclus dans nos intentions de vote. Ensuite, plus les signaux et les phrases du principal intéressé allaient dans le sens d’une déclaration de candidature, plus il nous a semblé intéressant de mesurer si le phénomène existait. (…) Je crois qu’il est légitime aujourd’hui, compte tenu des messages envoyés par la personne elle-même, au moins d’envisager le cas de figure de sa candidature. » 

Pour Brice Teinturier, il ne s’agit pas d’une montée artificielle : « Je crois qu’il est important de voir si cette candidature n’a aucune chance ou si au contraire elle rencontre un écho dans l’opinion, et là incontestablement quand vous avez ce que nous mesurons, ce n’est pas de la création artificielle, ce n’est pas le sondage qui fait le résultat d’Éric Zemmour. C’est Éric Zemmour, son positionnement et ses déclarations relayées par les médias qui font le résultat que nous mesurons ensuite auprès des Français. » 

En somme, les sondages incluent Éric Zemmour dans les intentions de vote car il est évoqué dans les médias qui eux-mêmes commentent les sondages traduisant sa progression continue, chacun accentuant ainsi la surmédiatisation.  

Tous ces aspects sont régulièrement évoqués dans les conférences de rédaction des chaînes dont le rôle consiste à veiller à un traitement éditorial qui reflète au plus près la réalité de ce début de campagne présidentielle.   

Mort de Bernard Tapie 

L’ex-homme d’affaires, président de l’Olympique de Marseille, acteur, chanteur, patron de presse, Bernard Tapie, est mort dimanche à 78 ans d’un cancer dont il souffrait depuis 2017.  

A la fin des années 80, Bernard Tapie a connu une ascension politique fulgurante, jusqu’à devenir ministre, sans cacher ses ambitions municipales à Marseille pour 1995, voire présidentielles avant d’être atteint par les affaires judiciaires qui ont, avec la maladie, rythmé la fin de sa vie. 
Le litige entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais au sujet de la revente d’Adidas est désormais éteint. La justice, saisie en appel, aurait dû se prononcer mercredi sur l’arbitrage controversé rendu en sa faveur en 2008. 
Ses obsèques ont eu lieu ce vendredi matin à Marseille, en la cathédrale de la Major, avant une inhumation au cimetière de Mazargues, à quelques encablures du stade Vélodrome, le berceau des exploits de l’OM. 

La vie « romanesque » et « menée tambour battant » par Bernard Tapie n’a pas eu l’heur d’émouvoir les auditeurs et le traitement éditorial qui a suivi l’annonce du décès du « boss », « du phénomène », du « battant » a suscité de nombreux mails critiques. Les auditeurs estiment que la place accordée à cette disparition a été surdimensionnée au regard de ce que cet homme a réellement apporté au pays : 

« J’ai écouté hier toute la journée l’hommage fait à ce soi-disant grand homme, à ce monument pour employer vos termes. Je trouve tous ces éloges totalement inappropriés face à cet escroc, cet homme sans scrupule, condamné plusieurs fois, qui n’a pas hésité à licencier, fermer des entreprises. Tous ces éloges parce que ce monsieur a fait gagner l’OM. Quelle honte !!! Je ne me souviens pas qu’il y ait eu un tel engouement et une telle avalanche de commentaires aussi élogieux lorsque l’Abbé Pierre est mort, lui qui a mis toute sa vie au service des autres. Je pense qu’il est important que vous revoyiez votre classement des grands hommes. »  

« Je suis scandalisée par l’éloge que j’entends depuis ce matin de Bernard Tapie qui a été condamné en justice pour des faits graves. Ce n’est pas parce qu’un homme est mort que l’on doit lui rendre ainsi hommage, au mépris de tous les concitoyens qu’il a spoliés. Heureusement que j’ai pu entendre sur Franceinfo Éric de Montgolfier qui a quelque peu rétabli les faits et sauvé l’honneur des médias… »  

« Je m’étonne de la couverture du décès de Bernard Tapie par France Inter et France Culture les dimanches 3 et lundi 4 octobre. Il est naturel d’en informer les auditrices et auditeurs et de respecter la douleur de la famille. Pour autant, était-il nécessaire de nous infliger autant de panégyriques et d’évoquer dans des termes pudiques ses condamnations judiciaires ? Cette personnalité n’a rien apporté de durable à la vie politique française si ce n’est de nourrir le sentiment du « tous pourris ». Il me semble que cette couverture louangeuse participe à la diffusion d’un message dangereux : « Vous voulez réussir dans la vie, gueulez, insultez, fraudez le fisc et détournez des fonds ! La République est miséricordieuse si vous savez l’amuser. » J’aurais attendu de Radio France un point de vue plus critique et mesuré. »   

« Bernard Tapie la magouille, un héros ? C’est quoi cet hommage tonitruant à Bernard Tapie ? C’est quand même un personnage, certes ambivalent, mais qui a été condamné à de la prison, qui a détourné de l’argent, a participé, à de nombreuses malversations ! Quelqu’un qui a laissé croire qu’il était du côté du peuple, mais qui n’était que « populiste » ! De surcroît en quoi était-il un « héros » ? » 

Un grand nombre de sujets consacrés à Bernard Tapie sont rassemblés dans cette Lettre. Cette synthèse permet de constater un équilibre dans le traitement éditorial et que la part d’ombre du personnage n’a pas été éclipsée. En revanche, la multiplication des sujets a pu, en effet, produire un effet de saturation pour les auditeurs. 

