Voici les principales thématiques abordées par les auditeurs dans leurs courriels envoyés du 18 au 25 mars 2022.
L’Ukraine :
1. La couverture éditoriale vue par les auditeurs
2. Livraisons d’armes, « mode d’emploi »
3. Témoignages d’entrepreneurs français en Russie
4. L’accueil des réfugiés
5. La mort d’Yvan Colonna
6. La hausse du prix du carburant
7. L’Éducation nationale
8. La messe en latin sur France Culture
9. Le printemps du cinéma « dans les salles parisiennes » ?
10. Le sport à l’antenne
11. Les auditeurs ont aimé…
12. La langue française
Informer en temps de guerre
Un mois après le début de l’invasion russe en Ukraine, des messages saluant le travail des rédactions pour couvrir ce conflit continuent à nous parvenir :
« J’ai écouté ce mercredi matin sur France Culture “Reporters de guerre : retours du front” avec Eric Biegala, Philippe de Poulpicquet, Omar Ouahmane, Daphné Rousseau” : merci pour votre émission Guillaume Erner, votre manière d’interroger, vos intervenants, cette sensibilité de France Culture, cette intelligence et aussi cette position. Très belle émission ce matin, et merci, tellement merci à ces journalistes. »
« Bravo pour cette émission “Un jour dans le monde” en direct de Lviv au cœur de l’événement avec de bons interlocuteurs pour mieux comprendre. Merci et continuez sur cette voie, ô combien difficile, qui demande un investissement important, de la curiosité et de bons collaborateurs. Je pense que votre émission est ma source sûre pour comprendre, sans effet de manche ou tape à l’œil, où en est le monde au jour le jour. Merci. »
« Bravo et merci à Caroline Gillet pour “Notes vocales d’Ukraine” .Merci pour votre rendez-vous journalier qui donne écho à cette réalité de la guerre en Ukraine par des témoignages simples, forts, poignants. Continuez à ouvrir les oreilles de nos cœurs aux bruits du monde. »
Depuis le déclenchement de l’offensive russe, « Notes vocales d’Ukraine » est proposé chaque soir dans l’émission de Fabienne Sintès « Un jour dans le monde ». Caroline Gillet a détaillé ce dispositif sonore singulier dans le rendez-vous de la médiatrice ce matin sur France Inter. Un regard croisé avec celui de Vanessa Descouraux, grand reporter à France Inter, co-productrice du magazine de reportage « Interception », revenue d’Ukraine il y a quelques jours.
Que l’on soit sur le terrain à Kiev ou en studio à Paris, à quelles difficultés est-on confronté pour faire entendre la voix des Ukrainiens ? Plus généralement, les auditeurs s’interrogent sur les conditions de travail des journalistes :
« Les journalistes sont -ils obligés d’aller sur un terrain de guerre ? Sont-ils volontaires ou bien est-ce une demande de la direction ? »
« On a du mal à comprendre comment les journalistes peuvent éviter le froid, la faim et bien dormir, alors que cela semble si difficile pour la population ukrainienne qui vit dans des conditions très dures ? »
« Comment évaluez-vous le risque sur le terrain ? »
« Savez-vous ce que deviennent les gens que vous interviewez ? Gardez-vous des contacts avec eux ? »
« A quoi sert un fixeur ? »
A travers deux visions très complémentaires du métier de journaliste, Vanessa Descouraux et Caroline Gillet ont décrit dans le rendez-vous de la médiatrice sur France Inter deux manières de couvrir le conflit, que l’on soit près d’un immeuble bombardé, sur les routes de l’exil, ou bien à 2 400 kilomètres de cette réalité ukrainienne.
