1. Le Covid long
2. Éric Zemmour, invité de la matinale de France Inter
3. L’omniprésence d’Éric Zemmour dans les journaux d’information
4. « Les convois de la liberté »

5. Les Jeux Olympiques d’hiver à Pékin
​​​​​​​6. Le jubilé de la reine Elizabeth II
7. Le conflit Ukraine – Russie
8. Quelles alternatives aux Ehpad ? 
9. Pêle-Mêle de remarques d’auditeurs
10. La mort du professeur Luc Montagnier

11. « Livre et Châtiment » sur France Inter
12. « L’Open Panthéon » sur France Culture
13. La langue française

Annette, Olivier, Nabil, Paola… 

…Joël, Isabelle, Vasco, Manon, Karim, Sarah, Tony, Jennifer, Jean-Pierre, Aïssatou, Emile, Katie, Ismaël, Nicole et des centaines d’auditrices et d’auditeurs de France Inter se sont sentis profondément insultés par les propos d’Éric Zemmour, invité dans la matinale lundi 7 février : 

« Je suis choquée par l’attitude, les propos et le manque de respect de M. Zemmour vis à vis des journalistes de France Inter. Je me suis sentie moi-même insultée en temps qu’auditrice de votre radio. » 

« Ses propos insultants, manquaient de toute objectivité, d’abord envers ces journalistes et également envers les millions d’auditeurs qui promeuvent une radio de qualité, et Radio France en est une démonstration. Je suis fidèle à France Inter depuis près de 50 ans et ne me souviens pas d’un désaccord d’interprétation apportant un tel mépris, une telle violence verbale. »  

« Au-delà des médias eux-mêmes, ce candidat insulte aussi les gens qui les écoutent. Son intolérance et son agressivité et ses outrances nous menacent et nous atteignent tous. Indignez-vous !! Avec tout notre soutien, énergique, et s’il le faut, militant. ». 

Rappel des faits 

Lors de son meeting à Lille, le samedi 5 février, Éric Zemmour s’en est pris à France Inter en dénonçant sa « propagande immigrationniste, woke et décoloniale (…) qui n’hésite pas à insulter les Français qui ne pensent pas comme eux ». Deux jours plus tard, le candidat du parti Reconquête ! a réitéré ses accusations sur l’antenne de France Inter lundi matin à l’occasion de son invitation dans la matinale spéciale « Elysée 2022 – Les candidats face à la matinale » : « Je ne veux pas que les Français payent pour une radio et une télévision qui font de la propagande anti-française, immigrationniste, LGBT, et woke. Donc nous supprimerons la redevance et nous privatiserons France 2 et France Inter. » 

Cette déclaration a suscité un tombereau de courriels d’auditeurs, qui ont aussitôt apporté leur soutien à la chaîne : 

« Tout mon soutien aux journalistes de France Inter. Je paie avec bonheur et fierté les impôts qui alimentent la radio publique. Merci à vous. »  

« Suite à l’entretien avec Éric Zemmour, je vous renouvelle toute ma confiance pour la qualité de vos émissions, pour votre respect des diversités. France Inter représente très dignement le service public. Merci à vous tous ! » 

« Je suis « auditrice » depuis des décennies. Est-ce que vous pourriez mettre en place « un droit de réponse » des auditeurs de France Inter afin que l’on puisse exprimer notre désaccord total pour cette suppression inacceptable et intolérable dans une démocratie ? Merci à France Inter, à tous les journalistes pour vos émissions. » 

Parmi les centaines de messages reçus, mentionnons celui-ci au caractère inhabituel : 

« N’ayant pas de télévision, je ne paie pas la redevance télévisuelle. Or, étant assidu d’Inter, je souhaiterais faire un don équivalent du montant de cette redevance directement à France Inter.  Comment puis-je procéder ? Merci, Un fidèle auditeur » 

Après avoir échangé avec la Direction financière de Radio France pour savoir si un don était possible, nous avons contacté cet auditeur afin de le remercier et lui indiquer que sa demande était recevable. Il s’est dit : « ravi de pouvoir faire ce don, décidé après avoir entendu les propos d’Éric Zemmour lundi matin sur l’antenne de France Inter. C’est une modeste contribution à notre service public, à l’heure où il est menacé par certains politiques, cela me semble d’autant plus juste et nécessaire », a précisé cet auditeur de 34 ans, disposé « à se mobiliser davantage si nécessaire ».  

