- Réforme des retraites : manque de pluralité des points de vue sur France Inter
- Réforme des retraites : manque de pluralité des points de vue sur Franceinfo
- Réforme des retraites : les violences dans les manifestations
- Réforme des retraites : avis d’auditeurs sur la réforme des retraites
- Mégabassines : remarques diverses
- Mégabassines : la manifestation à Sainte-Soline
- « En toute subjectivité » : le billet de Guillaume Roquette
- « Le débat éco » du vendredi sur France Inter
- La programmation musicale de grève sur France Culture
- Langue française
Au menu de cet édito : la réforme des retraites, le traitement éditorial de la violence, les mégabassines, le « Débat éco » le vendredi sur France Inter et la programmation musicale de France Culture les jours de grève.
La réforme des retraites
Trop partiaux, les journalistes ? C’est ce qui ressort du sondage* réalisé pour les Assises du journalisme de Tours, en pleine contestation de la réforme des retraites. Plus d’un sondé sur deux (54%) estime que « la qualité de l’information délivrée par les journalistes s’est détériorée » ces dernières années. Parmi ces personnes, 7 sur 10 (70%) attribuent cette détérioration au fait que » l’information est trop orientée, pas assez impartiale« .
La perception de partialité dans le traitement médiatique de la réforme des retraites ressort d’ailleurs très fortement cette semaine dans les messages des auditeurs de France Inter et de Franceinfo. Tous décrivent le même constat de l’autre côté du poste :
« Fidèle auditeur de France Inter, je m’étonne du manque d’impartialité des journalistes de France Inter qui questionnent très peu de gens favorables à la réforme des retraites (en dehors des membres du gouvernement qui n’expliquent que très peu leur réforme, devant répondre aux questions de journalistes sur les évènements récents plus que sur le fond de la réforme)
On laisse une grande place aux contestataires de la rue qui n’expliquent jamais les raisons de leur mécontentement (en dehors du fait de devoir travailler après 62 ans) et jamais sur le fond. »
« J’ai le plaisir d’écouter FranceiIfo tôt le matin et le soir, ce qui me permet de suivre l’actualité vue et commentée par des journalistes respectant une très respectable et honorable éthique journalistique de neutralité.
Néanmoins – comme de nombreux citoyens, contribuables et assurés sociaux – je suis parfois quelque peu étonné et embarrassé en constatant que cette station de radio assurant un service public d’information semble donner systématiquement et quasiment exclusivement la parole à des personnalités politiques et syndicales opposées à la Loi sur la réforme des retraites, en dénonçant systématiquement une supposée « injustice », un manque d’humanité, etc. »
« Je voulais partager avec vous ma déception du traitement de l’information concernant la réforme des retraites. Je n’entends sur Radio France et France Inter que des sujets sur la grève, les syndicalistes, les opposants à la réforme des retraites, la voix du peuple, la mobilisation. (…) Je trouve que vous caricaturez le bien et le mal, et les sujets sont bien plus complexes, ils nécessitent d’avoir plusieurs angles d’approche »
« Comme de nombreuses personnes vivant dans le monde parallèle de ceux qui soutiennent la réforme des retraites je suis à bout nerveusement de ce micro tendu du soir au matin aux syndicats…nous sommes des millions silencieux qui travaillent et que l’on n’entend pas. »
« Fidèle auditrice de France Inter, j’avoue mon malaise quant au traitement de la réforme des retraites et des grèves. Je suis en effet choquée de la partialité des journalistes. »
« Auditeur de Franceinfo depuis près de 30 ans, c’est la première fois que je prends l’initiative de vous écrire, pour vous dire que je m’inquiète de l’évolution de la ligne éditoriale de la radio que je ressens depuis quelque temps. Je l’éprouve dans le traitement du dossier « réforme des retraites » par le choix des intervenants, des positionnements exprimés à travers leurs questions ou leurs commentaires par les journalistes. »
En préambule, il est important de noter que la perception de partialité est subjective et peut varier selon les auditeurs. Si certains ont le sentiment que les journalistes sont partiaux et donnent trop la parole aux opposants dans les reportages, l’explication réside dans le fait que les opposants à la réforme sont particulièrement actifs dans leur communication en raison des nombreuses mobilisations, ce qui leur permet d’avoir une grande présence médiatique.
