1. Nouveau pape, « vous en faites trop »
2. Léon XIV, « premier pape américain » ?
3. « Les visages de l’actu », le podcast de France Culture
4. Rachida Dati dans le Grand entretien de France Inter
5. La fin de vie
6. « Pédophile » versus « Pédocriminel »
7. Merci Julie Gacon
8. Le procès Kardashian
9. « Y a-t-il des cours de français dans les écoles de journalisme ? »
Léon XIV, « vous en faites trop »
La couverture éditoriale accordée par France Inter et Franceinfo à l’élection du nouveau pape et, plus largement, la place accordée à l’actualité religieuse ces dernières semaines génèrent de nombreux messages d’auditeurs.
Beaucoup expriment leur incompréhension face à ce qu’ils perçoivent comme un déséquilibre dans le traitement de l’information, jugé excessif, au point de bousculer la grille, comme en témoigne l’absence du journal de 19h sur France Inter, le soir du 8 mai, remplacé par une émission spéciale en direct de Rome. Ce choix est perçu comme un effacement de l’actualité nationale et internationale – notamment les conflits, les commémorations ou des faits sociaux graves – au profit d’un événement religieux concernant une partie seulement de la population.
Certains auditeurs vont plus loin, interrogeant ce qu’ils perçoivent comme un glissement vers une « parole communautaire », à rebours du principe de neutralité qui devrait, selon eux, guider les antennes du service public. Ils regrettent un ton parfois trop impliqué, une absence de distance critique, et auraient souhaité une information plus équilibrée et diversifiée.
Léon XIV, « premier pape américain » ?
L’emploi répété, sur les antennes de Radio France, du terme « pape américain » pour désigner Léon XIV, nouveau souverain pontife originaire des États-Unis contrarie les auditeurs. Ils dénoncent une confusion récurrente entre « Américain » au sens continental – qui englobe l’Amérique du Nord, centrale et du Sud – et « Américain » dans le sens restreint de citoyen des États-Unis. Cette imprécision linguistique n’est, selon eux, pas anodine : elle trahit une vision du monde centrée sur les États-Unis, perçue comme géopolitiquement biaisée et culturellement dominée par l’influence états-unienne.
Les auditeurs rappellent que le pape François, Argentin, était lui aussi un pape américain, et que présenter Léon XIV comme « le premier » revient à effacer tout un continent au profit d’une seule nation. Pour beaucoup, il ne s’agit pas seulement d’un abus de langage, mais d’un manque de rigueur, voire d’une forme d’alignement symbolique sur une conception hégémonique du monde, dans laquelle « Amérique » devient synonyme d’ « États-Unis ».
Ils appellent les journalistes à plus de précision et de responsabilité dans le choix des mots, et les invitent à privilégier le terme « étatsunien », plus juste et conforme à la réalité géographique et politique. Certains regrettent que, malgré les messages récurrents envoyés à ce sujet, cette erreur perdure sur les antennes du service public. Nous avons en effet déjà signalé, dans un article à lire ici, que cet usage réducteur peut être perçu comme une forme d’impérialisme culturel et un manque de considération pour tous les autres pays du continent, comme le Mexique, le Brésil, le Canada, etc.
Le podcast « Les visages de l’actu » sur France Culture
Dans ce podcast, Guillaume Erner invite des chercheurs et des journalistes à donner des repères pour mieux comprendre l’itinéraire de personnalités qui font l’actualité, le parcours qui les a conduits à occuper des positions de premier plan et les enjeux qu’ils incarnent. On y retrouve, Elon Musk, Abou Mohammed Al Joulani, Alice Weidel, JD Vance, Jordan Bardella.
La promotion répétée de la série consacrée au président du RN n’est pas passée inaperçue auprès des auditeurs. Certains considèrent que la fréquence des annonces et le ton très enjoué de la campagne publicitaire normalise l’extrême droite. D’autres questionnent ce choix éditorial, y voient une forme de légitimation de ce parti par la chaîne et estiment que lui donner cette visibilité favorise son accession au pouvoir.
Après la lecture de ces messages, nous avons donc proposé à Guillaume Erner de venir expliquer l’ambition éditoriale des « Visages de l’actu » dans le rendez-vous de la médiatrice ce vendredi 16 mai sur France Culture à 18h50 dans l’émission de Quentin Lafay.
Rachida Dati invitée du 8h20 sur France Inter le 7 mai dernier
De nombreux auditeurs se disent consternés et indignés par les attaques de Rachida Dati contre Radio France, contre France Inter, qu’elle décrit comme un « club » qui ne s’adresse qu’aux classes supérieures. Beaucoup soulignent leur attachement profond à « leur radio » de service public qui, selon eux, incarne la diversité culturelle et sociale, et qui s’adresse bel et bien à toutes les catégories de la population — des paysans aux artisans, des jeunes aux personnes âgées, des ruraux aux urbains. Certains s’élèvent contre l’idée que Radio France ne parlerait qu’à une élite parisienne, rappelant que l’écoute de ces radios se transmet de génération en génération, bien au-delà des grandes villes.
Sa volonté de réforme de l’audiovisuel public par la création d’une holding regroupant Radio France et France Télévisions, est largement rejetée, perçue comme une volonté de contrôle ou d’uniformisation et une attaque contre la diversité et la qualité du service public de la radio.
Les auditeurs dénoncent également le discours empreint de mépris de Rachida Dati, et pointent une méconnaissance manifeste du rôle et de la mission de la radio de service public, perçu comme un repère essentiel dans un monde complexe. Ils appellent à défendre fermement » l’indépendance » et » la qualité des antennes de Radio France« .
