​​​​​​​​​​​​​​
L’Ukraine :

  1. Une couverture éditoriale remarquable
  2. La situation vue par les auditeurs
  3. « Kiev » ou « Kyiv » ?
  4. Les risques nucléaires
  5. L’analyse de Boris Cyrulnik, invité du Grand entretien de France Inter
  6. La guerre écrase le reste de l’actualité
  7. Yvan Colonna
  8. La situation en Corse
  9. Débattre avec le président candidat ?
  10. Débat de l’actu : le dossier des retraites
  11. Covid : la fin du port du masque
  12. « Accords d’Evian, 60 ans de non-dits »
  13. Coup de cœur des auditeurs : le podcast de Philippe Collin, « Le fantôme de Philippe Pétain »
  14. Les anglicismes
  15. La langue française

Les chaînes de l’actualité 

Dans le « Dialogue des morts », Fénelon écrit que : « La guerre est un mal qui déshonore le genre humain ». Dans les messages qu’ils nous adressent, les auditeurs écrivent que la couverture journalistique de la guerre en Ukraine honore pleinement les équipes de Radio France : 

« Je vous adresse un message d’une part pour apporter tout mon soutien aux envoyés spéciaux de Radio France en Ukraine qui risquent leur vie pour nous informer, et d’autre part pour la qualité de vos émissions, en particulier le podcast quotidien sur la guerre en Ukraine. Vous nous permettez ainsi d’accéder à une information la plus objective possible.»     

« Merci à Franceinfo pour la couverture de la guerre d’Ukraine, de la part d’un auditeur de France Culture et lecteur du Monde ! Le ton, les analyses, les personnes interviewées, les reportages, sont le plus souvent remarquables. » 

« Un grand merci pour vos émissions Interception, en particulier pour celle d’aujourd’hui sur l’Ukraine. Je suis triste mais je garde espoir grâce à ce que j’entends sur vos ondes du courage des Ukrainiens. Respect et admiration. »  

« Je souhaitais simplement remercier le travail de France Culture au sujet du traitement de l’information ainsi que tous les programmes relatifs à l’Ukraine. Nous abordons le conflit avec vous de façon totalement différente et intelligente en laissant toute la place aux populations vivant le conflit et non aux politiques et politologues donneurs de leçons. Votre approche sensible m’a bouleversée. Merci d’avoir retransmis la soirée de soutien à l’Ukraine organisée par Stanislas Nordey. »  

Comme l’indique la direction de Radio France : « Depuis le début du conflit, la couverture par nos antennes bénéficie d’un dispositif exceptionnel. Radio France n’a jamais eu autant de journalistes et techniciens dans un pays en guerre en même temps. Nous avons 5 équipes en Ukraine et des équipes aux frontières ; 25 reporters et techniciens sont ou ont ainsi été mobilisés en Ukraine et dans les pays voisins. À Kiev et dans sa banlieue, à Lviv et à Odessa, sur les routes de l’exil, sur les points névralgiques du conflit, dans les capitales des grandes puissances et à Paris, la mobilisation de la direction de l’information internationale et de l’ensemble des rédactions permet d’offrir à nos auditeurs une information d’une très grande qualité. Nous pouvons ainsi traiter de cette crise dans toutes ses dimensions, militaires et géopolitiques bien sûr mais aussi humaines avec les Ukrainiens réfugiés, aux frontières, dans les villes, ou bien encore sportives ainsi que des conséquences économiques et politiques pour la France, l’Europe et le monde. » 

Sur la page radiofrance.fr/monde, retrouvez une sélection de sujets et de reportages de la direction de l’information internationale. Sur Twitter, vous pouvez suivre le compte @int3rnationalRF ; ce compte relaie les tweets de nos consœurs et confrères. 

« Kiev » ou « Kyiv » ?   

Comment prononcer le nom de la capitale ukrainienne lorsque ses quatre lettres sont porteuses d’un lourd symbole politique ? Des médias ont choisi : la BBC et la plupart des grands médias anglo-saxons, le journal danois Jyllands-Posten et Libération n’utilisent plus le nom « Kiev », venu du russe, pour désigner la capitale de l’Ukraine, lui préférant son appellation ukrainienne « Kyiv ».   