Dans le flot de mails reçus, de nombreux auditeurs ont également salué la tenue de l’interview : 

« A Léa Salamé et Nicolas Demorand,   
Merci et bravo pour votre grand professionnalisme. Recevoir un personnage qui menace le service public de disparition et crache sur celles et ceux qui remplissent leur mission avec talent et garder son sang-froid comme vous l’avez fait, force mon admiration.  
J’ai souffert pour vous de l’autre côté du micro mais apprécié le travail de toute l’équipe qui en le laissant s’exprimer clairement met en évidence sa vision faussée, haineuse, archaïque et dangereuse du monde. »  

« Une seule chose : merci pour votre professionnalisme et votre sang-froid. Par vos questions et les réponses qui ont été apportées, je pense que nous avons bien compris la force et les limites de cette candidature » 

« Bravo à l’équipe du 7/9 qui a su poser les bonnes questions à Eric Zemmour. Longue vie à France Inter, France 2 et tout le service public !! Nous résisterons et nous vous soutenons ! » 

Après cette matinale, Sibyle Veil, PDG de Radio France, a tenu à faire cette déclaration : 

« Samedi, un candidat à l’élection présidentielle s’en prenait violemment à France Inter lors d’un meeting. Ce lundi, ce même candidat était durant plus d’une heure l’invité de la matinale de France Inter. 
Le service public appartient à tous et chacun peut exprimer des attentes ou des critiques à son égard. Mais la critique ne se confond pas avec l’invective : celle-ci reste rarement sans conséquences. Les violences à l’encontre des journalistes qui se multiplient dernièrement dans notre pays en sont la preuve. 
C’est pourquoi j’en appelle à la responsabilité dans cette campagne électorale afin que ce moment important pour notre démocratie se déroule de manière respectueuse. Nos radios publiques ne dévient pas de la ligne de conduite qui a toujours été la leur : des antennes pluralistes où la diversité des courants de pensée peut s’exprimer, une déontologie de l’information libre et fiable, une conception du débat public apaisé, exigeant et respectueux des personnes. C’est cette éthique du service public qui fonde la confiance des 15,5 millions de Français qui nous écoutent quotidiennement. » 

Les auditeurs ont également pu écouter la réaction de Sibyle Veil dans le 13h de France Inter, au micro d’Alexandra Ackoun, spécialiste médias de la chaîne. 

De son côté, face à la récurrence de ces attaques, la Société des Journalistes de Radio France s’est associée aux propos de la PDG de Radio France, Sibyle Veil, ainsi qu’à ceux de la directrice de France inter, Laurence Bloch, regrettant « ces déclarations qui créent un climat de violence et de tensions inacceptables ».  La SDJ précise :  

« Au-delà des journalistes de Radio France, de France Télévisions, d’Arte, de RFI, de TV5 Monde et de France 24, c’est en effet la presse dans son ensemble qui subit les conséquences de ces diatribes. Pendant qu’Éric Zemmour, à la tribune, faisait huer l’audiovisuel public, un militant a craché au visage d’une journaliste de LCI. D’autres se font régulièrement insulter par les partisans du candidat.   
Rien ne peut justifier que l’on s’en prenne à des journalistes dans l’exercice de leur métier. Les mots prononcés à la tribune peuvent avoir des conséquences. La SDJ de Radio France demande donc à Éric Zemmour de cesser d’attiser la haine envers la presse, et de condamner les insultes et les agressions commises contre les journalistes pendant ses meetings. »  

Des auditeurs ont également fait part de leur incompréhension quant à cette invitation :   

« J’écoute France Inter depuis 35 ans, j’en ai 63. Je m’adresse très rarement à vous mais j’aimerais avoir un retour sur mon interrogation. Je sais que l’on est en campagne électorale et que France Inter respecte la liberté d’expression mais êtes-vous obligés de l’inviter ? Quand vous faites cela ne participez-vous pas à sa banalisation. Zemmour vous tape dessus, se permet de vous insulter. Vous n’invitez pas tous les candidats et même si dans les sondages 12% des votants disent voter pour ce monsieur, êtes-vous obligés de lui donner la parole plus d’une heure ? » 