Cependant, les antennes ont un devoir de pluralisme et sont contrôlées par l’Arcom (ex-CSA) l’autorité de régulation et de contrôle des médias audiovisuels. Dans le cas de la réforme des retraites, les journalistes veillent à donner une voix égale à toutes les parties impliquées, y compris les partisans et les opposants à la réforme. Les membres du gouvernement et de la majorité présidentielle ont été invités en studio. Ils ont donc eu la parole sur les antennes, tout comme les représentants de la société civile favorable à la réforme.
Rappelons que les journalistes sont tenus d’exercer leur travail avec impartialité, notamment en respectant les règles de déontologie et en veillant à présenter des informations factuelles et vérifiées. Dans le cas d’un sujet controversé comme la réforme des retraites, il est normal que des auditeurs aient des opinions divergentes et ressentent un traitement partiel. Cependant, les rédactions font en sorte de donner la parole à toutes les parties impliquées de manière équitable et de présenter des arguments factuels de manière objective.
Ainsi, à propos de ce reproche de partialité exprimé par des auditeurs, Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo a indiqué dans le rendez-vous de la médiatrice : « C’est une impression que l’on peut avoir, mais c’est une impression qui est fausse. Nous avons des impératifs de pluralisme et nous sommes contrôlés pour cela. Si jamais nous donnions trop la parole à telle personne ou à tel camp, on nous le ferait remarquer et nous devrions rectifier. Il faut savoir que nous donnons la parole à tout le monde. Lorsque, par exemple, à 8h30, dans le rendez-vous politique du matin, vous entendez un opposant à la réforme, à chaque fois, on s’efforce de donner plus tôt dans la matinale la parole à quelqu’un qui, au contraire, approuve cette réforme. Et cela vaut pour l’inverse aussi, lorsque nous avons un ministre ou un représentant de la majorité présidentielle à 8h30, plus tôt dans la matinale, nous nous efforçons de donner la parole à quelqu’un qui conteste cette réforme. Nous allons aussi dans différentes villes de France, pour donner la parole à tous types de métiers, tous types de corps sociaux. Nous sommes attentifs à ce qui se passe dans les entreprises, avec des gens qui ne sont pas forcément syndiqués, à des chefs d’entreprise aussi. »
Ce matin dans le rendez-vous de la médiatrice sur France Inter, Catherine Nayl , directrice de l’information, s’est également exprimée sur les choix éditoriaux de la chaîne, l’équilibre des interlocuteurs contribuant à une meilleure compréhension des différentes positions sur la réforme des retraites.
La violence dans les manifestations
Cette semaine, les auditeurs nous ont également écrit au sujet du traitement éditorial de la violence. Au-delà de l’atmosphère anxiogène que cela génère, ils ont regretté, là encore, une forme de partialité dans les informations données :
« Depuis ce conflit sur le recul de l’âge de la retraite, j’assiste à une débauche de « radio crochet » sur France Inter, dans laquelle on n’entend qu’un son ; celui des émeutiers, avec des commentaires orientés exclusivement sur des violences policières. Quid des exemples de la violence « gratuite » des casseurs, des émeutiers, des destructeurs des biens ? J’aimerais entendre des points de vue contrebalancés et plus honnêtes. Pas Radio Mélenchon. »
« Je suis choqué par la partialité du traitement des violences lors des dernières manifestations de protestation contre la réforme des retraites sur Franceinfo. Mettre en avant les témoignages de quelques manifestants arrêtés de façon musclée et injuriés par des policiers, pas de problème. Mais passer sous silence les injures et provocations subies par les forces de l’ordre, sans compter les agressions physiques dont elles sont victimes, est inadmissible de la part d’une chaîne d’information publique. Qu’attendez-vous pour recueillir et diffuser les témoignages des quelques centaines de policiers blessés ? »
« J’ai été très surprise voire très choquée d’entendre ce matin sur France Inter votre journaliste annoncer en première info : « Un millier de casseurs attendus par la police pour la manif du jour ». C’est inadmissible de dire cela. Je suis allée manifester plusieurs fois et moi j’ai vu des gens solidaires, non violents. On sait qu’il y a des violences mais le dire en première info, je trouve que c’est faire peur aux auditeurs et prendre parti. J’attends de France Inter, radio publique de l’impartialité. »
« Je trouve insupportable d’entendre tous les propos à charge sur la police. L’atmosphère générale est devenue très violente, inutile d’alimenter celle-ci. Les forces de l’ordre sont là pour maintenir l’ordre et non pour violenter. Inutile de monter en épingle les dérives de certains policiers, surtout que jamais vous ne faites de papier sur les violences reçus par eux. »
Les journalistes ont pour mission de rendre compte de la réalité de manière factuelle. Dans le cas des manifestations, leur rôle est de couvrir les événements et de décrire ce qui se passe sur le terrain. Cela peut impliquer de signaler des violences policières, documentées ou rapportées par des victimes et des témoins, tout en informant également sur les violences commises par d’autres acteurs, y compris les manifestants eux-mêmes. Il est important de noter que les journalistes ne cherchent pas à prendre parti pour l’un ou l’autre camp, mais plutôt à rendre compte de manière équilibrée des événements qui se déroulent.