La pédocriminalité au sein de l’Eglise catholique 

Déflagration pour l’Église catholique de France et au-delà : la Commission Sauvé, qui a enquêté sur l’ampleur de la pédocriminalité, a publié mardi ses conclusions accablantes, estimant à 216 000 le nombre de victimes mineures de clercs et de religieux depuis 1950. 

Si l’on ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Eglise (enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse…), le nombre grimpe à 330 000, a indiqué Jean-Marc Sauvé en dévoilant les conclusions de la Commission indépendante sur les abus dans l’Eglise (Ciase). La Commission demande une « réparation » financière à toutes les victimes de violences sexuelles en son sein depuis 1950 en France. 

Le traitement éditorial de ce scandale n’a suscité aucune remarque négative de la part des auditeurs. En revanche l’affaire les fait vivement réagir. Les messages très argumentés, étayés, traduisent l’ampleur de l’indignation et les multiples questions que pose la pédocriminalité au sein de l’Eglise catholique. Nous avons divisé les réactions en deux thématiques. La première concerne les réactions diverses suscitées par le rapport Sauvé. La seconde thématique aborde le célibat des prêtres, question la plus sensible relevée dans les courriels dont nous publions une courte sélection ici :  

« Très fatiguée ce matin d’entendre une nouvelle fois que le célibat des prêtres serait peut-être une solution aux agressions sexuelles dans l’Eglise… Ainsi, la gentille épouse (ou le gentil époux, n’ayons peur de rien.) serait donc un réceptacle à sperme dont la présence éviterait à la société entière la transformation du mâle en violeur ?  
Beaucoup d’hommes souffrent de misère sexuelle sans pour autant tous se transformer en agresseurs. Quant à la pédophilie, sans être psychiatre ni docteur, j’ose avancer que ce n’est pas un simple désir sexuel qui n’aurait pas trouvé destinataire et se rabattrait ailleurs.  
La fin du célibat des prêtres, bien sûr que je suis pour (certains ne nous ont pas attendus pour vivre leurs histoires d’amour.), mais pas si c’est pour accueillir avec cynisme le retour du devoir conjugal, ou pire, la pédophilie, moins gênante, car plus silencieuse encore dans la famille… !!! » 

« Je suis agacée quand j’entends parler des abus sexuels dans l’église sans qu’on rappelle que la pédophilie est une perversité qui ne sera pas résolue seulement en autorisant les prêtres à se marier. Ce type de pervers a comme particularité d’avoir du plaisir aussi en manipulant les victimes et en faisant de leurs proches des soutiens. » 

« La pédophilie, ce n’est pas de la sexualité. Le célibat ne mène pas à la pédophilie. La pédophilie a aussi lieu avec des couples mariés. Donc la fin du célibat des prêtres ne résoudra guère cette question. »  

« Je suis une fidèle auditrice de votre radio. Face aux révélations de ces atrocités commises, et après avoir écouté votre émission, la proposition d’un de vos intervenants est de marier les prêtres. Je ne suis pas de cet avis. La pédophilie n’a rien à voir avec une union avec un homme ou une femme ; la pédophilie est un crime. En admettant que ses hommes se marient ; ils ont peut-être été victimes eux-mêmes de pédophilie et sans aide ne pourront pas s’en sortir ; s’ils ont des enfants le risque, peut-être de déplacer le curseur sur leurs propres enfants… Ce sont des personnes qui doivent être soignées. » 


La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) catholique en France, préconise d' »évaluer, pour l’Eglise de France », la question de l’ordination d’hommes déjà mariés, afin qu’ils deviennent prêtres. Cette réflexion avait été examinée au Synode d’Amazonie à l’automne 2019, avec la perspective de favoriser la présence de prêtres dans les régions reculées d’Amazonie. Cette proposition n’avait pas été retenue par le pape, très attaché au célibat des prêtres. 

Quoiqu’il en soit ce sujet a fortement mobilisé les auditeurs cette semaine, et leur intérêt manifeste pour ce fait sociétal invite à penser que toute émission sur la question sera de nature à nourrir leur réflexion. Les auditeurs peuvent retrouver ici toutes les émissions, reportages et interviews consacrés cette semaine au rapport Sauvé sur les différentes antennes de Radio France.  

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Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes de Radio France