Des voix d’auditeurs s’élèvent pour l’adoption de cette appellation, enjeu identitaire pour les autorités ukrainiennes :  

« Depuis que j’ai appris que Kiev était le nom russe de la capitale ukrainienne je suis choquée d’entendre la plupart des journalistes utiliser ce nom… Il me semble que dire KYIV serait plus respectueux vis-à-vis des Ukrainiens ! »  

« J’entends nombre de journalistes dire “Kiev”. Ceci n’est aucunement une critique. Mais les Ukrainiens ont demandé que l’on essaie de dire « KYIV » (KIVE) et non « Kiev ». Kiev est le nom donné par la Russie (historiquement). Kyiv (et prononcer : KIVE) est le nom Ukrainien. Je pense que la résistance passe aussi par la langue et le langage. »   

« J’ai vu circuler plusieurs appels d’Ukrainiens et Ukrainiennes qui appelaient les médias français à ne plus désigner la capitale ukrainienne par « Kiev », son nom russe, mais par « Kiyv », son nom ukrainien, par solidarité avec eux. De nombreux médias ont déjà opéré ce changement, est-il possible que vous le fassiez également sur vos antennes ? »  

A Radio France, les directions des chaînes ont fait le choix de prononcer à la française la capitale ukrainienne « Kiev » (forme phonétique /kjɛf/ ou /kjɛv/) car « Kyiv » (forme phonétique /Kyïv/ ou /Kyiv/) acte un engagement militant et politique.  

En France, « Kiev » est un exonyme, c’est à dire le nom géographique utilisé dans notre langue courante pour désigner un lieu situé en dehors de notre territoire national, qui diffère de celui donné par ceux qui y résident, par exemple “Florence” est l’exonyme de “Firenze”, “Parigi » est l’exonyme italien de “Paris”. 

« Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons jamais dire Kyiv dans les reportages et les directs de nos envoyés spéciaux, mais simplement il faut expliquer, comme l’a encore récemment fait Omar Ouahmane, que c’est comme ça que les Ukrainiens souhaitent désormais appeler leur capitale » précise Matthieu Mondoloni, directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo.   

L’Ukraine écrase tout 

L’invasion russe de l’Ukraine relègue le reste de l’actualité au second plan et pèse lourdement dans la campagne présidentielle, au grand dam de certains auditeurs. Ils comprennent la nécessité absolue de couvrir ce conflit en regrettant qu’il occulte d’autres informations internationales comme la crise humanitaire en Afghanistan, le conflit au Haut-Karabagh, les jihadistes de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) responsables d’attaques meurtrières récurrentes dans l’ouest du pays ou encore le dernier rapport du GIEC. Mais surtout, ils regrettent que ce conflit écrase à ce point la campagne présidentielle :  

« La guerre en Ukraine a bien évidemment bouleversé le traitement de l’information de tous les médias français, mais au bout de quinze jours les analyses sur ce sujet semblent tourner en rond, et surtout prendre l’intégralité de l’espace médiatique, en particulier sur Radio France, au détriment de la campagne présidentielle. (…) N’avez-vous pas peur de participer activement à l’enjambement de ce scrutin présidentiel, et ainsi de contribuer à l’affaiblissement de notre démocratie ? Est-ce que Radio France est prête assumer que la présidentielle n’est plus un sujet d’information, et que le président de la République sera mécaniquement réélu faute de débats ? L’élection est déjà jouée d’avance, donc c’est un non sujet ? » 

« Depuis l’attaque de l’Ukraine, on entend beaucoup dire que la campagne électorale risque de tomber à l’eau ; c’est en partie de la responsabilité des médias, et particulièrement du service public que ce ne soit pas le cas, la démocratie ne consiste pas seulement à mettre son bulletin dans l’urne ; l’élection doit être précédée d’une vraie campagne électorale, sinon il s’agit d’une démocratie purement formelle et une parodie d’élection. C’est très bien de nous parler de la guerre en Ukraine, mais puisqu’il reste assez de temps d’antenne pour nous parler des buts de M’Bappé, j’ose espérer que l’on continuera à parler de l’élection présidentielle. » 

« Les informations et invités se suivent autour de la « guerre » du moment qui finit par accaparer le temps d’antenne. Il me semble que cette situation a une part d’explicable journalistiquement quand on souhaite en partager des clés de compréhension avec les auditeurs. Mais pour les auditeurs cette exclusivité a pour effet d’éloigner d’autres préoccupations de la parole médiatique : la campagne présidentielle, les effets sociaux de la hausse des prix (pas seulement ceux liés à la guerre), l’environnement (rapport du GIEC). Je pense que ces sujets ne peuvent être traités comme négligeables ; et négligeables, ils le sont devenus sur vos antennes. (…). Les thèmes d’une guerre sont extensibles à l’envie (comme il en est toujours face à un conflit), mais on voit les effets immédiats de cette exclusivité. (…) Il en va de l’information démocratique. Le peuple a des choix à faire ; ils sont liés à la campagne présidentielle qui doit avoir une place autrement plus importante sur vos antennes. » 

Comment se déroule l’arbitrage pour traiter davantage une information qu’une autre ? Peut-on réellement équilibrer l’éditorial dans un tel contexte ? Nous poserons ces questions à Matthieu Mondoloni, directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo dimanche à 11h51 dans le rendez-vous de la médiatrice. 