Dans le rendez-vous de la médiatrice, hier sur France Culture, Sandrine Treiner, directrice de l’antenne est revenue sur : « la juste mesure pour parler d’événements aussi intensément complexes à appréhender, aussi émotionnellement engageants. Ce que nous faisons à France Culture, c’est d’essayer d’être toujours à France Culture. En réalité, je crois que c’est notre principal garde-fou (…). Le refuge en or, c’est la connaissance et c’est la culture. Donc, une semaine du « Cours de l’histoire », pour éclairer sur l’histoire de l’Ukraine, on aura un podcast de quatre émissions, « Les Chemins de la philosophie », qui ont croisé les différentes conceptions et pensées de la guerre. Une semaine de « Culture Monde » sur la géopolitique de la Russie. Et puis la culture, toujours donner à entendre la parole des artistes, informer sur la situation des artistes. Non pas que les artistes aient en tant que tel une place prédominante par rapport à toutes les autres populations qui souffrent. Mais se dire que les régimes totalitaires s’en prennent toujours d’abord aux artistes parce qu’ils savent qu’il y a là, l’âme d’un pays et que l’on peut tuer un pays en tuant sa langue et ses artistes. Donc lorsque Stanislas Nordey est venu nous proposer de monter autour de lui cette soirée avec Culturebox, côté télévision, France Télévisions on s’y est engouffrés et on y a découvert de très beaux textes, en particulier « Les chevaux de feu », que je recommande à tout le monde, et à l’écoute et à la lecture. »
Le sort des réfugiés ukrainiens
Plus de 26 000 réfugiés ukrainiens, principalement des femmes et des enfants, sont arrivés sur le territoire français depuis le début de la guerre. Des auditeurs se posent des questions très concrètes pour leur venir en aide :
« J’ai l’envie et la place d’accueillir des réfugiés, mais hélas pas le moyen de faire face aux frais que cet accueil induirait : chauffage supplémentaire, eau, etc. + éventuellement premiers besoins de subsistance, déplacements (je suis à la campagne). Est-il possible d’être défrayé de ces dépenses ? »
« Pourriez-vous m’indiquer les coordonnées nous permettant de pouvoir aider les ukrainiens, faire des dons, accueillir des réfugiés ? »
« Comment aider les réfugiés ukrainiens sur place ? Quel organisme peut aider les volontaires à aller et aider sur place ? »
Beaucoup d’interrogations sur la logistique, les aides à apporter, l’implication que nécessite l’accueil à domicile, autant de questions à propos desquelles les auditeurs souhaiteraient entendre des spécialistes sur les antennes, dans des émissions dédiées.
Sur un plan éditorial, les auditeurs s’interrogent cette semaine sur deux reportages diffusés sur les antennes.
Livraisons d’armes en Ukraine
Le premier concerne un sujet consacré à la Pologne, plaque tournante des livraisons d’armes à l’Ukraine acheminées dans la région de Lviv. On y apprend que toutes les fournitures de l’OTAN et des Etats-Unis atterrissent dans le Sud-Est polonais, puis sont transférées par voie terrestre dans l’ouest de l’Ukraine « avec autant de discrétion que possible ». Un professeur à l’Institut d’études politiques indique dans ce reportage qu’il est : « bien plus facile pour la Russie de repérer des mouvements de camions ou de trains. Donc, tout simplement, ce sont des petites voitures qui livrent les armes, comme la voiture de « monsieur Tout le monde ». »
Ces indications ont fait bondir des auditeurs :
« Fidèle auditeur de votre antenne et très satisfait des émissions et des journaux, j’ai été néanmoins stupéfait d’écouter ce reportage sur les modalités d’acheminement des armes aux combattants Ukrainiens via la Pologne. En effet, quelle stupidité de dévoiler le mode de transport ; à savoir l’utilisation de petits véhicules particuliers à partir d’un aéroport fermé situé à 170km de la frontière. Le journaliste aurait pu ajouter les coordonnées GPS des pistes et les numéros d’immatriculation des voitures. Cela aurait facilité les tirs des soldats russes… Franchement, je ne comprends pas l’utilité de tels reportages. »
« J’ai failli m’étrangler en écoutant les « infos » dans lesquelles votre journaliste indiquait comment les pays alliés de l’Ukraine faisaient parvenir des munitions et du matériel militaire à ce pays. Tout le monde sait que les médias extérieurs à la Russie sont vus et écoutés par le pouvoir en place. Pourquoi ne pas indiquer les voitures et leurs numéros qui acheminent vers l’Ukraine cette aide militaire !! C’est de l’inconscience pure que de diffuser ce genre d’« infos » et donner un « bon » prétexte aux russes pour mitrailler et bombarder les colonnes de civils entrant ou sortant de l’Ukraine via la Pologne ! »
Nous comprenons, de prime abord, que ce reportage puisse susciter l’étonnement. Pour autant, peut-on raisonnablement penser que le renseignement militaire russe a besoin de Radio France pour recueillir des informations de cette nature ? Tout ce qui est indiqué dans ce reportage est su et connu en Pologne. Il ne s’agit en aucun cas de données classées « Secret Défense » issues d’un rapport des services secrets polonais et il n’y a dans ce reportage aucun élément qui ne serait déjà en possession des services secrets russes. Leurs capacités de collecte d’informations sensibles sont multiples, du renseignement humain en passant par le renseignement d’origine électromagnétique et les images satellitaires utilisées en temps quasi-réel. Le renseignement russe capitalise énormément d’informations militaires par un déploiement hors-normes de moyens technologiques, assez éloignés de la simple écoute d’un reportage sur la radio publique française dans lequel s’expriment un chercheur de l’Institut polonais des affaires internationales et le professeur d’un Institut d’études politiques.