« Je ne comprends pas tout ce temps laissé à ce type ce matin, jusqu’à 9:30 ! Quelle est la stratégie ? Où est l’égalité du temps de parole ? Pour vous faire insulter et laisser dire que vous insultez les Français, vos auditeurs ? Et bien, auditeur assidu, là oui, je me sens insulté ! » 

« Je voulais vous faire part de ma stupéfaction concernant la place que vous donnez à E. Zemmour dans l’émission du 7/9 de lundi. Il est candidat mais n’a pas ses signatures. C’est épouvantable de laisser tant de temps de paroles à ces politiques qui font tant de mal. Ils réduisent le débat et installent la violence, la haine, la division. Je suis déçue que ma radio préférée lui fasse une telle place. » 

« Je me permets de vous faire part de mon indignation, je suis outré de votre invitation à ce personnage, c’est une honte de l’inviter sur une chaîne à grande écoute, de permettre à ce personnage de déclamer ses mots. Surtout ne venez pas prétexter parce qu’il est candidat qu’il a droit à la parole, votre honneur serait de ne pas l’inviter. » 

Rappelons que le pluralisme des idées est garanti sur les antennes de Radio France, quand bien même ces idées viennent questionner la légitimité du service public. A Radio France, le pluralisme n’est pas à géométrie variable. Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, le pluralisme politique est essentiel pour garantir à chacun une information politique diversifiée. À travers les interviews, en donnant la parole aux représentants des formations politiques, les rédactions de Radio France enrichissent le débat public, nécessaire pour nous éclairer, en tant que citoyens et électeurs. Les antennes de Radio France – et c’est ainsi pour toutes les radios et télévisions – sont tenues de respecter le pluralisme politique prévu par la Constitution, la loi et les règles de l’autorité de contrôle. Tout au long de l’année, les temps de parole politique sont relevés et transmis chaque mois à l’Arcom, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Comme le souligne Jean-Christophe Ogier, Adjoint au Secrétaire général de l’information de Radio France : « Au sens où l’entend l’Arcom, la campagne présidentielle 2022 a commencé le 1er janvier. Depuis cette date, il faut relever de manière spécifique les « temps de parole » de tous les candidats et de leurs soutiens. On désigne sous le terme de candidats toutes les personnes qui font acte de candidature et celles qu’un faisceau d’indices suffisants permet de considérer comme tel. C’est ainsi que l’année a commencé avec une trentaine de candidats présumés ou déclarés. » 

Les règles en vigueur pour les temps de parole sont à lire ici

De son meeting à Lille samedi dernier à son passage dans la matinale de France Inter lundi, Éric Zemmour a donc suscité des centaines de messages de la part des auditeurs, commentant non seulement ses prises de position par rapport à France Inter mais également son programme.  Nous vous en proposons une sélection dans cette Lettre. 

Les Jeux Olympiques de Pékin   

Les 24e Jeux Olympiques d’hiver de Pékin se sont ouverts le 4 février dernier dans un contexte lourd de polémiques sur les droits humains en Chine et le recours à une neige 100% artificielle sur les sites olympiques : 

Le 20 janvier, l’Assemblée nationale française a adopté une résolution dénonçant le  » génocide » des Ouïghours par la Chine, à l’instar de textes similaires adoptés aux Pays-Bas, au Royaume-Uni ou encore au Canada. Une décision qualifiée d’” ingérence grossière dans les affaires intérieures chinoises » par son ministère des Affaires étrangères.  
Des études occidentales, fondées sur des interprétations de documents officiels, des témoignages de victimes présumées et des extrapolations statistiques, accusent Pékin d’avoir interné dans des  » camps » au moins un million de personnes, majoritairement ouïghoures, d’effectuer des stérilisations et avortements  » forcés » ou encore d’imposer du  » travail forcé« .  

La Chine dément ces accusations et présente les  » camps » comme des  » centres de formation professionnelle » destinés à éloigner les habitants de l’extrémisme religieux. Ils seraient désormais fermés car tous les  » étudiants » auraient  » achevé leur formation« .  