Les critiques et l’inquiétude des auditeurs invitent néanmoins à la vigilance quant à la couverture des faits. Il s’agit de dire cette violence sans pour autant créer une atmosphère alarmiste auprès du public. Equation délicate : tenir compte, à la fois, de la responsabilité d’informer et de l’impact des reportages sur les auditeurs.
Les mégabassines
Plan de sobriété, réutilisation des eaux usées, tarification progressive : Emmanuel Macron a esquissé hier les grandes lignes du « plan eau » très attendu, qui comporte 53 mesures pour mieux gérer cette ressource menacée par le changement climatique.
Il a réaffirmé l’utilité des stockages artificiels d’eau pour les agriculteurs, du type de celui de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres où des affrontements très violents ont eu lieu samedi. Cependant le président de la République a proposé que les futurs projets prennent mieux en compte la raréfaction de l’eau et soient partagés dans divers buts, dont la biodiversité. » Il ne s’agit pas de privatiser l’eau. Ou de permettre à certains de se l’accaparer« , a-t-il déclaré, en répétant que l’eau était « indispensable à notre souveraineté alimentaire« .
Le rassemblement organisé samedi à Sainte-Soline a suscité beaucoup de commentaires des auditeurs :
« Entendu (pour la énième fois) dans le journal de France Inter : « des écologistes s’opposent à la construction de retenues d’eau pour LES agriculteurs ». C’est une manière biaisée d’informer, laissant entendre qu’il y aurait d’un côté les écologistes et de l’autre les agriculteurs, or, il y a aussi des agriculteurs parmi les « écologistes » qui sont opposés à ces dispositifs. Les retenues ne sont pas faites pour « LES » agriculteurs mais pour CERTAINS D’ENTRE EUX (5% environ). Si la journaliste souhaite faire l’économie d’une longue explication, elle pourrait à minima donner une présentation plus conforme à la réalité, par exemple “des écologistes s’opposent à la construction de retenues d’eau pour CERTAINS agriculteurs”. »
« J’aimerais que vous évitiez de nous « bassiner » avec le terme de « mégabassine ». Selon plusieurs médias ce vocable a été choisi intentionnellement par ses opposants pour sa connotation péjorative et polémique. Selon le Wiktionnaire, c’est « un préfixe ajouté à un mot pour évoquer quelque chose d’énorme ». Revenons sur terre, il s’agit de retenues, de réserves d’eau. Selon Greenpeace, une mégabassine s’étend en moyenne sur une superficie de huit hectares, autrement dit 200 m x 400 mètres. La belle affaire ! La superficie des barrages français se chiffre en km2, c’est-à-dire en multiples de 100 hectares, ce qui n’a jamais dérangé nos écologistes. En conclusion, au nom de la neutralité de l’information, laissez le terme à ceux qui l’utilisent dans une intention polémique. »
« J’ai été choqué d’entendre le journaliste dans le journal parler de retenue d’eau au sujet de la manifestation contre les mégabassines. L’eau est pompée dans la nappe phréatique pour être stockée dans ces bassines à ciel ouvert. Les mots ont un sens, dans le cas présent, il ne s’agit pas de retenue collinaire qui est tout autre chose. »
« Je pense qu’il serait bon de savoir de quoi on parle. Une retenue collinaire retient les eaux de ruissellement et sa taille reste extrêmement modeste. Rien de bien méchant pour l’environnement. Une bassine fonctionne en pompant l’eau des nappes phréatiques (déjà en souffrance) et fait en moyenne 8 hectares. »
Un « débat éco » cacophonique
Lorsqu’on participe à un débat, la plus exigeante et indispensable des politesses consiste à écouter l’argumentation de son interlocuteur avant de lui apporter la contradiction. Qui plus est en radio où l’attention et l’intérêt de l’auditeur passent impérativement par la qualité d’écoute offerte par le débat. Ce principe radiophonique élémentaire a été totalement négligé lors du « Débat éco » vendredi dernier. Or, ne pas suivre cette règle donne l’impression que l’intervenant qui coupe la parole ne respecte pas les opinions ou les arguments de l’autre interlocuteur, et cherche à imposer son point de vue plutôt qu’à discuter de manière constructive. Ces interruptions permanentes perturbent le déroulement du débat et rendent difficile la compréhension des différents points de vue exprimés. Conséquence ? Des mails d’auditeurs particulièrement irrités, envoyés en nombre au service de la médiation :