La fin de vie
Dans un récit, à la fois bouleversant et très détaillé, diffusé lundi matin sur Franceinfo, un homme raconte comment il a aidé son père à mourir.
Les messages reçus à la suite de ce témoignage révèlent une société profondément divisée sur la question de la fin de vie et du droit à mourir. Ils mettent en lumière la complexité éthique, émotionnelle et politique du sujet, mais aussi la nécessité, pour les journalistes, de l’aborder avec nuance et pluralité de points de vue.
Des auditeurs saluent un témoignage « courageux », « sincère » et « nécessaire », porteur d’une parole trop souvent tue en France. Pour eux, l’aide à mourir, dans des cas de maladies incurables et dégénératives, devrait faire partie des options accessibles, offrant aux patients une forme de liberté et de dignité dans l’ultime étape de leur vie. Ce droit, selon eux, soulagerait autant la personne concernée que ses proches, souvent impuissants face à des souffrances extrêmes.
À l’inverse, d’autres auditeurs expriment un profond malaise. Le traitement serait complaisant et trop descriptif. Ils dénoncent la diffusion de détails concrets sur les moyens de contourner la loi, estimant que cela peut servir de « mode d’emploi » dangereux. Ils s’inquiètent aussi de l’absence perçue de débat contradictoire et redoutent plus globalement une « banalisation de l’acte » et une dérive vers un modèle individualiste et marchand de la fin de vie.
Des auditeurs ont aussi abordé la question sous un angle plus philosophique ou politique : si le droit à mourir peut être envisagé comme un prolongement des valeurs républicaines de « liberté et de fraternité », il ne peut cependant être détaché du contexte social. Dans un monde où les plus fragiles ont déjà difficilement accès aux soins, la légalisation de l’aide à mourir, sans une réflexion de fond sur les conditions de vie et d’accompagnement, pourrait, selon eux, faire glisser le débat vers une pression implicite à « ne pas peser » sur les proches ou la société.
Samedi à 13h20 et 16h20, avec Florent Guyotat directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo, nous aborderons plusieurs questions soulevées par ces réactions : quelle était l’intention éditoriale en donnant la parole à ce fils ? La rédaction avait-elle anticipé que ce récit pourrait provoquer des réactions aussi contrastées ? Pourquoi avoir choisi de conserver autant de détails concrets sur le mode opératoire de ce suicide assisté ? Nous évoquerons aussi les inquiétudes de certains auditeurs qui redoutent un effet de « mode d’emploi ». La rédaction a-t-elle donné à entendre des points de vue divergents, notamment celui de soignants ou de professionnels de santé opposés à l’aide active à mourir ? Autant de questions que nous poserons pour éclairer les choix éditoriaux de la rédaction.
« Pédophilie » versus « Pédocriminalité »
L’usage souvent imprécis des termes « pédophilie » et « pédocriminalité » sur les antennes de Radio France est un reproche constant de la part des auditeurs. Ils se disent en effet indignés par l’emploi répété du mot « pédophilie », quand il est question d’actes criminels commis contre des enfants. Pour beaucoup, l’usage du terme « pédocriminalité » est non seulement plus exact juridiquement, mais aussi déterminant pour reconnaître la gravité des faits et ne pas en atténuer la violence. Le vocabulaire est porteur d’un enjeu symbolique : parler de « pédophilie », c’est maintenir une confusion entre attirance et crime, alors que « pédocriminalité » nomme clairement les faits pour ce qu’ils sont.
Les auditeurs dénoncent ainsi une forme de « minimisation », en particulier lorsqu’un journaliste laisse passer des propos ambigus, n’intervient pas pour corriger des formulations approximatives ou emploie lui-même le mot « pédophilie » alors qu’il s’agit de « pédocriminalité ».
Les auditeurs insistent sur la responsabilité particulière des journalistes dans la manière dont les violences faites aux enfants sont nommées, comprises et perçues. La distinction des termes « pédophilie » et « pédocriminalité » sur les antennes est donc essentielle, comme l’explique Carine Durrieu-Diebolt, avocate spécialiste des droits des femmes et des enfants victimes de violence, à écouter ici.
Le procès Kardashian
L’évocation du procès Kardashian sur France Inter et Franceinfo étonne des auditeurs. Ils déplorent un traitement qu’ils jugent sensationnaliste, disproportionné, voire indécent, en particulier lorsque le sujet est présenté comme “glamour” dans un journal, alors qu’il s’agit d’une agression violente.
Les messages traduisent une incompréhension : « Pourquoi en parler ? ». Ils perçoivent le traitement de cette actualité comme une « peopolisation de l’information », incompatible selon eux avec l’exigence et la rigueur attendues du service public. Pour certains, accorder une telle visibilité à une célébrité de téléréalité, en relayant des « détails futiles » ou « anecdotiques », revient à délaisser des sujets jugés plus importants. Ils attendent de leur radio des choix éditoriaux « plus sérieux », à la hauteur de leur confiance et de leur attachement à une information de qualité.
« Y a-t-il des cours de français dans les écoles de journalisme ? »
Accords négligés, liaisons hasardeuses, formulations maladroites, chaque jour des auditeurs écrivent pour signaler des fautes de français entendues sur les antennes de Radio France. Ils expriment leur perplexité quant au niveau de langue de certains journalistes, et s’interrogent sur le contenu des formations en école de journalisme : les futurs professionnels reçoivent-ils un enseignement spécifique en français ? La question a été posée à huit des quinze écoles de journalisme reconnues par la profession, l’article est à lire ici.
Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes de Radio France