Pékin est également critiquée pour son contrôle de la liberté d’expression au Tibet, territoire conquis en 1951 par la Chine, où des émeutes anti-chinoises s’étaient produites en 2008. A Lausanne, un demi-millier de Tibétains ont d’ailleurs manifesté jeudi 3 février devant le siège du Comité international olympique (CIO) pour dénoncer les « Jeux de la honte ».   
Quant à Hong Kong, la reprise en main chinoise s’est plus récemment traduite par une répression drastique de toute dissidence, après des manifestations massives de la population. Un militant pro-démocratie de Hong Kong a été interpellé vendredi dernier pour  » incitation à la subversion » avant une manifestation programmée contre la tenue des Jeux Olympiques.  

Autre polémique, celle sur l’impact environnemental de ces Jeux qui se disputent dans un climat semi-aride, sur des pistes enneigées artificiellement dans des stations de ski surdimensionnées pour l’occasion.  

Autant d’éléments qui font vivement réagir les auditeurs de toutes les antennes : 

« Je trouve assez bizarre la promotion des JO d’hiver sans en mentionner l’impact écologique désastreux, avec notamment de la neige 100% artificielle, ainsi que l’enfer des Ouïgours. » 

« Votre radio égrène toutes les heures à travers ses bulletins d’information les résultats de « nos » athlètes aux Jeux olympiques d’hiver en Chine sans jamais évoquer le caractère foncièrement anti-écologique de ces Jeux » 

« Dans l’actualité, il y a le demi-boycott diplomatique des JO de Pékin.  
Moi je propose un double-boycott : diplomatique et sportif. Je ne comprends pas qu’on tienne à gagner un petit bout de ferraille au point d’oublier la souffrance de millions de Ouïghours et de Tibétains, sans compter les autres. » 

Au regard du contexte politique des auditeurs estiment en effet qu’un « boycott, ou du moins une sorte de silence radio, aurait été le minimum »

Nathalie Iannetta, directrice des sports de Radio France, leur répond sur ces différents aspects : 

« Les Jeux Olympiques offrent souvent une caisse de résonnance hors norme pour débattre de sujets qui dépassent les performances sportives. Les pays hôtes choisis par le CIO sont évidemment exposés aux critiques. Et depuis plusieurs années, eu égard à ces choix souvent contestables, les questions que posent ces grands évènements sportifs font l’objet de débats médiatiques. 

Les antennes de Radio France se sont clairement interrogées sur ces JO d’hiver à Pékin, qu’ils s’agissent de la question des droits de l’homme à travers le sort réservé aux Ouighours ou des questions environnementales. 

Nos envoyés spéciaux et notre correspondant à Pékin ont régulièrement alimenté les antennes de Radio France en soulevant ces questions, en racontant les contraintes sanitaires, en soulevant les absurdités de la construction de certains sites… 
Par ailleurs, au-delà de ces reportages, de nombreux débats ont été organisés sur les antennes autour de ces Jeux de l’absurde, qu’il s’agisse d’évoquer le contexte géopolitique, la stratégie chinoise cachée par ces Jeux, et les dangers pour les organisations internationales de continuer à confier des grands évènements sportifs à des nations et des régimes autoritaires. De la Matinale de Guillaume Erner sur France Culture, à « Un jour dans le monde » sur France Inter, sans oublier « Les informés » sur Franceinfo le matin de la cérémonie d’ouverture, nous avons, nous journalistes, mis sur la table tous les sujets sans tabou et sans mansuétude.  

Une fois la compétition lancée, nos envoyés spéciaux en revanche sont là pour faire vivre les performances sportives et relater les résultats tels qu’ils se déroulent en direct. 
Notre rôle est toujours le récit de l’actualité. Il ne nous appartient pas de boycotter des compétitions que les politiques et les dirigeants d’entreprise, pourtant dans leur rôle si tel était le cas, n’appliquent pas. 

Quant à la place occupée sur les antennes de cette compétition, (et d’autres évènements sportifs par ailleurs), il convient je crois de rappeler que le sport est une actualité comme une autre, qui mérite un traitement journalistique approprié, professionnel et pertinent, au même titre que l’économie, la culture, la politique ou les sujets société. Le sport participe à la vie de la cité telle que nous la décrivons chaque jour sur les antennes du service public, et les enjeux qu’elle revêt sont aussi importants que d’autres, dans l’éducation, la santé, l’émancipation, la citoyenneté etc… Sans aller jusqu’à revendiquer un canal 100% sport comme c’est le cas sur la BBC (les Britanniques ont une conception du sport très sociétal et central, bien plus que nous, et c’est le cas également sur les chaînes publiques allemandes, italiennes et espagnoles), il nous paraît important de donner au sport la place qu’il devrait mériter et qui est trop souvent marginalisée, quand elle n’est pas méprisée dans notre pays. »

Dimanche, à 11h51, dans le rendez-vous de la médiatrice sur Franceinfo, Matthieu Mondoloni, Directeur adjoint de la rédaction, reviendra également sur le traitement éditorial de cette actualité en répondant aux questions des auditeurs.  

