Voici les principales thématiques abordées par les auditeurs dans leurs courriels envoyés du 31 janvier au 4 février 2022.

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1. « Zone interdite » : journaliste et témoin menacés

2. Canada : le convoi de la liberté

3. Covid-19
4. La Primaire populaire
​​​​​​​5. Le scandale Orpea
6. Brigitte Bourguignon, invitée du 7h50 de France Inter
7. Bruno Retailleau, invité du Grand entretien de France Inter

8. Les 4 saisons de La Terre au carré : l’hiver dans les Pyrénées
9. Une jeunesse plurielle : enquête auprès des 18-24 ans

10. Pêle-Mêle de remarques d’auditeurs
11. « Passion Sapho » dans Boomerang

12. La langue française
​​​​​​​13. Absence d’Alain Finkielkraut : le mot de Sandrine Treiner

La liberté d’informer  

Des colères multiples aux dangers pesant sur la liberté d’informer, l’actualité a beaucoup fait réagir les auditeurs cette semaine : le scandale Orpea, la Primaire populaire avec une gauche éclatée, les tensions à Ottawa et surtout les menaces de mort à l’encontre d’une journaliste et du témoin dans une enquête. Cette dernière affaire nous invite au questionnement.
Imagine-t-on vivre dans un pays où nous ne serions plus informés de ce qui se passe ?  
Un pays où émergeraient des zones de non-reportages par peur des représailles ?  
Un pays où, au fil des mois et des années, un journaliste renoncerait à traiter certains sujets par crainte de voir sa vie menacée ?  
Un pays où pour avoir simplement tendu un micro et réalisé des interviews des reporters seraient astreints à une protection policière ? 
Un pays dans lequel ses propres journalistes seraient davantage en péril que dans des zones de guerre ?  

La réponse à plusieurs de ces questions se traduit déjà de façon tangible sous nos yeux. Avec une nouvelle illustration ces derniers jours. 

Après la diffusion, le 23 janvier dernier, d’un reportage sur l’islamisme dans la ville de Roubaix, proposé par « Zone interdite » sur M6, la présentatrice Ophélie Meunier et un roubaisien, Amine Elbahi, témoin dans l’émission, ont reçu de nombreuses menaces sur les réseaux sociaux, avec l’évocation de mort par décapitation.  
Ils ont été placés sous protection policière. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a indiqué, samedi, sur Twitter : « J’ai donné instruction qu’à chaque fois qu’un journaliste fait l’objet de menaces caractérisées, il bénéficie d’une protection policière”. 
« Les journalistes et les personnes qui ont témoigné dans ce reportage ont été soutenus, leurs plaintes sont instruites. J’ai donné des moyens extrêmement importants pour que les auteurs de ces menaces soient retrouvés », a-t-il ensuite déclaré lundi, en rappelant que des protections policières avaient été  » décidées« .   
« Nous encourageons le métier de journaliste. Nous disons que, quelles que soient les opinions qu’on peut avoir sur tel ou tel reportage, en France, on peut diffuser ce qu’on souhaite et surtout que tous les moyens doivent être mis pour retrouver les auteurs qui, je l’espère, seront fortement condamnés par la justice », a ajouté Gérald Darmanin. 

Cette actualité a vivement fait réagir les auditeurs qui, en début de semaine, ont fait part de leur incompréhension, s’étonnant de ne pas entendre de réactions de soutien sur les antennes de Radio France : 

« Je suis étonné que France Inter ne soutienne pas une femme journaliste menacée de mort. En l’occurrence, il s’agit de Madame Ophélie Meunier. J’ai écouté France Inter, regardé attentivement sur votre site Internet, rien… Ah si, un billet d’humour de Sophia Aram. Je suppute donc que ces menaces de mort contre une femme journaliste sont classées par le service public radiophonique parmi les sujets drôles, abordés donc par une humoriste, mais pas sérieux et que, par conséquent, elles ne font pas et ne feront pas d’analyses, de reportages, d’édito de la part des journalistes de France Inter. C’est grandement dommage, même si on ne s’étonne pas. »  

« J’écoutais Franceinfo hier soir : pas un mot sur les menaces de mort contre la journaliste Ophélie Meunier ou l’avocat Amine Elbahi ! Une consœur qui n’a pourtant fait que son travail, est menacée de mort et vous demeurez tragiquement silencieux. Auriez-vous peur de l’Islam dit “radical” ? A cause de votre silence, de la lâcheté face à la réalité de cet Islam qui progresse dans notre pays, il y aura encore plus de têtes coupées demain et de poupées sans visage… » 

« On voudrait savoir quand les journalistes de France Culture auront le courage d’évoquer les suites du reportage de M6 sur l’islamisation galopante de la France de ses villes de ses quartiers, le copinage délétère de tant de maires avec cette idéologie, l’extrême bienveillance d’une grande partie de la gauche à l’égard de ce phénomène gravissime, la couardise des journalistes si prompts à dénoncer les atteintes aux droits de l’homme mais curieusement atones quand l’une de leur consœurs, Ophélie Meunier est menacée de mort pour avoir présenté l’émission en question. » 

« Officiellement je ne trouve pas sur votre site de soutien de la Société Des Journalistes à Ophélie Meunier. Etrange, choquant. Certainement un oubli… »  

Ces critiques très virulentes sont-elles fondées ?  