« Je suis auditeur depuis 30 ans environ, notamment sur la tranche matinale et je vous félicite pour la qualité de vos émissions, quelle que soit la tranche horaire. Je constate depuis plusieurs mois que “Le débat éco” du vendredi matin entre Dominique Seux et Thomas Piketty est totalement inaudible, M. Piketty étant incapable de laisser M. Seux finir ses phrases. Les invectives et les accusations dont il fait preuve envers un économiste qui n’a pas les mêmes opinions que lui sont lamentables et n’ont rien à faire dans cette émission. Il serait temps qu’il comprenne que l’antenne de France Inter n’est pas sa tribune politique personnelle. Le regretté Bernard Maris a été le contradicteur de Dominique Seux et il y avait beaucoup de respect entre eux, même s’ils n’étaient pas du tout d’accord. Un débat est un moment d’échange et d’argumentation des opinions, pas une cour d’école.
Je me doute que mon message n’aura aucun effet, c’est la première fois que je prends la parole en 30 ans, c’est vous dire à quel point cette émission devient inaudible. »
« Voilà ce qu’entend l’auditeur moyen lors du « débat économique » : une cacophonie innommable, la « crème des économistes » qui n’ont jamais appris à s’exprimer dans une émission, dont l’égo est tellement gonflé qu’ils n’écoutent même pas le confrère, qu’ils passent leur temps à se couper la parole. »
« Je suis un auditeur assidu de la matinale. Je dois cependant avouer que j’ai envie de zapper tous les vendredis matin vers 07h50 quand le débat Seux-Piketty commence. Non pas qu’il ne soit pas de mon intérêt mais il est souvent incompréhensible car ils ne font que se couper la parole et cela devient un brouhaha inaudible. Juste un petit effort de leur part serait appréciable. »
« Thomas Piketty est insupportable et ne respecte ni les auditeurs ni son partenaire Dominique Seux. Il faut équilibrer le débat et faire respecter les règles d’un véritable débat. »
La programmation musicale sur France Culture les jours de grève
Dans son billet d’humeur vendredi 24 mars sur France Culture, Guillaume Erner partageait des courriers d’auditeurs se plaignant de la programmation musicale diffusée pendant les grèves sur l’antenne. D’autres auditeurs ont écrit à leur tour pour partager leur avis. A la lecture des messages un constat s’impose : les jours de grève la programmation musicale de France Culture divise les auditeurs en deux camps très équilibrés : 50% sont enchantés et 50% n’apprécient pas.
Il est normal que les auditeurs aient des goûts différents en matière de musique. Une radio doit avant tout avoir une ligne claire et cohérente dans la programmation musicale, en prenant en compte les différents genres, les nouveautés et les classiques. Cependant, qu’ils apprécient ou non la programmation les jours de grève, les auditeurs mentionnent un manque de diversité dans les titres proposés, une bande sonore assez répétitive, et souhaiteraient une prise en compte des différents genres musicaux, des nouveautés et des classiques :
« J’écoute beaucoup France Culture, donc aussi les jours de grève, et malheureusement ce sont toujours les mêmes morceaux qui passent, que je finis par ne plus supporter, dommage, vraiment dommage… »
« Je vous le précise tout de suite, je suis une de vos fans. Je vous contacte à propos du programme musical que vous avez évoqué lors d’un récent billet du matin. J’ai 68 ans et j’aime beaucoup le programme musical de grève. Je découvre des chanteuses et chanteurs que je n’ai pas forcément l’habitude d’entendre, et ça me fait du bien cette ouverture. Une petite critique, toutefois, ce serait pas mal de renouveler, même si j’imagine bien que c’est un travail colossal. »
Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes
* “baromètre sur l’utilité du journalisme” réalisé chaque année par Viavoice en partenariat avec Radio France, France Télévisions, France Médias Monde et Ouest France