Le décès du professeur Luc Montagnier 

Luc Montagnier, prix Nobel de médecine pour la découverte du virus du sida, est mort mardi à l’hôpital américain à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), a appris jeudi l’AFP auprès du maire de la ville Jean-Christophe Fromantin, confirmant des informations de Libération.  
La mairie de Neuilly, qui a assuré disposer de son certificat de décès, a confirmé à l’AFP la mort du chercheur à l’âge de 89 ans.  
Sa mort avait été annoncée mercredi soir par le site France Soir et a finalement été confirmée jeudi par Libération.  
Le virologue, devenu une figure controversée pour diverses théories depuis plus de dix ans et mis au ban progressivement de la communauté scientifique, avait refait parler de lui pour des propos contre les vaccins anti-Covid.   

La mort du professeur Luc Montagnier a été annoncée mercredi par des médias et sur les réseaux sociaux. Ce même jour, peu après 13h, les auditeurs de France Inter, Franceinfo et France Culture ont commencé à faire part de leur étonnement de ne pas entendre cette information sur les antennes du groupe : 

« Si le professeur Montagnier est bien décédé et si je ne me trompe pas, aucune info sur votre radio aux heures de grande écoute concernant la disparition de ce grand chercheur… On peut se poser des questions sur votre mission et sur votre silence ???? » 

« J’ai appris aujourd’hui par une source indépendante le décès du professeur Luc Montagnier le 8 février 2022. Je m’étonne de n’avoir rien entendu sur les antennes de France Inter et Culture, les deux radios que j’écoute. Apparemment aucun média mainstream n’a relayé l’information du décès du découvreur du virus du sida pour lequel il a obtenu le prix Nobel. J’ai lu qu’il avait été à contre-courant de la pensée majoritaire ces dernières années. Je regrette que les journalistes ne dépassent pas ces divergences d’opinion en relayant cette information de son décès. La médecine actuelle lui doit beaucoup. » 

« J’écoute beaucoup France Inter mais je ne pense pas avoir entendu parler du décès du professeur Montagnier qui est pourtant un prix Nobel. On entend tellement de choses : fake news etc… mais là, si vous n’en parlez pas, je vais considérer ma radio préférée d’un autre œil. » 


En préambule, il est important d’indiquer qu’il n’y a eu aucune volonté de la part des rédactions de « dissimuler » ce décès au grand public. Il y a eu, en revanche, la préoccupation de délivrer une information exacte, certifiée et validée.  

Pourquoi l’information n’a-t-elle été donnée que jeudi alors qu’elle circulait largement sur les réseaux sociaux depuis la veille ?  

Comme le rappelle Estelle Cognacq, directrice de la rédaction de Franceinfo : « Face à la profusion d’informations, notre rédaction fait de la validation et de la vérification des informations la pierre angulaire de sa stratégie éditoriale. Cette démarche de rigueur peut ralentir la diffusion de l’information mais notre station est prête à l’assumer. » 

Franceinfo assume le choix d’attendre plutôt que de diffuser une information incertaine et « ce processus de validation se fait en transparence avec le public » comme le stipule sa Charte déontologique. C’est hier, à 17h17, qu’une dépêche de l’agence interne de Franceinfo a indiqué : « Le professeur Luc Montagnier est mort mardi, a appris ce jeudi Franceinfo auprès de la mairie de Neuilly qui confirme avoir enregistré son certificat de décès. » 

Dans sa Charte déontologique, Franceinfo suit un protocole de vérification particulièrement rigoureux lors de l’annonce de la mort d’une personnalité, quelle que soit son envergure : « L’information doit émaner d’une source directe : famille, avocat, agent, porte-parole officiel de l’institution pour qui il travaille. Si elle émane d’une source indirecte, celle-ci doit être contactée par la rédaction afin de savoir précisément si elle-même la tient d’une source directe (famille, avocat, agent, porte-parole officiel d’une institution). Si ce n’est pas le cas, l’information ne peut être donnée. » 