Rarement sous la Vème République, campagne présidentielle n’aura donné autant l’impression d’être comme happée par l’actualité et de se dérouler dans un contexte de crises : de la guerre en Ukraine, à la pandémie de Covid-19, en passant par les questions de pouvoir d’achat, la flambée des prix de l’énergie, les retraites, et à présent la Corse. 

Car en effet, après un débat sur l’âge du départ à la retraite lancé par la campagne Macron – dossier sur lequel les auditeurs s’expriment très largement, leurs messages sont à lire ici – les candidats à la présidentielle, et les auditeurs, se sont emparés cette semaine de l’explosive question corse.  

La situation en Corse  

Depuis la violente agression d’Yvan Colonna, le 2 mars à la prison d’Arles, où il purge une peine de prison à perpétuité pour sa participation à l’assassinat du préfet Erignac en 1998 à Ajaccio, les tensions ne faiblissent pas sur l’île. La crise a atteint un pic dimanche à Bastia avec des heurts très violents qui ont fait 130 blessés parmi les forces de l’ordre. 
En lâchant le mot « autonomie » pour l’île de Beauté, le gouvernement a imposé cette semaine un nouveau dossier sensible dans la campagne. Dossier sur lequel les auditeurs qui nous écrivent ont un avis tranché : 

« Ça se Corse…  
Ils la veulent leur indépendance ?  
Qu’ils la votent… !  
Adonnons-nous encore à un exercice tout en nuance et finesse, à l’image de ces insulaires bornés à leurs violences !  
Comme en Nouvelle-Calédonie, proposons aux Corses d’opter ou non par référendum pour l‘indépendance !  
Plus rien à faire de ces pseudo compatriotes qui érigent en héros un terroriste- assassin-d’un-préfet-de-deux-balles-dans-le-dos dans un contexte où ils surplombent, comme secondaire, un tout autre drame qui se joue en Europe, pourtant bien plus préoccupant que les petits jeux nombrilistes de jeunes écervelés. Décidément, le crime paie ! (…) » 

« Autant donner aux Corses l’indépendance. Incroyable comme on absout le nationalisme corse, alors qu’on vilipende celui de Zemmour et Le Pen. Mais c’est la même engeance.  
Ayant vécu dans pas mal de parties de la France Outremer et îlaise, mais en Corse c’est la première fois que j’ai eu le sentiment de ne pouvoir dire ce que je pensais.  
Les Corses se comportent comme des enfants gâtés à qui tout est dû, et s’adonnent volontiers à la violence.  
Ils sont à part, soit ; qu’ils restent entre eux tels de bons nationalistes.  
Quant à moi j’aimerais bien que mes impôts aillent plutôt vers des régions plus démunies en métropole et plus respectueuses du droit et de la diversité. » 

« Je suis surprise des propos entendus ce matin sur vos ondes de la part d’une jeune femme corse. Cette personne indique qu’on a maltraité ses grands-parents afin qu’ils utilisent le langue française et non corse et que cela s’apparente à de la colonisation… Je suis dauphinoise et mes grands-parents également ont été obligés d’abandonner leur patois au profit de la langue française avec des tapes et des punitions. La Corse n’est pas unique et comment fait-on l’unité d’un pays si la langue est différente ? » 

Le statut d’Yvan Colonna 

Sur un plan éditorial, nous avons également reçu au sujet d’Yvan Colonna, des messages d’auditeurs formulant tous le même reproche :  

« Je suis surpris que Yvan Colonna soit régulièrement présenté comme leader indépendantiste sans que ne soit fait mention de sa condamnation ferme comme assassin d’un préfet de la république et donc comme terroriste. Peut-être ai-je raté une réhabilitation, un procès en révision ou des nouveautés permettant de l’innocenter ? Si ce traitement a pour but de calmer les réactions violentes en Corse, ça ne fonctionne pas… ça conforte les manifestants que le traitement d’Yvan Colonna dans une prison pour terroriste est injuste. » 

« Ce matin, Yvan Colonna est qualifié de militant nationaliste. Il est donné l’impression qu’il est emprisonné comme un prisonnier politique. C’est faux. Il est en prison pour l’assassinat d’un préfet. » 

« J’ai écouté votre antenne et j’ai entendu une information qui m’a fait bondir : le journaliste parlait de manifestations en Corse « en soutien à Yvan Colonna, le militant indépendantiste corse ».  