Ce reportage permet donc d’illustrer factuellement l’assistance militaire qu’une vingtaine de pays occidentaux ont promis d’envoyer à l’armée ukrainienne.
Entrepreneurs français à Moscou
Un autre reportage a vivement fait réagir des auditeurs. On y entend des entrepreneurs français vivant à Moscou et qui n’ont pas l’intention d’en partir. Ils se disent choqués par la guerre, mais estiment que l’Occident a toujours mal compris la Russie. Le premier tente de comprendre les raisons de Vladimir Poutine : « Ça fait mal au cœur. C’est impensable. Mais je pense qu’il a été poussé à bout et à un moment, il s’est dit « bon bah, vous ne m’avez pas écouté. Je vous avais dit que je le ferais. Maintenant, je le fais. ». Le second considère que : « La Russie est très mal comprise en Europe. Je suis gêné par le fait que c’est manichéen. C’est tout blanc ou tout noir, alors qu’en réalité, ce n’est pas le cas, même si certaines personnes russes que je connais sont clairement contre ce conflit, en même temps, ce sont des gens qui ont un très fort respect pour leur pays. Si on commence à critiquer, les gens se braquent un petit peu. Donc moi j’évite le sujet. »
Réactions d’auditeurs :
« Je suis extrêmement surpris du reportage que je viens d’entendre laissant la parole à un ressortissant français de Russie dont le positionnement est manifestement pro Poutine. Cette personne est soit victime de la propagande du régime sur place soit au contraire a des affinités de vue avec le gouvernement russe. Comment peut-on laisser dire ce genre de contrevérités à savoir que Poutine n’aurait fait que réagir aux attaques des occidentaux sans au minimum le mettre en perspective avec d’autres points de vue ? Au nom de la liberté d’expression les antennes de Radio France sont beaucoup trop tolérantes avec les extrêmes. Ils doivent être contredits. »
« Je vous écris en réaction au journal de ce matin. J’essaie de peser mes mots et de rester le plus courtois possible, mais je suis absolument outré par un reportage sur les Français de Russie qui ont donné leur avis pro-Poutine. Premièrement, au vu de la gravité des actes du Président russe, je trouve ça extrêmement déplacé de laisser dire, des messages que nous pourrions résumer par « Non, mais il faut comprendre le pauvre Vladimir Poutine ». Cela véhicule des idées abominables et indignes de la radio que j’aime par ailleurs écouter. (…) »
« Dans le journal, on a pu entendre des propos d’expatriés en Russie. Quelqu’un disait que les occidentaux n’avaient pas compris Poutine, ceci amenant à ce qui se passe aujourd’hui ! C’est proprement incroyable qu’on puisse relayer de tels propos. On va finir par excuser ce dictateur !!!!! »
Devrait-on diffuser sur les antennes uniquement ce que les auditeurs ont envie d’entendre? Non. L’un des principes sous-jacents de nos missions d’information consiste à faire écouter une pluralité d’opinions sur un fait d’actualité. Cependant ce postulat journalistique n’est pas toujours accepté, voire compris, par des auditeurs qui s’étonnent de la teneur de certains reportages, qui choquent leur sensibilité, qui percutent leur perception de ce qui serait bien ou mal de diffuser. Rappelons que relayer des points de vue ne signifie pas prendre parti mais simplement informer sur une réalité. Au fil des sessions d’informations, la diversité des avis sur un même sujet permet de refléter au plus près, de manière équilibrée et complète, une actualité et la manière dont elle est vécue par ceux qui la traversent.