« Le problème rencontré, avec cette information c’est que nous n’avions pas de source fiable, explique Matthieu Mondoloni, directeur-adjoint de la rédaction de Franceinfo. Nous ne relayons pas une information donnée par un autre média si lui-même n’a pas une source officielle. Nous avons été confrontés à un vrai problème pour obtenir l’information : le professeur Montagnier s’est fâché avec bon nombre de ses anciens confrères scientifiques, médecins et chercheurs ces dernières années, donc personne n’avait plus de contact avec lui et ne pouvait nous confirmer sa disparition. De son côté, Didier Raoult a fait un tweet mais pour nous cela ne constitue pas une preuve. Dès mercredi, en passant par notre service Science, par notre service Politique, par tous nos systèmes de réseaux habituels nous avons essayé de nous faire confirmer officiellement cette information. Finalement, le maire de Neuilly-sur-Seine, Jean-Christophe Fromentin, a corroboré l’information jeudi après-midi en nous indiquant que le certificat de décès avait bien été déposé à sa mairie. Cette preuve administrative nous a enfin permis de donner l’information. La simple parole d’un agent de la mairie nous indiquant par exemple que « Luc Montagnier était décédé » n’aurait pas suffi, il nous fallait vraiment la validation par l’enregistrement du certificat de décès. » 

A France Inter, on juge cette situation réellement inédite. L’information a été difficile à confirmer comme l’explique également Philippe Lefébure, directeur de la rédaction : « dès mercredi, en milieu d’après-midi, nous avons cherché à vérifier l’information donnée par France Soir. C’est ce que nous faisons, systématiquement, en pareille situation. Mais son entourage professionnel (recherches sur le sida /milieu médical) n’a pas été en mesure de nous confirmer sa mort. Certains contacts parlaient d’une « rumeur », mais ne pouvaient pas en dire plus. Sa rupture avec le milieu scientifique explique, évidemment cette situation.
Sa famille, par ailleurs, n’ayant pas annoncé ou confirmé sa mort (par exemple, auprès de l’AFP, ce qui est traditionnellement le cas pour une personnalité) nous n’avons pas pu donner cette information à l’antenne, jusqu’au moment où la Mairie de Neuilly a confirmé l’enregistrement de son certificat de décès. C’est une situation unique. » 

So british ! 

La reine Elizabeth II est devenue dimanche dernier le premier monarque britannique à atteindre les 70 ans de règne, préparant l’avenir avec le souhait que l’épouse du prince héritier, Camilla, devienne reine consort après sa mort.   

Dans un message publié à l’occasion de son Jubilé de platine, la souveraine de 95 ans a renouvelé son engagement à servir les Britanniques tout en créant la surprise avec ce soutien appuyé à sa belle-fille. Façonnant l’avenir de la monarchie, elle y exprime son  » souhait sincère » que Camilla, 74 ans, deuxième épouse du prince héritier Charles, longtemps mal aimée des Britanniques,  » soit connue comme la reine consort » lorsqu’il deviendra roi.   

Autant dire que cette actualité britannique n’a pas eu l’heur de plaire à des auditeurs peu sensibles aux affaires de la couronne : 

« Entendre autant parler sur les infos de la Reine d’Angleterre est un peu pénible. Rien à faire de tout cette symbolique royale dans un monde en complet décalage avec les préoccupations victoriennes. C’est assez écœurant à force de redites. Comme s’il fallait engloutir la n-ième part de pudding à la fin d’un repas lourd. »  

« Merci de nous épargner les tribulations de la reine d’Angleterre ou de Camilla dont on se fout complètement. » 

« Comment dire… ? Le jubilé d’Elizabeth d’Angleterre en premier titre toute la journée, je pète les plombs !!! Si vous avez fait un peu d’histoire les journalistes du week-end d’Inter, vous devriez vous souvenir que nous on a coupé sa tête à Louis XVI il y a bien longtemps et que si on écoute France Inter, c’est parce qu’on ne lit ni Galla, ni Point de vue. » 

« Je suis surpris que l’on consacre notamment le dimanche 6 février 11 minutes en début de journal à ce sujet. Que peut apporter de savoir Camilla devenir reine consort et autres points ? Je pense que de telles informations sont des non événements et ne méritent pas de consacrer un tel temps d’information. » 