Dès mardi, Radio France a fait une déclaration pour témoigner de son plein soutien : 
« Radio France tient à apporter sa totale solidarité à la journaliste Ophélie Meunier, présentatrice de « Zone interdite », émission de reportage de M6, victime de menaces de mort et placée sous protection policière après la diffusion d’une enquête sur l’islamisme. Radio France apporte également son soutien amical à toutes les équipes de la chaîne M6. La liberté de l’information est l’un des fondements de la démocratie. Radio France condamne fermement les appels à la haine, les actes de violence et les menaces répétées dont les journalistes et les personnes interrogées dans les reportages, font régulièrement l’objet.” 

Le même jour, la SDJ (Société des Journalistes) de Radio France a tweeté en soutien à la SDJ de M6 : « Les menaces contre des journalistes sont inacceptables. S’il s’estime mis en cause, la loi offre à chaque citoyen le moyen de contester les méthodes et la déontologie d’un travail journalistique. Rien ne justifie la violence. » 

Nous avons fait le relevé dans cette Lettre des différents sujets consacrés à cette affaire – toutes les antennes y ont fait référence – et, comme l’a affirmé avec force mercredi Sonia Devillers dans « L’instant M » où elle a donné la parole à Tony Comiti, journaliste et producteur et Amine Elbahi, juriste, militant associatif et témoin dans l’émission: « Quoi qu’on pense de ce reportage – qui agitait les réseaux plusieurs jours avant sa diffusion – la liberté de questionner, d’enquêter, de s’exprimer, d’informer ne cèdera pas à la terreur. La profession est unanime. » 

Car en effet il en va de la liberté de la presse. Or, pour tout citoyen, être informé est un droit, comme le mentionne en préambule la Charte de déontologie de Munich, également appelée Déclaration des devoirs et des droits des journalistes et qui stipule : « Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain. Ce droit du public de connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes ». 

Une société démocratique veille donc à garantir la liberté d’expression et de communication et le droit de ses concitoyens à bénéficier de l’information nécessaire à la vie en communauté, au sein de la Cité afin de permettre la libre circulation des idées et de porter les faits à la connaissance de tous. La liberté de chacun, citoyen, journaliste, média, n’a pour limite que le cadre législatif qui précise et qualifie les abus portant atteinte à la collectivité ou à autrui. 
L’exercice de la liberté d’expression est l’une des conditions de la démocratie. Ainsi, pour tout citoyen communiquer et être informé est un droit, l’information étant historiquement arrimée à la liberté d’expression « ce que le citoyen a le droit de dire » et, concomitamment, « ce que le citoyen a le droit de savoir », 
L’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 a conféré une existence juridique à la liberté d’expression : «  La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »  
Cet article 11, véritable colonne vertébrale programmatique de toute l’action journalistique est la proclamation la plus absolue de la liberté de la presse et nul ne peut accepter que des extrémistes et intégristes de tous bords, politiques ou religieux, portant l’archaïsme en étendard, s’arrogent le droit de mutiler radicalement et arbitrairement notre liberté.  

Ces sinistres personnages anonymes qui injurient et menacent confortablement sur les réseaux sociaux comptent-ils devenir les marionnettistes qui tirent les ficelles de la presse et nous dicter ce que nous avons le droit de dire et de montrer ? 

Aujourd’hui on parle d’une émission sur l’islam radical, mi-janvier il s’agissait d’une équipe de journalistes de l’AFP agressée à Paris lors d’une manifestation anti-passe, sans oublier toutes les menaces et actes de violences subis ces dernières années par des consœurs et des confrères lors de précédents rassemblements (anti-passe et/ou de Gilets jaunes). L’acmé de cette violence portant le nom de Charlie Hebdo depuis janvier 2015… 

Lorsque les faits prennent une tournure aussi violente et radicale, la presse ne peut pas lutter seule. Ne pas soutenir des journalistes menacés de mort est un acte de renoncement à la liberté d’informer et d’être informé. Il est impératif que la société civile et les politiques leur témoignent de leur soutien sans faille car s’attaquer à la presse, c’est s’attaquer à notre démocratie. Les médias et la démocratie, l’histoire et l’actualité s’articulent simultanément comme le souligne notre confrère Eric Rhode dans son livre « L’éthique du journalisme » : « Tout laisse penser, en première analyse, qu’il n’y a pas de démocratie sans information libre et de qualité. Il est même possible d’avancer que démocratie et information sont l’index l’une de l’autre, ce qui, entre autres, signifierait que la crise actuelle des médias ne serait pas seulement un préjudice pour la démocratie -comme si cette dernière était affectée par un facteur externe – mais le symptôme d’une cause endogène de la démocratie ou, au contraire, qu’une crise de la démocratie serait le symptôme d’une crise de l’information. ». 

Cette mission d’information est un privilège mais aussi une responsabilité que nous tentons d’exercer avec exactitude, honnêteté et intégrité, dans le respect des faits. Dire le réel avec rigueur, que cela plaise ou non.  

Les points de désaccords sur le traitement éditorial d’une actualité rythment bien sûr les relations entre la presse et le public. C’est le signe de la vitalité des débats. L’expression des divergences n’exclut pas, et c’est heureux, le partage d’opinions communes, cette Lettre en témoigne chaque semaine. L’exigence de nos auditeurs nous oblige. Ils partagent pleinement avec les rédactions de Radio France les valeurs humanistes du débat démocratique et du droit inaliénable à l’information, boucliers contre l’obscurantisme. 

Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes de Radio France