Sur un tout autre sujet, cette question est également soulevée par des auditeurs, nombreux à avoir écrit à la suite de reportages et de sons diffusés après l’annonce de la mort d’Yvan Colonna.
Yvan Colonna, « du statut d’assassin à la figure de martyr »
Pour les nationalistes corses Yvan Colonna est un patriote, pour les autres un terroriste assassin d’un préfet de la République. Le militant indépendantiste corse condamné à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac en 1998 à Ajaccio, est mort lundi soir à Marseille, après trois semaines de coma à la suite de son agression en prison. Les auditeurs ont vivement réagi après avoir entendu des sujets mardi matin :
« J’écoute le journal et mon sang s’est mis à bouillir. Je vous rassure, je suis pacifique mais quand un individu « dévasté par le chagrin » parlant d’Yvan Colonna dit « c’est un patriote qui est mort assassiné » je suis outrée. On parle d’un assassin.
Si seulement cet « évènement » pouvait faire prendre conscience de ce que représente le mot « assassin ». Ce qui est déplorable c’est que certains vont s’emparer de cet évènement pour justifier de nouvelles violences. D’ici qu’on donne son nom à une place ou une école et pourquoi pas une statue sur une place d’Ajaccio… Nous vivons décidemment une drôle d’époque. »
« Je m’étonne du traitement donné par votre antenne à l’agression ayant causé la mort d’Yvan Colonna. Si les débats sur l’autonomie de la Corse sont intéressants et d’utilité publique, je ne comprends pas qu’une radio publique donne autant la parole à des soutiens d’un assassin qui l’érigent en héros. C’est particulièrement choquant d’entendre la glorification de ce monsieur.
Mes pensées vont à la famille de M. Erignac et des fonctionnaires et élus agressés ou tués dans leurs fonctions. »
« Je suis tout à fait choquée que vous fassiez la nécrologie d’un assassin remarquable par sa lâcheté. Tout ce que vous pouvez dire sur Colonna, c’est qu’il a tiré sur un préfet non armé et dans le dos. Il ne mérite pas un mot de plus, et surtout aucune complaisance. Mais enfin, à quoi pensez-vous en traitant cet assassin comme un héros ? J’espère que vous ne repasserez plus cette indécente nécrologie ».
Diffuser des points de vue de Corses sur Yvan Colonna ne signifie pas cautionner les propos tenus, il s’agit simplement de faire entendre les réactions que cette disparition provoque chez certains, après plusieurs jours de fortes tensions et une visite de trois jours en Corse du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui a promis des discussions avec les élus corses et les forces vives de l’île sur une éventuelle autonomie. En pleine campagne présidentielle, ce sujet est éminemment sensible. Cette disparition ne pouvait donc pas être traitée en deux phrases au milieu d’un journal comme l’auraient souhaité des auditeurs.
Le parisianisme en toile de fond
Après deux ans d’absence le printemps du Cinéma, proposant des séances à 4 euros, s’est tenu dimanche, lundi et mardi dans toute la France mais, la manière de présenter l’évènement en le cantonnant géographiquement à Paris, a suscité des critiques :
« Le printemps du cinéma c’est dans toute la France ! En province aussi on aime la culture ! »
« J’entends sur France Inter que l’on peut profiter du Printemps du Cinéma à Paris. Donc vous forcez carrément le trait sur le fait d’être Paris Inter plutôt que France Inter. Reprenez-vous ! »
« Le printemps du cinéma est dans TOUTES les salles en France et non uniquement dans « les salles parisiennes ». À l’heure où les salles de proximité en province galèrent vous avez encore perdu une occasion d’envisager le monde au-delà du périphérique. Cela, devient, malgré l’intérêt que je porte à votre émission, usant et désolant. »
« Ce matin au journal pour présenter la fête du Cinéma, la journaliste commence ainsi : “Si vous êtes à Paris ce weekend… » Or, la Fête du Cinéma se déroule dans toute la France. Ceci a été dit en fin de sujet, tout de même. Mais c’est maladroit d’avoir choisi de lancer l’information en la réduisant à Paris. »
Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes de Radio France