Frédéric Barreyre, présentateur des journaux de 13h et de 19h le week-end du France Inter explique ce choix éditorial : 

« Merci beaucoup de vos retours et de vos remarques concernant le journal de 13h de dimanche dernier. Vous courriers nous sont toujours très utiles et enrichissants. 
Avant toute chose, France Inter se doit de traiter tous les sujets d’actualité, en France, en Europe et dans le monde de manière objective et sans parti pris. 
Nous avons en effet décidé dimanche dernier de rendre compte des 70 ans de règne de la Reine Elizabeth II, parce qu’il s’agit d’un événement historique. La Reine Elizabeth est sans doute l’une des personnalités les plus connues au monde. Son jubilé de platine, 70 ans de règne, en fait également me semble-t-il une personne familière pour nous tous. Il m’a paru intéressant également de souligner le lien indéfectible qui unit la Reine aux Britanniques, et de rendre compte de l’évènement considérable que représente cet anniversaire au Royaume Uni. 
C’est pour toutes ces raisons et parce que France Inter doit être une fenêtre ouverte sur le monde, que nous avons choisi de parler du jubilé de la Reine Elizabeth II. Les 70 ans de règne de la Reine représentent à mon sens une actualité incontournable. Une fois encore je vous remercie de votre écoute attentive des journaux du week-end. » 

« Livre et Châtiment » 

Lancée en septembre dernier, l’émission « Livre et Châtiment », animée par Clara Dupont-Monod entourée de chroniqueuses, revisitait, chaque dimanche en fin d’après-midi, les grands classiques de la littérature. Le programme a tourné sa dernière page le 2 janvier dernier et s’est refermé avec le chef d’œuvre de Madame de La Fayette « La princesse de Clèves ». Au cours de ces quatre mois, les auditeurs ont pu se replonger dans « La vie devant soi » de Romain Gary, « Un cœur simple » de Gustave Flaubert, « Enfance » de Nathalie Sarraute ou encore « L’amant » de Marguerite Duras, des auditeurs qui, à l’annonce de la fin de ce programme, ont fait part de leur incompréhension :  

« Je vous écris simplement pour vous faire part de ma tristesse et ma déception quant à l’arrêt de l’émission « Livre et châtiment ». Je ne comprends pas ce qui a conduit France Inter à arrêter cette émission en pleine saison, sans attendre l’été pour modifier la grille des programmes. Cette émission, d’une grande qualité, constituait un rendez-vous hebdomadaire intelligent, drôle et iconoclaste qui traitait la littérature d’une façon que je n’avais encore jamais rencontrée. Grâce à cette émission, j’ai redécouvert des classiques ou eu envie d’en découvrir certains. Le ton impertinent et décalé a beaucoup contribué à désacraliser les grands auteurs qu’on regarde souvent avec méfiance, sans toutefois rien perdre en rigueur et en qualité d’analyse.  Un grand merci à Clara Dupont-Monod et son équipe pour avoir partagé avec nous leur passion des livres « des auteurs morts ». »  

« C’est la première fois que je m’adresse à vous mais j’ai besoin de vous faire part de mon vif mécontentement suite à la suppression de « Livre et châtiment » de Clara Dupont-Monod.   
 Sexagénaire, férue de littérature classique, j’ai pris un plaisir immense à écouter cette émission qui « dépoussiérait » avec humour et érudition ces livres tellement lus et relus. Même les invités, souvent des spécialistes, semblaient y prendre du plaisir (j’ai le souvenir d’Yvan Leclerc, éminent Flaubertien s’il en est, ne pouvant s’empêcher de rire aux chroniques qui illustraient « Un cœur simple »…).   
A ma petite-fille de 16 ans qui doit lire « Bonjour Tristesse » pour son cours de français, j’ai conseillé d’écouter l’émission que Clara Dupont-Monod lui a consacré pour replacer le livre dans son époque et comprendre le scandale que sa parution a représenté. »  

« Je suis très déçue que cette émission s’arrête. Je ne suis pas une très grande lectrice, mais j’aime lire et l’émission Livre et Châtiment, en nous montrant des œuvres sous un autre jour, moqueur, drôle mais aussi sérieux et bien documenté m’a donné envie de lire ou de relire certains livres. C’est vraiment dommage !! » 