Comment peut-on qualifier en premier lieu ce monsieur de militant indépendantiste alors qu’il a été condamné pour le meurtre d’un préfet, c’est-à-dire pour la négation même de la République ?  
Ce qui est, à mon sens, le crime le plus grave est le plus menaçant qu’on puisse trouver dans un pays démocratique.  
Non, Yvan Colonna n’est pas en premier lieu « un militant indépendantiste », c’est en premier lieu un criminel, l’assassin d’un préfet de la République.  
Et c’est d’abord ainsi qu’il convient de le qualifier lorsqu’on ajoute une précision à son nom. » 

Ces remarques sont-elles fondées ? Nous y reviendrons dimanche à 11h51 dans le rendez-vous de la médiatrice sur Franceinfo. 

Débattre avec le président-candidat ? 

Tous les adversaires d’Emmanuel Macron s’accordent pour dénoncer son refus de débattre directement avec eux avant le premier tour. Le chef de l’Etat justifie sa décision par le fait que les autres présidents sortants en lice pour un second mandat ne s’étaient pas prêtés à l’exercice. Qu’en pensent les auditeurs ? Le sujet les intéresse et ils ont souhaité nous faire connaître leur point de vue. Sur la question, ils sont unanimes : 

« Non ! Un président de la République en exercice n’a pas à débattre avec une cohorte de candidats à l’élection présidentielle. C’est au second tour que le vrai débat doit avoir lieu ! » 

« Reprenant le reproche de tous les candidats à l’élection présidentielle à savoir le fait que E. Macron ne débattrait pas avec eux avant le 1er tour, vos journalistes ont une fois de plus remis le couvert. Ont-ils la mémoire assez courte pour ne pas se souvenir que ni Mitterrand, ni Chirac, ni Sarkozy, n’ont débattu avec leurs concurrents directs avant le 1er tour et, de plus, sans avoir eu à gérer une pandémie et une guerre en Europe tout en étant président de l’Union européenne ! Il y a de quoi être consterné devant de tels reproches d’anti-démocratie. » 

« Les journalistes demandent à M. Macron de débattre avec 10 autres candidats. Pourquoi ne pas demander la même chose aux autres candidats ? Cela ferait « seulement » 110 débats à organiser. Évidemment totalement irréaliste et jamais vu ! Alors cessons de harceler le président et acceptons que chaque candidat présente ses idées sans débat avant le premier tour et le débat aura lieu après le 1er tour entre les deux premiers candidats. » 

« Pourquoi des questions si insidieuses de vos journalistes pour provoquer un débat sur la guerre en Ukraine avec onze candidats, qui d’avance serait foireux. Quand on est dans l’urgence, le rôle d’un président est de gérer les affaires urgentes, plutôt que perdre son temps à des débats stériles. » 

« Je ne suis pas macroniste, arrêtez de vouloir que Macron débatte avant le second tour. Cela n’intéresse que les journalistes. Ce qui m’intéresse, c’est uniquement le programme de chacun des postulants, mais pas une foire d’empoigne du type Pécresse-Zemmour. » 

« De Verdun à Vichy » 

Après Napoléon et Molière, Philippe Collin, producteur à France Inter, revient sur le parcours de Philippe Pétain afin de décomplexifier la vie hors normes du héros de Verdun et du chef du régime de Vichy. Dans une série en dix épisodes, intitulée « Le fantôme de Philippe Pétain », Philippe Collin mène un travail de réflexion avec douze historiens, éminents spécialistes de cette période, incarnant toutes les chapelles de l’université française. Une réalisation brillante saluée par les auditeurs :  

« Je veux remercier M. Philippe Collin pour l’exceptionnelle qualité de sa série sur le Maréchal Pétain. C’est un document essentiel auquel il convient de donner la plus grande diffusion possible. Merci infiniment pour cette magistrale série qui fait honneur à l’Histoire et à Radio France. » 

« Superbe podcast de France Inter Le fantôme de Philippe Pétain. Dense (10h), éclairant, souvent terrifiant et édifiant sur la période que nous vivons actuellement. » 

« Très bon podcast, bien documenté, bien argumenté. Très instructif !!! » 

« Ces dix podcasts sont d’une grande exigence. » 

« Cette série est exceptionnelle ! Merci France Inter, Merci Philippe Collin. »  

« Le fantôme de Philippe Pétain » fait également l’objet d’une publication richement documentée. Ce livre Flammarion / France Inter décortique les rouages de la France de Vichy, « ce passé qui ne passe pas » pour paraphraser l’historien Henry Rousso que l’on retrouve également au fil de ce livre et de cette série de podcasts en dix épisodes produits par France Inter et disponible sur l’application Radio France et sur le site de la chaîne.  

Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes de Radio France