Laurence Bloch, directrice de France Inter a tenu à leur répondre :  

« Je lis semaine après semaine votre regret de ne plus avoir rendez-vous avec Clara Dupont Monod et son émission Livre et Châtiment et j’entends votre déception. 
Il se trouve que pour des raisons indépendantes de notre volonté à tous il a été impossible d’apporter les quelques modifications nécessaires à la fluidité de l’émission. 
Nous avons donc choisi d’appuyer sur pause et de réévaluer la situation dans quelques mois. 
Merci encore de votre fidélité. 
Soyez sûrs que nous cherchons toujours à vous offrir des programmes de qualité, accessibles à tous, sans aucune recherche effrénée de succès d’audimat. » 

« Open Panthéon » 

De la mi-décembre au 14 janvier dernier, chaque matin, une productrice ou un producteur de France Culture a indiqué quelle personnalité il verrait bien prendre la suite de Joséphine Baker au Panthéon.  

Parmi les propositions, Adèle Van Reeth fait le choix de la philosophe Simone Weil « un modèle d’exigence morale et intellectuelle, et d’engagement », Jean-Noël Jeanneney évoque Léon Blum : « un homme libre, une incarnation du courage et de la fidélité », Olivia Gesbert panthéonise Flora Tristan : « une pionnière du combat pour l’égalité des sexes », Guillaume Erner intronise Coluche « Pas de comique aussi consensuel », Marie Richeux fait entrer Barbara au Panthéon  «  et avec elle l’humanisme, le désir d’émancipation féminine, d’ouverture, de pacifisme ». Nicolas Martin suggère Françoise Barré-Sinoussi : « le visage humaniste de la médecine moderne ». 

L’intégralité de ces propositions sont à retrouver ici et les auditeurs ont plébiscité cette chronique de trois minutes en émettant cependant un reproche que résume cette interrogation : « Pourquoi l’antenne de France Culture cédait à la tentation du franglais pour le titre de cette chronique « Open Panthéon » ? »  

« Quel dommage d’avoir choisi le mot « open » pour nommer cette opération louable sur « French Culture ». Voilà, vous faites comme tout le monde. Sur une de vos émissions il y avait pourtant cette invitée linguiste qui nous précisait bien que les modes de l’usage des mots anglais en masse venaient du fait que l’anglais était la langue du capitalisme. Alors je vous en supplie…résistez !!!!! » 

« Précisant que je trouve excellent que les productrices et producteurs des émissions de France Culture proposent des personnalités à panthéoniser en expliquant leur proposition. Cela permet de revisiter notre histoire et de rappeler à notre souvenir des personnes dont le rôle est méconnu ou minoré.  
Mais pourquoi intituler cette séquence « Open Panthéon » ? Mauvais français, mauvais anglais !  
Sans vouloir être aussi puriste que nos amis québecois, je suis horripilé par l’usage abusif de termes anglais dans les chroniques et dans les journaux ou leur prononciation à l’anglaise (souvenons-nous que chalenge est un mot français -voir le dictionnaire de l’académie- et donc pas de tʃ, juste ʃ). De même, les journalistes pourraient revoir la scansion et la prosodie de notre langue, les accents toniques ne sont pas sur la première syllabe contrairement à l’anglais. » 

Sandrine Treiner, directrice de France Culture a répondu hier dans le rendez-vous de la médiatrice à cette question des auditeurs :  

« La raison est toute simple, ce n’est pas une initiative qui nous appartient en propre à l’origine. L’Open Panthéon, est une initiative que nous avons trouvée très intéressante qui visait à amener chacun à réfléchir à ces personnalités d’influence, à réfléchir à la chaîne de transmission des valeurs, de la connaissance, etc. C’est un projet qui a été lancé sur une plateforme dédiée, par François Taddei, qui dirige un centre de recherche interdisciplinaire en lien avec l’Unesco et le nom de ce programme, qui est un programme international, c’est « Open Panthéon ». La plateforme s’appelle « Open Panthéon » et donc nous ne pouvions tout simplement pas le traduire dans la mesure où cela venait s’inscrire dans un projet plus large dans lequel nous étions un partenaire. Donc, ça s’appelle « Open Panthéon » et cela ne nous appartient pas en propre. » 

Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes de Radio France